Chapitre 6
— Vous n’avez toujours rien à m’apporter ? C’est quand même incroyable.
Le commandant Faventiny n’en dormait plus. Depuis que le corps disparu puis réapparu chez lui, ensuite réintégré à l’institut médico-légal, plus d’une semaine s’était écoulée et rien ! Nada comme se plaisait à le répéter Esteban Blaviso. Il avait eu beau se décarcasser pour trouver des informations, il n’avait rien eu à se mettre sous la dent. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé et lui qui se vantait d’être un fin limier, il restait bredouille.
— Ce n’est pas possible. Une maison ne peut pas disparaitre comme ça du cadastre.
— Réjouis-toi, répondit en haussant les épaules Hugo, tu ne paieras pas d’impôts et vue la surface, tu vas faire de rudes économies.
— C’est malin ! Tu penses bien que je vais faire la déclaration. Peut-être que ça soulèvera des questions.
— Que dit ta femme ?
— Coralie ? Figure-toi que ses collègues ont émis la même idée que vous. Un amoureux éconduit pourrait lui en vouloir.
— Et ?
— Rien non plus.
— Pas de petits copains ?
— Tu sais, elle a bûché dur pour arriver là où elle en est. Elle n’avait pas le temps de penser à autre chose.
— Ne me fais pas croire qu’elle est restée sans flirt avant de te rencontrer ?
Hugo et Esteban fixaient en riant leur supérieur.
— Pas mon problème. Ce qu’elle a vécu avant ne me regarde pas. On parle d’autre chose.
— Jaloux ?
— Stop ! vous n’avez rien à faire ?
Quand le commandant s’exprimait ainsi, il valait mieux faire profil bas. Ils rejoignirent leurs bureaux respectifs.
****
Alors que le docteur Faventiny, armée de son scalpel ouvrait un nouveau cadavre, Sophia lui demanda si c’était toujours d’accord pour pendre la crémaillère.
— Évidemment ! lui répondit sa cheffe.
— Chouette ! Nous allons pouvoir découvrir la maison et y débusquer les fantômes.
Sophia fit les gros yeux à son collègue.
— Oh ça va ! Je ne peux pas rigoler ?
— Il n’y en a pas.
Coralie commença à enregistrer les informations que lui livrait son cadavre.
Sophia et Vincenzo se consultèrent à voix basse.
— Quel cadeau vas-tu apporter ?
— Je n’ai pas d’idée. Il faudrait déjà voir la maison avant pour la décoration.
— Tu as raison. Mais comment faire pour y être invités ? Le planning est assez rempli et je doute que le soir, Coralie ait encore envie de se farcir ses collègues autour d’un verre.
— Qu’est-ce que vous complotez derrière mon dos ? Vous croyez que je ne vous entends pas ?
— On se demandait si nous ne pourrions pas aller voir ta maison avant la crémaillère.
Coralie stoppa son enregistreur.
— Pour quelles raisons ?
— Curiosité et le vœu de vous faire plaisir à tous les deux.
— Ne vous cassez pas la tête avec un cadeau. Nous ne serons que nous et les collègues de Daniel de toute façon.
— Justement !
— OK, pendant que je termine allez-y faire un tour. Prenez les clés dans mon manteau.
— Merci chef !
****
Sophia et Vincenzo découvraient émerveillés le parc.
— Eh ben, tu parles d’un héritage !
— Regarde, il y a même une mare là-bas !
La bâtisse apparut dans toute sa splendeur au bout du chemin.
— Ce n’est pas le château de la belle au bois dormant, mais quand même, elle a un certain cachet, je le reconnais !
— Tu sais qu’elle n’est inscrite nulle part cette maison ? Le commandant ne comprend pas.
— Tiens, en parlant du loup. Le voilà !
La voiture de Faventiny passa à côté d’eux. Il leur fit un signe, mais ne s’arrêta pas.
Les deux collègues de Coralie surpris songèrent à la même chose.
— Il doit être pressé !
— Heureusement que nous ne sommes pas arrivés alors qu’il était encore chez lui, il aurait été capable de nous tirer dessus.
— N’exagère pas ! Il est assez maître de lui quand même !
— Tu te rends compte, continua Sophia, il aurait entendu le bruit de la clé dans la serrure, il aurait pensé à une nouvelle intrusion.
Ils stoppèrent devant le perron.
Quand ils entrèrent dans la maison, une odeur de café les surprit et une musique était en fond. Elle s’éteignit rapidement.
— Le commandant a dû s’en faire une tasse et oublier d’arrêter son enceinte.
— Regarde la déco ! La cuisine tout en chêne ! Elle n’a rien à voir avec leur appartement. Je croyais Coralie plus moderne.
— J’imagine que la bâtisse était comme ça. Ils n’ont pas encore eu le temps de s’installer vraiment.
— Si ! je reconnais leur meuble.
Sophia s’assit sur le canapé.
— Celui-là il date de nos études de médecine.
— Ne me dis pas que le docteur n’en a pas acheté d’autres ?
— Comme tu peux le voir. Elle est très attachée, tu sais.
— Le commandant aussi ?
— Il n’avait peut-être pas trop de trucs à lui.
— Bon alors, que va-t-on leur offrir ?
Ils se levèrent et commencèrent à passer dans toutes les pièces.
— N’empêche, je n’imaginais pas que le commandant aimait ce genre de musique, murmura Vincenzo.
— Tu es encore sur ça ? demanda en riant Sophia.
— Tu l’écoutes en Bluetooth toi ?
— Oui, avec mon téléphone. Pourquoi ?
— L’enceinte n’a jamais autant de portée. Si Faventiny avait oublié de l’éteindre, dès qu’il serait entré dans sa voiture, elle n’aurait plus capté.
— Il a peut-être un autre système, lui ou Coralie d’ailleurs.
— Et tu ne trouves pas bizarre qu’il ne se soit pas arrêté pour nous parler et nous demander ce que nous faisions là ?
— Peut-être que Coralie l’a prévenu.
— Tu as vraiment réponse à tout toi !
Ils étaient arrivés dans la salle de bains.
— Oh le jacuzzi ! Superbe ! J’en rêve !
Sophia le contemplait avec envie. Dans son petit appartement, jamais elle n’aurait la place pour en installer un.
— Et si nous leur achetions des rideaux ? J’adore coudre. Je choisis le tissu et je fais ça le soir. Tu es d’accord ?
Vincenzo haussa les épaules. De toute façon, il se doutait qu’il ne la ferait pas changer d’avis.
— Viens, nous allons prendre les mesures.
— De toutes les fenêtres ? Tu es folle ?
— Ouais, tu as sans doute raison.
Elle repartit en sens inverse.
— Je sais ce qu’il manque. Un miroir dans l’entrée. Regarde, il serait posé là, juste quand on arrive, on peut se mirer dedans.
— Tu n’as qu’à choisir un porte-manteau aussi tant que tu y es.
Ils sursautèrent tous les deux quand une porte claqua. Sophia devint toute pâle. Ils avaient oublié qu’il pouvait y avoir quelqu’un qui les surveillait dans la maison.
— Viens on s’en va.
Ils sortirent en vitesse et donnèrent un tour de clé derrière eux. Une fois dans la voiture, ils regardèrent les fenêtres. Rien ne bougeait.
— Que nous sommes bêtes !
Vincenzo se tapa le front.
— Rappelle-toi, le docteur Faventiny nous a dit que la police avait remarqué qu’une porte fermait mal en haut, ce qui expliquerait le bruit qu’ils entendaient parfois.
— Oui ça doit être ça ! Allez démarre. Coralie va se demander ce que nous fabriquons.
Tout en haut de la maison, à une fenêtre pratiquement invisible, quelqu’un les regardait en souriant.
À suivre …