Le plaisir d’Héloïse était lorsqu’on lui racontait une histoire, c’était de tout changer et d’inventer autre chose.
Elle connaissait par cœur celle du Petit Chaperon rouge, mais Héloïse avait beaucoup d’imagination. Voici ce qu’elle lu à Stefano.
Il était une fois une petite fille qui aimait bien s’habiller en rouge. Sa maman lui avait cousu un manteau et un bonnet de cette couleur. Comme elle avait fait de la confiture, elle lui proposa d’en porter à sa grand-mère.
— Tu ne parleras pas à des inconnus, dit maman. Et passe à la boulangerie prendre une baguette, ça fera plaisir à Mamie.
Le petit chaperon rouge fit ce que sa maman lui dit. Mais, le pain frais lui faisait tellement envie que pendant le chemin, elle en grignota le crouton, puis un autre bout. Elle pensa qu’avec de la confiture ce serait encore meilleur, elle s’assit sur le bord du trottoir et ouvrit le pot. C’est alors que des petits oiseaux se groupèrent autour d’elle pour manger les miettes.
— Bon appétit petite fille, dit un monsieur qui s’arrêta devant elle.
Elle ne répondit pas parce que sa maman lui avait défendu de parler à des inconnus.
— Tu veux bien me faire goûter ta confiture ? C’est quel parfum ?
Le petit chaperon rouge tendit le bout de pain qu’elle allait mettre à la bouche. Stupéfaite, elle regarda l’homme se transformer en loup.
— Ah ben ça alors ! qu’est-ce qu’elle était bonne ta confiture, mais que vais-je devenir en loup moi !
— Tu es gentil ou méchant ? demanda-t-elle.
— Je n’en sais rien. Normalement, je suis gentil, mais là, mystère !
— Viens avec moi dans le bois, je vais te montrer la maison de ma grand-mère, tu verras bien si tu as envie de la manger ou pas.
— Je crois avoir lu cette histoire et ça finit mal, je ne veux pas perdre ma peau.
— C’est mon histoire, tu ne peux pas connaitre la fin, c’est moi qui décide.
— Tu sais, les animaux comme moi, les hommes ne les aiment pas trop. Et ta grand-mère va avoir peur de moi.
Le petit chaperon rouge enleva le foulard de la même couleur qu’elle avait autour du cou et entoura celui du loup.
— Avec ça, tu es comme un chien apprivoisé. Viens avec moi.
C’est alors qu’un garçon s’approcha d’eux.
— Tu n’aurais pas vu mon grand-père ? Il devait m’attendre ici pendant que j’achetais du pain. C’est la première fois que je fais les courses tout seul.
Le petit chaperon rouge se gratta la tête. Elle ne savait pas trop comment elle allait se sortir de ce guêpier.
— C’est moi ton grand-père, murmura le loup.
Le gamin se mit à pleurer et ses larmes faisaient de grosses billes qui coulaient sur la patte de l’animal. Il redevint alors normal.
Le petit chaperon rouge se leva puis essuya les miettes qui collaient à ses lèvres et elle se rendit compte qu’elle avait mangé tout le pain et la confiture.
Stefano éclata de rire :
— Sacrée gourmande, ça ne m’étonne pas de toi. Mais ça n’a plus rien à voir avec l’histoire.
— C’est grave ? Moi, j’aime pas trop quand les loups sont méchants et dévorent les mamies, et puis ils ont dit à la télé qu’il fallait tout changer les mots dans les livres. Alors voilà, c’est fait !
Je retrouve avec plaisir mes petits personnages et je te partage le bavardage de Stefano avec son papa.
Stefano aidait son papa à installer un récupérateur d’eau. Ils étaient seuls, les filles étaient parties faire du shopping comme disait Charlie. Celle-ci avait décidé de rhabiller sa fille, Héloïse ravie ne s’était pas fait prier. Charlie aurait bien voulu entrainer avec elles Stefano, car ce n’est pas Joe qui allait s’en charger, mais le gamin avait préféré rester bricoler avec son père.
— On ira tous les deux, hein papa, je préfère quand on est entre hommes pour m’habiller.
Joe qui tenait en équilibre sur son échelle, un tournevis dans la bouche, grommela un vague oui.
— Hein t’es d’accord ? Un jean et un sweat ça me suffit. Avec Charlie, il faut toujours trouver une chemise assortie, puis un tee-shirt et un autre pantalon, et j’en ai marre d’essayer.
Joe descendit et regarda son gamin.
— Il y a un problème avec Charlie ?
C’était bien la première fois que Stefano parlait ainsi de la jeune femme.
— Mais non !
Il connaissait bien son fils qui commençait à se dandiner d’un pied sur l’autre, les mains dans le dos.
— Tu es sûr ? Tu peux m’en parler, je sais garder un secret.
— Ouais mais t’es amoureux et quand on est amoureux on est neuneu.
Joe éclata de rire.
— Tu as l’air de bien t’y connaitre ma foi ! Alors comme ça, je suis neuneu et tu entends quoi par-là ?
Il ne répondit pas puis il fixa son père dans les yeux.
— Dis, tu vas te marier avec Charlie ? Je te préviens, je ne veux pas porter de costume ni de cravate.
Stupéfait, Joe s’assit à même le sol et invita le petit garçon à venir le rejoindre. Il passa un bras autour de ses épaules et le serra contre lui.
— Raconte-moi ce qui te tracasse et je te rassure tout de suite, il n’est pas question de mariage pour le moment. Charlie et moi n’avons jamais abordé le sujet.
— Oui mais tu sais bien qu’avec elle, d’un coup de baguette magique, elle nous retourne comme une crêpe.
— Pas contre notre volonté, jamais, tu le sais bien.
— C’est bien ce que je dis, tu vois rien, t’es amoureux.
— Tu trouves que j’ai changé ? Je ne suis plus le même avec toi ? Pas assez présent ? Tu penses que je la laisse trop s’occuper de toi ? Je n’en ai pourtant pas l’impression et Charlie ne se permet jamais de te faire de réflexions.
Stefano soupira. Joe se recula pour le regarder.
— De quoi as-tu peur ? L’histoire du costume n’est qu’un prétexte. Je n’oublierai jamais ta maman, je te l’ai déjà dit, et Charlie ne la remplacera pas. Alors de quoi as-tu peur ? Que je t’aime moins ?
Au soupir du petit garçon, il comprit qu’il avait touché un point sensible.
— Tu sais trésor, un cœur c’est grand comme ça, reprit Joe en étirant les bras, et le mien, tu as vu comme il peut être énorme. Alors, j’aime Charlie oui mais d’un amour différent de celui dont j’ai aimé ta maman, puis toi, je t’aime fort autrement, et puis j’aime aussi encore différemment Héloïse. Il y a de la place pour tout le monde dans mon cœur, mais tu sais… toi, tu auras toujours la première place.
Stefano se jeta dans les bras de son père.
— Tu promets ?
— Croix de bois croix de fer, si je mens je vais en enfer.
Stefano ajouta tout bas
— Pour le reste aussi tu promets ? Pas de costume hein, si jamais tu changeais d’avis pour le mariage.
Joe éclata de rire et embrassa tendrement son fils
— Alors, on la continue cette installation de récupérateur d’eau ?
Mercredi, jour des enfants, c’est avec plaisir que je retrouve mes petits personnages Héloïse et Stefano.
Héloïse aimerait bien faire du vélo. Stefano voulait lui prêter le sien.
— Non, j’en veux pas, c’est un de garçon.
Stefano haussa les épaules, il ne voyait pas la différence.
– Il est bleu.
— Ne me dis pas que tu en veux un rose ?
Joe qui avait entendu la conversation intervint :
— Il y a longtemps que c’est fini cette histoire, du rose pour les filles et du bleu pour les garçons.
— C’est pas vrai. Mes copines, elles ont des vélos roses.
Papa Joe fronça les sourcils et Charlie qui passait par là éclata de rire.
— Héloïse, je t’ai bien vu jouer au foot pas plus tard qu’hier. C’est pourtant un jeu de garçons non ?
La petite fille ouvrit de grands yeux et brava sa mère.
— C’est pas pareil, il y a des équipes de filles dans le football.
— Et ? insista Papa Joe.
— Ben… je veux un vélo rose voilà.
Joe et Charlie rirent de concert. Stefano y ajouta son grain de sel.
— Dis plutôt que tu préfères avoir un vélo neuf à toi que d’avoir le mien trop petit pour moi.
Héloïse se dandina d’un pied sur l’autre. Elle était démasquée. Charlie lui proposa :
— Nous ne savions pas que tu avais envie de faire du vélo, tu n’en avais jamais parlé, ce qu’on peut faire c’est que tu essaies sur celui de Stefano et si ça te plait et que tu débrouilles, promis, tu pourrais choisir celui dont tu rêves.
— Le vélo de mon fils est en très bon état, ajouta Joe qui ne trouvait pas utile d’en acheter un nouveau qui dans un an serait devenu trop petit. Il préférait attendre, mais il se tut.
Héloïse accepta du bout des lèvres. Joe vérifia la selle et l’ajusta à la taille de la fillette. Elle n’était jamais montée sur une bicyclette aussi papa Joe remarqua :
— Je crois me rappeler où sont rangées les petites roues, ça serait plus facile pour commencer.
Héloïse n’était pas d’accord, elle voulait être une grande tout de suite. Pour montrer qu’elle savait faire et surtout qu’elle pourrait avoir rapidement un vélo bien à elle, elle grimpa sur l’engin. Charlie tenta de lui tenir la selle et d’avancer avec elle, de peur qu’elle tombât n’ayant peut-être pas encore l’équilibre, mais Héloïse donna un gros coup de pédale et la voilà partie.
Surpris, Stefano qui avait failli être renversé se recula en criant alors que Papa Joe et Charlie, ébahis, contemplèrent Héloïse, très fière d’elle qui s’échappait par le portail.
Surpris, Stefano qui avait failli être renversé se recula en criant alors que Papa Joe et Charlie, ébahis, contemplèrent Héloïse, très fière d’elle qui s’échappait par le portail.
Affolée, Charlie se mit à courir derrière elle. Il ne passait pas souvent des voitures sur ce chemin, mais il suffisait que Mathurin rentrât avec son tracteur et c’était l’accident, mais Héloïse revint toute guillerette. Elle posa pied à terre et afiirma à Stefano.
— Je ne l’ai même pas abimé, il roule super vite. Merci.
Elle se tourna vers Papa Joe et sa maman.
— Alors, on y va quand choisir mon vélo ?
Charlie fronça les sourcils, sa fille la regardait d’un air frondeur qui ne lui plut pas.
— On a le temps et tu serais gentille de nous parler sur un autre ton s’il te plait. Ce vélo, comme tu l’as dit toi-même, fonctionne très bien. Il peut faire l’affaire pour quelques jours, histoire de voir comment tu te comportes avec lui. D’ailleurs, ce serait bien que dès que serons tous disponibles, nous partions faire une promenade ensemble, ce serait l’occasion de t’inculquer quelques règles du Code de la route. Tu n’as pas été très prudente de sortit ainsi sans regarder.
Héloïse baissa la tête. Elle n’avouera pas qu’elle n’avait jamais fait de vélo de sa vie.
— Je te parle, Héloïse.
Papa Joe voudrait intervenir, ce n’était pas non plus une catastrophe, mais le ton qu’avait employé Charlie le stoppa dans son élan. C’était une histoire entre ses deux femmes et il sentait qu’il ne devait pas s’en mêler. Le regard de Charlie quand elle fixait sa gamine, il l’avait déjà vu, il le mettait toujours mal à l’aise comme si elle détenait un pouvoir particulier.
— Pardon maman.
Stefano se gratta la tête, il avait la même mimique que son père. Décidément, c’était à n’y rien comprendre avec les filles. Il était pourtant certain qu’Héloïse n’avait jamais fait de vélo.
Il en fut encore plus convaincu quand celle-ci passa devant lui et lui fit un clin d’œil.
Journée des enfants, je te laisse avec mes petits héros Héloïse et Stefano. Parfois au détour d’une phrase, la vérité sort de la bouche des enfants 😉😊.
C’était le grand jour, Papa Joe construisait la cabane de Stefano et Héloïse.
Les gamins s’étaient levés de bonne heure, pas de grasse matinée alors que c’était mercredi. Le petit déjeuner avait été avalé à une vitesse grand V. Charlie n’eut même pas de réflexions à faire, les mains étaient lavées, les bouches essuyées, les bols portés sur le lave-vaisselle et la table débarrassée. Joe fit un clin d’œil amusé à sa moitié d’un air de dire que si c’était tous les jours comme ça, ce serait merveilleux.
— Nous sommes prêts.
Héloïse en salopette, casquette sur la tête l’attendait de pied ferme avec un papier à la main. Elle lui tendit et du haut de ses six ans, elle interrogea Joe sérieusement :
— Tu vas suivre mon plan hein ? Je t’ai tout écrit là.
Elle indiqua sur sa feuille les différents dessins. Joe saisit ce qui ressemblait à un plan. Effectivement, une cabane était bien représentée. Il fronça les sourcils.
— Il n’était pas question qu’elle soit installée en haut d’un arbre.
Charlie s’approcha et posa son menton sur l’épaule du grand gaillard. Elle bouscula son chapeau pour mieux voir. Joe avait tout l’air d’un cow-boy même le matin de bonne heure.
Elle murmura :
— Ce serait dangereux non ?
Héloïse montra l’escalier.
— Ah parce qu’en plus, il faut faire des marches ? demanda Joe.
— Comment veux-tu qu’on y monte sinon ?
Les yeux grands ouverts de la gamine le fixaient. Il se sentit idiot d’avoir posé la question.
Stefano regarda son père en haussant les épaules d’un air de dire qu’il n’y était pour rien.
Charlie interrogea la fillette :
— Sur quel arbre avez-vous imaginé cette cabane ?
Les enfants se tournèrent l’un vers l’autre. Ils avaient de ces questions les adultes. N’empêche qu’ils n’y avaient pas réfléchi.
— Ok, j’apporte tout le matériel et on voit ensemble ce qu’on peut faire, proposa Joe qui n’avait quand même pas que ça à faire.
Charlie leur emboita le pas. Elle devait y mettre son grain de sel. C’était elle qui s’était occupée de l’achat du bois malgré les dires de son homme qui ne cessait de répéter qu’elle ne trouverait pas ce qu’il fallait. Pourtant, il la laissa faire. Charlie était la reine du bricolage, il avait déjà remarqué qu’elle avait des doigts de fée et que tout ce qu’elle touchait s’arrangeait sur l’heure.
Les enfants aidèrent Joe à porter les planches sur la remorque du tracteur. Il y déposa son énorme boîte à outils. Héloïse adorait la regarder. Elle lui faisait penser au grand sac de Mary Poppins en moins joli. Joe en sortait tout un tas d’objets qui servait tous à quelque chose. Quand il fouillait à l’intérieur, ça faisait un drôle de bruit et il n’en fallait pas plus pour que la petite fille s’imagine une histoire. Elle se demanda si Dame Tournevis et Seigneur Marteau étaient réveillés.
Ils grimpèrent à côté du siège, Charlie marchait à côté d’eux, accompagnée du chien Texas qui gambadait autour d’elle.
Héloïse désigna le platane qui trônait au milieu du pré peu éloigné de la maison.
— Là, papa Joe, la cabane sera bien.
Il fronça les sourcils. Il n’avait pas pensé à cet arbre, il le regarda mieux en s’approchant. Il n’avait jamais remarqué ses branches qui s’élançaient vers le ciel de cette façon.
— Tu vois, tu fais une échelle et hop !
Il grommela :
— Y a qu’à évidemment. Avec ton crayon, c’est toujours facile.
Mais, il arrêta son tracteur et descendit en sifflotant. Héloïse et Stefano sautèrent de l’engin très excités.
Heureusement que Charlie était avec eux, le travail avançait vite et la cabane prenait forme. Joe ne comprenait pas tout et surtout pas comment les enfants avaient de telles facilités pour emboiter les planches les unes aux autres. Charlie lui dit que le vendeur lui avait vanté ce matériau et qu’il était fait exprès pour le montage rapide de ce genre de construction.
Depuis que Charlie était entrée dans sa vie, Joe s’interrogeait tous les jours sur les dons qu’elle développait. Certes, elle était douée mais quand même ! Cartésien comme il l’était, des choses incompréhensibles pour lui le titillaient souvent, mais devant le sourire angélique de Charlie et son regard limpide, il baissait les armes et abandonnait la partie qu’il savait perdue d’avance.
La cabane était terminée… dans l’arbre. Joe n’en revenait pas. Charlie avait insisté pour la monter et la consolider au milieu du platane qui semblait s’écarter au fur et à mesure que l’habitation des enfants s’installait. Ne restait que l’échelle de corde à accrocher.
— Ah et il ne faudra pas oublier les poubelles pour le tri, dit Héloïse d’une voix ferme. Le Maître à l’école nous a bien expliqué.
— Ben voyons, et je vais les trouver où ? grogna Joe.
— Ne fais pas ton hérisson, répondit calmement Charlie. Regarde, j’avais prévu.
Elle montra les boites avec des couvercles de différentes couleurs. Elle désigna, la jaune pour le plastique, la verte pour les ordures, la bleue pour le carton, et le composteur pour les épluchures.
— Mais ?
Joe souleva son chapeau pour se gratter la tête et demanda :
— Parce que tu crois que les enfants vont manger ici et avoir besoin de toutes ces poubelles.
— C’est pour faire comme une vraie maison, lui répondit avec aplomb Héloïse.
— CQFD, ajouta Stefano.
— Merci Papa Joe.
Héloïse planta deux grosses bises sonores sur ses joues puis elle tapa des mains.
Elle regarda Joe accrocher l’échelle de corde, puis elle le vit retourner à son tracteur. Curieuse, elle le suivit.
— Oh, une balançoire !
Elle ne put réprimer sa joie et se mit à tourner comme une toupie, les bras écartés, pendant que Joe installait à une autre branche la balançoire. Il vérifia la solidité et invita les enfants à l’essayer. Stefano s’y assit le premier et s’élança. Héloïse en admiration le regardait, ébahie.
— Tu me pousseras au début, je ne sais pas trop faire encore.
Joe entoura les épaules de Charlie et tous deux contemplèrent les gamins dont les joues rouges et les yeux brillants exprimaient leur bonheur.
C’est alors qu’ils entendirent le camion poubelle s’arrêter devant la maison. Héloïse le regarda et dit :
— Bientôt, ils ne vont plus avoir de travail, on leur fait tout le boulot.
Et Joe ajouta in petto et en plus on paie plus cher ! Charlie lui fila un coup de coude pour le faire taire. Il sourit mais il n’en pensait pas moins.
C’est mercredi et pourquoi pas laisser parler mes petits héros, Héloïse et Stefano. Comme quoi, une question anodine peut en amener une autre 🙄.
Stefano et Héloïse ont grandi. Il approchait les sept ans alors qu’elle avoisinait les six. Comme c’était mercredi, ils revenaient ensemble à pied de l’école. Ce n’était pas loin, ils bavardaient en partageant leurs secrets.
Héloïse n’hésitait jamais à demander l’aide de son petit compagnon.
— Tu pourras me faire réciter ma poésie ?
Elle n’était pas sûre d’elle. Elle apprenait vite, mais elle craignait souvent que sa mémoire flanchât.
La conversation prit un tour inattendu.
— Et puis tu sais ma copine Tina, elle est tombée.
— Oui, et, c’est grave ?
— Elle a des bleus partout. Elle m’a dit qu’elle n’avait même pas pleuré.
— Elle est tombée comment ?
— Des escaliers.
Stefano regarda sa sœur d’adoption.
— Tu parles bien de Tina, celle qui habite dans les nouvelles maisons ?
— Mais oui, pourquoi tu demandes ça ?
— Pour rien.
Ils arrivèrent chez eux et la bonne odeur de cuisine les cueillit aussitôt. Joe était justement en train de se laver les mains et Charlie, le tablier autour de la taille, tendit sa joue. Texas, le terre neuve leur fit la fête.
— Mathurin a proposé que vous alliez voir votre poulain Célestin cet après-midi.
Joe regarde les deux enfants en s’installant à table.
— Vous vous êtes lavé les mains ?
Charlie ne transigeait pas, pour le repas, chaque menotte devait être propre. Les gamins le savaient.
Ils s’assirent et la jeune femme apporta la soupe de légumes sur la table.
— J’aime pas ça ! ronchonna Héloïse.
Charlie lui en versa tout de même une louche dans son assiette et Joe y alla de sa petite phrase toute faite :
— Il faut que tu manges pour devenir grande.
— Maman n’a pas dû en manger beaucoup, elle ne t’arrive même pas aux épaules.
— C’est parce que je suis très grand.
— Et que je n’ai pas mis mes talons.
Tout le monde éclata de rire, sauf Héloïse qui regarda d’un drôle le liquide verdâtre devant elle.
— C’est à quoi ?
— Haricots verts, courgettes et…
— Je déteste les haricots verts.
Charlie soupira. Sa fille faisait la difficile en ce moment. Stefano, avait déjà terminé.
— Elle est très bonne ta soupe. Tu devrais la goûter Héloïse.
Elle accepta de tremper ses lèvres.
— Alors ?
— Hum, ça va.
— Tina est tombée des escaliers et a des bleus partout, déclara Stefano.
— T’étais pas obligé de le dire, rouspéta Héloïse. C’est ma copine. C’est à moi de le dire.
Charlie et Joe se regardèrent.
— Tina ? Ton amie qui vient de déménager dans les nouvelles maisons ?
— Pourquoi tu demandes ça ? Stefano aussi a fait pareil tout à l’heure.
Charlie enleva les assiettes creuses, ainsi que celle de sa fille qui l’avait terminée, et apporta le gratin de macaronis.
Les deux enfants applaudirent. Elle les servit en les prévenant que c’était chaud, qu’ils fassent attention de ne pas se brûler. La bouche pleine de pâtes et de fromage qui filait, Héloïse reprit oubliant les recommandations de Charlie.
— Même qu’elle n’a pas pleuré. Pourtant, elle en a beaucoup de bleus. Moi, j’aurais pleuré, c’est sûr !
— Elle les a montrés à ta maîtresse ? l’interrogea Charlie oubliant de la réprimander.
— Ben non, y a qu’à moi qu’elle l’a dit. C’est pas un secret, alors, je vous le raconte.
— Tu les as vus aujourd’hui seulement ?
— Mais non ! ça fait longtemps. Elle tombe souvent en fait.
Stefano regarda son père.
— Je croyais qu’il n’y avait pas d’escaliers dans ces maisons-là.
— Dis aussi qu’elle ment !
Héloïse se mit à pleurer.
— T’es méchant Stefano. Elle raconte pas des histoires ma copine. Même qu’elle raconte que son papa, il la frapperait si elle mentait.
— Nous te croyons ma chérie.
Charlie lui passa la main dans les cheveux et soupira. Décidément…
Une fois la table débarrassée, la vaisselle dans la machine et les enfants partis dans la salle de jeux, Charlie demanda à Joe.
— Tu sais parfaitement comme moi que cette petite est brutalisée par son père non ?
— Hum !
— Et alors ? On laisse faire ?
Joe soupira.
— Tu veux que j’en parle à la femme de Mathurin, elle est assistante sociale.
— Joséphine ? Oui, c’est vrai. Elle est au centre d’action sociale. Mais…
Charlie se détourna. Joe savait bien à quoi elle pensait.
Dans la salle de jeux, Héloïse discutait avec sa poupée. Stefano lisait.
— Pourquoi tu me fais mal ?
— Je ne te fais pas mal, je te frappe parce que tu as fait des bêtises.
— Oui, mais tu me fais mal.
Stefano leva la tête.
— Mais pourquoi tu fais ça à ta Barbie, Héloïse ?
— C’est pas grave, il faut bien, elle n’est pas sage. Tu sais, mais tu ne le répètes pas, mon papa, il faisait ça à maman. Elle croit que je le sais pas, mais j’ai tout vu. C’est pour ça qu’on est là. Elle avait peur qu’il me fasse du mal. Heureusement que ton papa, il n’est pas comme ça, et tu as bien de la chance !
Stefano resta muet. Héloïse n’avait pas l’air perturbé. Depuis qu’elle était arrivée avec Charlie, elle n’avait jamais fait allusion à cette histoire. La petite fille leva la tête et sourit :
— Tu voudras qu’on se marie quand on sera grands ?
— Tu as de ces questions Héloïse ! Comment veux-tu que je le sache ?
— Moi j’en suis certaine. Et toi ?
— Bah si tu en as envie.
— Sérieux ?
Héloïse lui sauta au cou.
— Viens, on va le dire à maman et papa Joe.
— Attends, il n’y a pas urgence !
— Ça veut dire quoi urgence ? C’est quand on va à l’hôpital ? Mais je ne suis pas malade.
— Non, Héloïse, ça veut dire que ce n’est pas pressé de les prévenir tout de suite.
— Pressé comme un citron ? Je ne comprends rien à ce que tu racontes. Moi, je veux le dire à maman.
Elle se leva et dévala l’escalier, faillit rater une marche, et fut cueillie par Joe qui la rattrapa de justesse.
— Combien de fois faudra-t-il te dire de ne pas courir dans les escaliers ?
Joe avait pris sa grosse voix.
— Je voulais dire quelque chose d’urgent à maman même si c’est pas pressé comme un citron. Mais je peux le dire à toi aussi. Avec Stefano on va se marier.
Le gamin qui descendait regarda son père. Celui-ci faillit éclater de rire devant la mine penaude de son fils.
— Félicitations les enfants ! Vous avez choisi une date ?
Héloïse répondit très sérieusement :
— Tu as de ces questions papa Joe ! Comment veux-tu que je le sache ?
Comme c’est le jour des enfants, je partage avec toi, le conte écrit pour Pâques avec mes personnages Héloïse et Stefano. Tu vas retrouver Joe et Charly les parents et toute l’ambiance un peu magique de cette famille. Ici c’était Noël 😉.
Je sais que Pâques n’est pas encore là, mais mercredi prochain il sera trop tard 😉.
Je t’embarque avec moi dans mon univers 😉.
— Tu crois qu’ils vont penser aux œufs de Pâques ?
Héloïse tourne en rond dans le jardin. Elle est face aux clapiers de Joe et discute avec les lapins. Si Stefano l’entendait, il se moquerait encore d’elle en lui répétant qu’elle n’est plus un bébé. Sauf qu’Héloïse n’est pas une enfant comme les autres. Très sensible, elle sent les choses et aujourd’hui plantée devant la lapine qui vient d’avoir des petits, elle lui parle. Elle l’a baptisée Hermine.
— Je sais bien que l’histoire des cloches qui déversent les œufs dans les jardins, ce n’est pas possible, mais moi je voudrais bien y croire quand même. Tu penses que tu pourrais m’aider ?
Hermine de couleur marron la regarde de ses grands yeux noirs tout en mâchonnant son brin de luzerne.
— Moi j’aimerais bien que les animaux parlent comme dans les livres. Tu n’en aurais pas envie toi ?
— Avec qui tu bavardes ?
C’est Joe, toujours affublé de son chapeau qui s’approche d’elle.
— Ne l’embête pas ! Elle doit s’occuper de ses lapereaux, n’y touche pas surtout, sinon elle pourrait les abandonner si elle sent ton odeur.
Héloïse soupire.
— D’accord, je m’en vais.
Joe qui descendait de son tracteur l’attrapa gentiment au passage quand elle passa devant lui.
— Attends, je ne t’ai pas demandé de partir, seulement de ne pas la toucher. Je t’ai déjà expliqué. Elle sent ton odeur et c’est étranger pour elle.
— Je sais, je ne l’ai pas caressée.
— Tu es toute triste, qu’est-ce qu’il t’arrive encore ?
— Rien !
Et elle le planta là. Joe soupira. Il avait bien compris que quelque chose la tracassait, mais il avait du travail, il haussa les épaules et remonta sur son engin.
— Et si j’allais voir les poules ? Peut-être qu’elles pourraient m’aider !
Stefano l’aperçut alors qu’il faisait du vélo dans le parc. Il vint à sa rencontre.
— Tu joues avec moi ? On fait la course ?
— Non, j’ai autre chose à penser.
Il éclata de rire.
— Ah oui ? Et à quoi ?
— Arrête de te moquer de moi, tu verras bien.
Il haussa les épaules et reprit son vélo. Les filles c’était d’un compliqué !
Héloïse entra dans le poulailler déclenchant des cot cot indigné de la basse-cour.
— Ne faites pas tant de bruit, j’ai besoin de vous.
Les volailles se turent aussitôt, comprenant qu’elle ne leur voulait pas de mal. Elles continuèrent leur balade nonchalante dans l’herbe.
— Vous pourriez vous arrêter de picorer quand même ! J’ai quelque chose à vous demander ! Pourriez-vous me faire de beaux œufs de Pâques colorés ? Et les disperser dans le jardin ?
Les bestioles ne relevèrent même pas la tête.
— D’accord, vous ne m’écoutez pas ! S’il vous plait votre attention !
Héloïse claqua les mains, ce qui pour effet de stopper net le picorage. Le coq majestueux se demanda alors ce qu’il se passait et vint à la rencontre de la petite fille. Il tendit le cou et s’approcha plus près.
— Elles ne te répondront pas, elles n’ont pas de langue.
Héloïse sursauta et se reprit aussitôt.
— Parce que toi tu en as une peut-être ?
— Moi je suis le maître ici, ce n’est pas pareil.
— C’est ça, fais le malin !
— Dis donc, tu pourrais me demander pourquoi je te parle au lieu de me faire un cours d’anatomie.
— Écoute Victor, je sais que tu es le chef de la basse-cour, mais…
— Comment m’as-tu appelé ? Victor ?
Il gonfla le jabot, sa crête rougit de plus belle et il se tourna vers ses poules.
— Vous avez entendu ? Je suis Victor.
— Il n’y a pas de quoi pavoiser, rétorqua une poulette plus délurée que les autres, au cou dégarni, une houppette ébouriffée sur la tête.
— Tu vois qu’elles parlent aussi !
Héloïse tapa des mains.
— Je vais vous demander de faire une surprise. Mais c’est un secret. Promis, vous tiendrez votre langue ?
Elles répondirent toutes ensemble.
— On n’en a pas de langue, on ne peut pas la tenir !
Elles caquetèrent de plus belle comme si elles avaient pris un fou rire. Gagnée par leur bonne humeur, Héloïse se mit à sauter partout dans le poulailler.
— Venez à côté de moi, je vais vous dire à quoi je pense.
— Tu sembles bien guillerette ce matin Héloïse ! c’est parce que les vacances sont là ?
Charlie regarde sa fille avec amour. Sa frimousse est barbouillée de chocolat.
— Tu as bien dormi !
— Oui ! J’ai une surprise ! Mais je ne te le dirais pas.
— Alors pourquoi en parles-tu ?
Stefano la taquine.
— Je suis certain que tu ne sauras pas tenir ta langue.
Héloïse en profite pour lui tirer justement. Comme elle est pleine de chocolat et de miettes, ce n’est pas très joli, et elle se fait remonter les bretelles par Joe qui n’admet pas qu’à table les enfants se comportent mal.
Une fois le petit-déjeuner débarrassé, Héloïse file s’habiller en vitesse. Stefano est surpris de la voir redescendre et courir vers le poulailler. Joe sourit.
— Je ne sais pas ce qu’elle mijote, mais ça la met de belle humeur. Je suis content. Il y avait quelques jours qu’elle semblait triste non ?
— Tu connais ma fille, elle est à fleur de peau.
— Hier, elle bavardait avec les lapins.
— Elle adore les animaux.
Stefano n’a pas attendu la fin de la conversation et il est parti la rejoindre. Qu’elle n’est pas sa surprise de l’entendre discuter avec le coq, les poules autour de lui ne bougent pas une aile. Le gamin n’ose pas faire de bruit.
— Alors, faites-moi voir ?
Les volailles s’écartent et Héloïse s’avance à l’endroit où elles se retrouvent toutes pour pondre. Dans la paille, elle découvre des œufs multicolores. La petite fille est ébahie.
— Vrai ! c’est vous qui avez fait ça !
Le coq se rengorge. Il a bien commandé ses femmes. Dans les différents nids, il y en a des bleus, des roses, des rouges, des jaunes, celui-là avec des traits verticaux, d’autres horizontaux, d’autres encore imitant des vagues.
— Et ce n’est pas fini, demain, ça recommence !
— Oui, mais ce n’est pas du chocolat qu’il y a dedans ? Si ?
Les poules caquettent à qui mieux mieux, comme si elles riaient.
— Goûte ! Tu verras bien !
Héloïse n’en croit pas ses yeux, elle a devant elle une douzaine d’œufs en chocolat. Elle en casse un petit bout et c’est rudement bon.
Stefano qui s’est approché ne comprend rien. Héloïse s’est accroupie et a cogné un œuf doucement par terre, et elle le met à la bouche, comme ça, alors qu’il n’est même pas cuit.
— Mais ça ne va pas Héloïse ! Tu vas être malade !
La fillette surprise lâche son précieux cadeau. Il s’écrase au sol et le jaune s’étale à ses pieds.
— Regarde ce que tu as fait, Charlie ne va pas être contente et Joe encore moins.
Héloïse contemple ses chaussures, les poules et Victor le coq qui hausse ses plumes. Il embarque ses volailles sans se retourner.
— Tu as tout gâché !
Héloïse se mit à pleurer. Stefano ne comprenait pas.
— Mais Hélo… Tu ne peux pas casser les œufs comme ça !
— Je ne les cassais pas, c’était ça ma surprise ! Ils sont en chocolat !
Stefano se gratta la tête.
— Regarde tes chaussures Héloïse, ce n’est pas du chocolat là !
— Tu comprends rien !
Elle le bouscula et s’enfuit en courant.
Hermine, la lapine, surveillait de son clapier ce qu’il venait de se passer. Elle se mit à glapir et aussitôt Victor le coq s’approcha.
— Tu as vu ? Fais quelque chose ! Moi, je suis enfermée, je ne peux rien faire. J’ai mes petits que je ne peux pas laisser.
— T’inquiète pas, je gère !
— Ah oui ? Et comment ?
— Je vais rentrer dans la maison et parler à Charlie.
— Ben voyons ! Tu vas te faire sortir à coup de balai sûr !
Victor gonfla le jabot, devint tout rouge et lança un cocorico tonitruant.
— Jamais personne ne me fera de mal, compris !
— Qu’est-ce qu’il se passe ici ?
Charlie est face à eux. Hermine se planque dans son clapier et Victor ne bouge pas d’un pouce.
— Répondez-moi !
Joe qui venait chercher son tracteur éclate de rire.
— Tu parles au coq ? Décidément, ta fille et toi vous ressemblez vraiment beaucoup.
Victor cligna de l’œil et de sa démarche fière repartit trouver ses poules.
Charlie éluda la question de Joe et ouvrit la porte de la cage pour nourrir la lapine. Elle disposa un peu de grains dans la mangeoire et mit un peu de luzerne sèche près d’elle, veillant bien à ne pas la toucher.
Celle-ci s’approcha des mains de la jeune femme et couina doucement. Charlie chuchota :
— Attends que Joe soit parti, je ne peux pas te parler.
Une fois seule, Charlie ouvrit la porte du clapier.
— Sors Hermine et fais ce que tu as à faire.
— Mes petits ?
— Ne t’inquiète pas pour eux. Fais attention de ne pas te faire surprendre par Joe.
La lapine détala.
Stefano rejoignit Héloïse dans sa chambre.
— Je suis désolé si je t’ai fait de la peine, mais je ne comprends rien à ce que tu racontes.
— Tu ne peux pas comprendre !
— Je sais tu me l’as déjà dit. Explique-moi alors !
— J’ai demandé aux poules de pondre des œufs de Pâques et ne ris pas !
Stefano s’assit sur le lit.
— Et donc ?
— Regarde !
Héloïse sortit de sa poche, deux œufs qu’elle avait réussi à emporter.
Stefano n’en crut pas ses yeux quand il les vit décorés.
Le lendemain matin, les enfants avalèrent leur petit-déjeuner à toute allure. Joe avait à peine terminé de boire son café qu’ils avaient déjà détalé, n’oubliant pas de débarrasser leurs bols.
— Quelle mouche les pique ce matin Charlie ? Tu es au courant de quelque chose ?
— Pas du tout, ils ont sans doute des choses à faire, des trucs de gosse.
— Je suis heureux qu’ils s’entendent aussi bien.
Il se leva et embrassa la jeune femme.
Héloïse entra en trombe dans le poulailler. Les poules affolées se mirent à courir dans tous les sens. Victor arriva les calmer.
— Allons les poulettes !
Héloïse se baissa pour caresser le coq. Stefano ouvrit de grands yeux.
— Alors, elles en ont pondu combien ?
— C’est un peu tôt encore, mais allons voir.
Stefano murmura à l’oreille de son amie :
— Mais qu’est-ce que tu fais ?
— Chut !
Émerveillés, les deux enfants contemplèrent les différents nids où des œufs bariolés étaient disposés.
— Tu pourras remercier Hermine qui a fait tout le travail.
— Pourquoi ?
— Regarde, elle a trouvé de jolis paniers et avec ses copines, elle a attaché des rubans. Tu pourras présenter tes surprises dedans. Mais, jusqu’à samedi, tu vas encore en avoir. Mes poulettes sont à fond.
— Merci, je t’adore !
Stefano ébahi vit Héloïse attraper Victor par les ailes et se mettre à danser avec lui dans l’herbe. Les volatiles ravis du spectacle caquetèrent en cadence.
— Mais qu’est-ce qu’il se passe là-bas, maugréa Joe qui allait quitter la cuisine. Tu entends ce boucan ?
— Ne t’inquiète pas, les volailles ont sans doute perçu un bruit bizarre. Tu sais ces bestioles ne sont pas très intelligentes.
— Tu parles c’est les gamins ! Stefano n’y est jamais autant allé que depuis qu’il connait ta fille.
— C’est un reproche ?
— Mais pas du tout, je suis heureux qu’il ait retrouvé le sourire. Mais je vais quand même y aller faire un tour.
— Laisse-les donc s’amuser !
— Non, je ne veux pas qu’ils fassent des bêtises.
Il mit son chapeau et à grandes enjambées, il partit rejoindre son fils et Héloïse. Charlie, à la fenêtre, siffla.
La porte d’un clapier s’ouvrit, Hermine se faufila à l’extérieur.
— Alors les enfants, que faites-vous encore dans le poulailler ?
Héloïse répondit aussitôt.
— Rien !
— Stefano ?
Il ne réagit pas.
— Je te parle gamin !
Stefano prit la main de la petite fille et l’entraina.
— Rien, papa. Je t’assure.
— Tu as ramassé les œufs ?
— C’est trop tôt, tu sais bien.
Joe sourit.
— Alors que faites-vous là ? Vous ne voyez pas que les poules sont affolées par votre présence ?
— Ben non, regarde !
En effet, le coq picorait tranquillement dans un coin, et ses comparses en rond autour de lui faisaient de même.
Plus loin, une lapine emportait un panier rempli d’œufs multicolores.
Enfin, le week-end arrivait. Héloïse était très excitée. Allait-elle avoir sa surprise et surtout, comment sa maman et Joe le prendraient-ils ? Elle se leva la première. Stefano dormait encore. Elle ne devait pas faire de bruit. Elle enfila un gros pull sur son pyjama, ses bottes en caoutchouc jaune à pois et hop, elle partit rejoindre ses amis dans le poulailler. C’était la grande effervescence. Hermine, debout sur ses pattes arrière plaçait les œufs colorés dans les paniers. Victor surveillait ses comparses qui étaient sagement installées sur leur nid.
C’était parfait. Héloïse tapait des mains tellement elle était heureuse. C’était magique. Elle seule pouvait voir ça. Seule… pas tout à fait.
— Tu es contente ?
La petite fille sursauta. Charlie était derrière elle.
— C’était une surprise, tu ne devais pas savoir.
— Je jouerais le jeu ne t’inquiète pas ma chérie.
— Tu n’es pas fâchée ?
— Bien sûr que non ! mais je ne voudrais pas que Joe se doute de quelque chose.
— Stefano n’a rien compris et n’a rien vu.
— Hum !
La jeune femme tapa dans ses mains et aussitôt Victor se mit presque au garde à vous devant elle.
— Je vous remercie. Vous avez bien travaillé. Je m’occupe du reste. Hermine, tu peux rejoindre ton clapier. Joe ne va pas tarder à venir, vous savez ce que vous devez faire.
En quelques secondes, la lapine se faufila dans l’herbe pour retrouver ses petits. Victor lança un tonitruant cocorico annonçant ainsi l’aube naissante, les poules se mirent à chanter et à sortir de leur nid, en s’ébouriffant.
Charlie ramassa les œufs bariolés, les paniers, et tout redevint comme avant. Elle saisit la main d’Héloïse dans la sienne et toutes deux reprirent le chemin de la maison pour préparer le petit-déjeuner comme si de rien n’était.
Le jour de Pâques, les enfants furent réveillés par un rayon de soleil coquin qui leur balaya le visage à travers les rideaux. L’odeur de chocolat chaud leur chatouilla les narines. Stefano, le premier, posa les pieds par terre et se frotta les yeux. Héloïse s’étira, un sourire sur les lèvres. Texas, le terre neuve monta l’escalier et doucement poussa la porte de la chambre. Il mit ses pattes sur la couette et murmura :
— Tu viens ?
Héloïse ébahie, demanda :
— Mais… tu parles ?
— Victor, le coq, ce volatile dressé sur ses ergots le fait bien lui, pourquoi pas moi ?
La fillette enserra de ses petits bras la grosse tête du chien et enfouit son visage dans la fourrure.
Une cloche retentit alors.
Joe qui préparait le café sursauta. Charlie posa une main sur son épaule. Elle appela les gamins. Une cavalcade résonna aussitôt et Texas ne fut pas le dernier à débouler dans la cuisine. Charlie ouvrit la porte et un doigt sur la bouche, les invita à contempler le spectacle.
Une pluie d’œufs tombait doucement du ciel.
Elle tendit aux enfants les paniers pour les récupérer. Ils partirent en courant dans le jardin, en riant aux éclats.
— Mais…
Joe ne pouvait pas croire ce qu’il voyait. Son caractère cartésien l’empêchait d’imaginer que des cloches pouvaient lâcher dans sa prairie des œufs en chocolat. Pourtant c’est ce qu’il se passait. Les enfants, excités, fouillaient l’herbe autour des arbres, débusquaient des trésors derrière les pots de fleurs. Certains, plus téméraires, s’étaient même posés sur la margelle du puits.
Charlie entrelaça ses doigts à ceux de son homme.
Victor lançait des cocoricos à tout va, les poules l’accompagnaient de leur cot cot heureux. Hermine, dans son clapier glapissait en cadence, et Texas, poussait de sa truffe, les œufs bien cachés.
— Joyeuses Pâques mon chéri !
Les enfants les rejoignirent émerveillés, les paniers pendus à chaque bras, bien remplis.
Texas aboya, Joe posa sa main sur sa tête. Stefano se glissa de l’autre côté et se serra contre lui. Héloïse se colla contre Charlie.
— J’ai faim, on prend le petit-déjeuner ?
C’était un dimanche tout à fait ordinaire finalement.
Noël approche à grands pas et te souviens-tu de l’histoire d’Héloïse et Stefano, tu peux la retrouver ici. Voici la fin 👇.
Charlie avait le don pour décorer la maison de papa Joe. Héloïse était en admiration. Tout ce que touchait sa maman se transformait en quelque chose de magnifique. Héloïse était certaine que jamais la maison de papa Joe n’avait été aussi belle.
Stefano approuvait et ses yeux brillaient. Il se rappelait vaguement que lorsque sa maman était encore là, son père allait chercher un sapin pour le garnir de boules multicolores. Mais aujourd’hui il était triste, petit à petit ses souvenirs s’estompaient et Charlie prenait toute la place.
Ils étaient bien allés tous les quatre choisir le bel arbre vert chez un l’horticulteur, ami d’enfance de Joe. Ils avaient eu du mal à se décider, mais ils étaient finalement tombés d’accord sur un sapin qui trônait dans la pièce à vivre, à savoir la grande cuisine avec son immense cheminée. Il y en avait bien une autre qui faisait office de salon, comme l’appelait pompeusement Joe, parce qu’elle avait un canapé où les chats aimaient s’y blottir et que la télé qu’ils allumaient rarement était installée, mais vu qu’ils y passaient peu de temps, l’arbre avait pris sa place là où Charlie faisait mijoter ses petits plats.
Héloïse avait ouvert la fenêtre de son calendrier de l’avent. Deux jours restaient avant Noël. La maison était prête, Charlie avait sorti la farine, les œufs et les emporte-pièces pour les biscuits. Héloïse s’accouda à la table et ferma les yeux. Deux jours avant de savoir si son rêve allait se réaliser.
— Tu es occupée Charlie ?
Une bourrasque s’engouffra dans la cuisine quand Papa Joe entra. Héloïse était en admiration devant lui. Il enleva son chapeau et secoua ses boucles emmêlées. Il s’approcha de la jeune femme, lui piqua un baiser sur la joue et ébouriffa au passage la tête de la petite fille.
— Je t’emmène.
Il siffla son chien pour qu’il rentre.
— Toi aussi Héloïse, tu me guideras dans mon choix. Stefano est déjà dans mon carrosse.
Charlie essuya ses mains au tablier qu’elle quitta rapidement et sans s’interroger davantage saisit son manteau et le suivit. Héloïse posa son bonnet à pompon de guingois sur sa tête et enfila à la hâte sa doudoune rouge.
— Tu sais où on va ? murmura la gamine à l’oreille de Stefano.
— Aucune idée.
Ce n’était pas souvent qu’ils allaient au village. Les deux enfants ébahis découvrirent alors le traineau du père Noël. Charlie descendit rapidement du 4×4 et se dirigea vers le bonhomme à la barbe blanche.
Héloïse le reconnut, c’était celui de son rêve. Son petit cœur s’accéléra surtout quand il la vit et lui fit un clin d’œil. Charlie leur fit signe.
Stupéfaits, Stefano, Héloïse et Joe furent invités à s’asseoir dans le traineau.
— Pourquoi il fait nuit ? murmura Stefano à l’oreille d’Héloïse.
Charlie qui avait entendu répondit aussitôt :
— N’est-ce pas mieux pour voyager dans le ciel ?
Le vieil homme s’installa à l’avant.
— Vous êtes bien au chaud ?
Les plaids rouge et blanc recouvraient les enfants. Joe enfonça son chapeau sur les oreilles et saisit la main de Charlie.
Comment était-ce possible ? Héloïse serrée contre Stefano ouvraient grandes ses mirettes. Ils voyageaient dans le ciel, à bord d’un traineau tiré par quatre rennes. Jamais, elle n’avait pensé que ça pouvait arriver. Elle pouvait presque toucher les étoiles.
Soudain il amorça une descente et se posa délicatement dans la neige. Entouré de sapins, c’était le calme absolu.
— Je m’occupe de mes bêtes, je reviens.
Le vieillard encore leste pour son âge, mais d’ailleurs quel âge avait-il ? Héloïse pensait qu’il était très très vieux, mais après tout, elle n’en savait rien.
Ils se retrouvèrent seuls, tous les quatre, autour d’un feu qui crépitait. Qui l’avait allumé ? Ils s’assirent près des flammes qui grimpaient haut dans le ciel noir. Joe avait d’assez grands bras pour serrer contre lui Charlie et les deux enfants. Il murmura :
— Vous ai-je déjà dit que je suis le plus heureux des hommes ?
Il regarda Stefano.
— Je t’aime tellement mon fils.
Il essuya une larme qui perlait au bord des cils de son gamin.
— C’est le froid, dit Stefano bravement.
Joe fit mine de le croire.
— Et toi mon petit lutin, dit-il en s’adressant à Héloïse, depuis que tu es entré dans ma vie, tu es un rayon de soleil au quotidien. J’ai quelque chose à te demander, mais avant il faut que j’aie l’accord de ta maman.
Il saisit la main de Charlie et plongea son regard dans celui de la jeune femme.
— Accepterais-tu de devenir ma femme ? Je sais bien que c’est désuet et je ne suis pas très fort pour les demandes en mariage, mais…
Charlie l’interrompit :
— Oui.
Le feu crépita et le vieillard en rouge réapparut.
— Ah je vois que vous vous êtes mis au chaud. Mes rennes sont prêts à repartir, vous aussi ?
— Héloïse ? Tu dors ?
Charlie regardait sa gamine accoudée toujours à la table.
— Je croyais que tu allais m’aider pour les biscuits, mais…
Héloïse se frotta les yeux. Elle avait encore rêvé. Elle soupira.
Une bourrasque s’engouffra dans la cuisine quand Papa Joe entra. Il avait un drôle d’air. Stefano était derrière lui.
La voix cassée il enleva son chapeau et déposa un petit cadeau sur la table. Devant la mine surprise de Charlie, il haussa les épaules et dit :
— Je n’ai pas la patience d’attendre Noël, depuis ce matin, je tourne en rond. J’ai fini par en discuter avec mon fils et nous sommes tombés d’accord, je… t’offre ta surprise aujourd’hui, comme ça tu l’auras pour… enfin… si tu veux bien…
Héloïse n’avait jamais vu Papa Joe comme ça, il se tordait les mains comme elle quand elle avait fait une bêtise et qu’elle ne savait pas comment l’avouer.
— Vas-y papa, fais pas ta mauviette.
Stefano poussait son père vers Charlie.
Joe tendit la petite boite enrubannée de rouge à la jeune femme. Elle s’essuya les mains, les joues rosies de plaisir.
— J’adore les surprises.
Délicatement, elle enleva le ruban et commença à déplier le papier. Héloïse admirait sa mère. Elle, elle déchirait toujours tout, trop impatiente. Maman, elle, prenait tout son temps et c’était à chaque fois pareil.
Charlie ouvrit le petit couvercle de la boîte. Un anneau apparut, tout simple. Héloïse se pencha et le découvrit en même temps. Elle se frotta les yeux et se pinça, histoire d’être certaine que ce n’était pas encore ce fichu rêve qui revenait.
Joe balbutiait :
— Ce n’est pas trop mon truc les demandes en mariage, mais…
— Bref, papa aimerait bien qu’on forme une vraie famille, l’interrompit Stefano qui avait honte de son père, lui toujours si sûr de lui. Moi, je suis d’accord, même si je n’oublierai jamais ma maman, mais je veux bien que tu deviennes un petit peu la mienne.
Charlie se jeta dans les bras de Papa Joe. Héloïse baissa la tête, c’est certain, elle allait se réveiller.
— Et toi mon petit lutin, j’aimerai savoir… Papa Joe saisit son visage et la regarda tendrement, si ta maman veut bien, accepterais-tu que je devienne ton papa même si…
Héloïse éclata en sanglots, se blottit contre lui et hoqueta :
— C’est le plus beau Noël de ma vie.
Charlie proposa alors d’aller fêter ça au village peut-être y aurait-il une surprise.
C’est en arrivant sur la place que les enfants émerveillés découvrirent le traineau du père Noël.
Héloïse s’échappa des mains de Charlie pour courir vers lui bousculant au passage les gamins qui souhaitaient lui parler. Elle se jeta dans les bras du bonhomme en rouge et lui murmura un merci tremblant dans les oreilles. Le vieux monsieur à la barbe blanche la regarda de ses yeux plissés, esquissa un sourire et la serra dans ses bras.
Pourquoi ne pas terminer le mois de novembre avec une histoire d’Héloïse et Stefano. Je t’ai déjà parlé de ces personnages dont je n’ai rien publié ici 😁 mais ils existent bel et bien. Va donc voir ici
Comme c’est le jour des enfants et que demain c’est le 1er décembre et le début de mon calendrier pourquoi ne pas commencer avec le rêve d’Héloïse ?
Quand Héloïse ouvrit les yeux, elle fut surprise de se retrouver dans son lit. Elle se rappelait qu’elle avait eu froid parce qu’elle avait fait du chien de traineau.
Sérieux ? Il fallait qu’elle raconte ça à Stefano, même s’il se moquait d’elle, il l’écouterait sans broncher.
Elle enfila ses pantoufles, un pull au-dessus de son pyjama et descendit l’escalier. Personne ! Tant mieux ! Elle remonta dans sa chambre et s’habilla en vitesse : Tee-shirt rouge sweat assorti, jupe en jeans et leggins noirs.
Elle brossa ses cheveux parce que maman Charlie ne rigolait pas avec ça et repartit à la course.
— Combien de fois t’ai-je dit de ne pas courir !
Papa Joe se servait un café dans la cuisine. Elle ne l’avait pas vu. Il s’approcha pour l’embrasser.
— Bien dormi ?
Elle répondit à son baiser et demanda aussitôt où était Stefano.
Papa Joe lui fit signe que son fils était attablé sous la véranda, plongé dans un bouquin.
Elle s’approcha de lui en faisant attention de ne pas le déranger, mais le petit garçon leva la tête et lui sourit.
— Enfin tu es debout ?
Elle murmura à son oreille :
— J’ai fait un rêve merveilleux. J’étais au pays du père Noël. Tu veux que je te raconte ?
Stefano lâcha son livre et écouta. Héloïse se cala contre lui et de sa voix cristalline commença :
J’avais des frissons alors je me suis réveillée pour me couvrir. En fait, j’étais dans une forêt et il y avait de la neige. Un petit bonhomme tout habillé en vert avec un bonnet à grelot rouge s’est approché de moi.
— Tu es venue pour l’embauche ? D’habitude il n’y a pas de fille, mais comme il manque du monde en ce moment, je ne pense pas que le patron fasse le difficile.
Je ne comprenais rien à ce qu’il me racontait et je ne savais pas de quoi il parlait. Il s’en rendit compte parce qu’il me trouva bien petite. Pourtant, il dit :
— Tu n’es pas un lutin toi !
Je n’osais pas répondre et me mis à trembler. Du coup, il tapa dans ses mains et un traîneau tiré par quatre grands chiens apparut. Le lutin me fit grimper dedans et m’emmitoufla dans la couverture qu’il y avait. Il enfonça un bonnet sur ma tête comme le sien et donna un ordre aux animaux.
Ils démarrèrent aussitôt et moi j’étais bien au chaud et je regardais le paysage magnifique. Ils se sont arrêtés devant une grande maison tout illuminée. Je te garantis qu’il y avait du bruit et du monde à l’intérieur. Je suis descendue et j’ai collé mon nez à la fenêtre. Imagine un peu ! Il y avait plein de lutins qui fabriquaient des cadeaux.
— Au lieu de faire ta curieuse, tu ferais mieux de rentrer avant de tomber malade. Je ne sais pas si tu as compris qu’il faisait -20° ici.
Il faisait rudement chaud dans la pièce et ça sentait trop bon, comme une odeur de bonbons et de chocolats. C’était magique !
— Surtout, ne fais pas de bruit, le patron dort encore. Il se repose.
J’ai failli rigoler parce que du bruit, il y en avait plein. Je crois que le lutin avait compris, il me dit à l’oreille.
— Si tu parles, le patron saura que tu n’es pas un lutin. Nous n’avons pas le même langage que toi.
— Mais je comprends ce que tu dis.
— Oui parce que je suis le chef et que mon rôle est de surveiller ce qu’il se passe à l’extérieur et je parle toutes les langues. Je t’ai entendue arriver. Suis-moi, regarde et ne touche à rien.
Tu ne peux pas savoir Stefano comme c’était beau de voir tous ces petits bonhommes se dépêchaient pour fabriquer et emballer tous les cadeaux qui allaient être distribués.
— Tu as vu le mien ? l’’interrompt son petit compagnon.
Héloïse ouvrit de grands yeux horrifiés et répondit très sérieusement.
— Mais je n’ai pas le droit de te le dire voyons ! Je continue.
Il y avait des poupées, des ours en peluche, des camions, des voitures, des jeux de société, des ordinateurs, des déguisements, des livres de coloriage, c’était magnifique.
J’ai même vu la fabrique de chocolats et de biscuits de Noël. Et c’est là que tout s’est gâté.
— Je parie que gourmande comme tu l’es, tu as voulu goûter.
Héloïse baissa les yeux et reprit son histoire.
Je n’avais même pas encore trempé un doigt dans le chocolat qu’une grosse voix a crié :
— Qui va là ? Qui es-tu ?
Et là, devine qui est arrivé devant moi ?
Stefano soupire :
— Le père Noël évidemment.
Il était un peu comme on le voit dans les livres ou dans les magasins, mais c’était pas pareil. J’ai compris tout de suite que c’était le vrai. Sa barbe est toute blanche et toute douce, il a des petites lunettes rondes sur le nez, tu sais comme celles que met Papa Joe quand il doit lire et qu’il dit qu’il voit sans, mais qu’il les met quand même. Il a des petits yeux qui sourient, il est vieux ça c’est sûr, mais il est tout gentil. Alors il m’a demandé qui j’étais. J’ai répondu que j’étais Héloïse. Il s’est mis à rire. Il n’avait pas l’air trop bien réveillé, il n’avait même pas de chaussures.
— Tu crois vraiment que je vais me rappeler de toi ?
Le lutin chef s’est alors approché de lui et lui a dit quelque chose à l’oreille et lui a tendu une liste.
— Ah je vois. C’est toi qui as demandé que Papa Joe devienne ton papa et que ta maman soit toujours heureuse avec lui.
— Sérieux ? Tu as demandé ça au père Noël ? Je pensais que tu voulais le poney qui vient de naître chez Mathurin.
— Je sais bien que c’est pas possible donc je veux ça.
— Et que t’a-t-il répondu ?
— Tu vois que tu y crois toi aussi ? Pourtant tu te moquais de moi…
— Continue ton histoire va !
Le père Noël m’a dit qu’il fallait que j’y pense très fort et que peut-être ça pourrait se réaliser, mais que ça ne dépendait pas tout de lui. Il a ajouté aussi que comme j’avais été sage…
Il existe dans mes cahiers des personnages qui ont eu une histoire et c’est tout. Pourquoi ? Je n’en sais fichtre rien.
J’ai pourtant eu l’envie, un jour, de les créer, de leur inventer une vie. Lorsque je fouille dans mes cahiers, je trouve :
HéloïseStefanoHéloïse et Stefano
Extrait d’un texte :
Héloïse avait débarqué dans la maison de Stefano un jour de pluie. Mais depuis ce jour, il faisait toujours soleil dans le cœur du gamin.
Elle était arrivée avec son vieux doudou tout moche qu’elle traînait derrière elle…
Charlie aussi était entrée dans la vie de Stefano, bouleversant tout sur son passage. Mais elle, ce n’est pas une vieille peluche qu’elle traînait, c’était des cartons de livres, un ordinateur et des carnets de toutes les couleurs. Elle avait envahi tout l’espace au grand plaisir de Joe.
Joe, c’était le père de Stefano. Un grand gaillard, à la barbe mal rasée qui piquait. Toujours affublé d’un chapeau en cuir de cow-boy. Ses bras étaient tellement immenses, qu’il pouvait les prendre tous les deux en même temps. Il y ajoutait même Charlie, et ils riaient tous aux éclats.
….
Il y avait aussi l’histoire de ma sorcière Nicky …
Nicky et Sam
Extrait :
– Tu ne vas pas recommencer Samantha, je te répète que je ne suis pas une sorcière. Cesse de divaguer et de t’inventer des histoires…..
Qu’est-ce qu’il t’a pris de venir ici ? Et tu ne pouvais pas t’habiller plus discret ?
– Je t’emmène Nicky, réunion à Salem !
Elle lui donna la main et ils disparurent ensemble dans un nuage de fumée, laissant ébahie Sam qui avait oublié son sac et revenait le chercher…..
Stoppée dans son élan, elles se regardèrent toutes les deux. Nicky posa à nouveau sa main sur le front de son amie qui faillit éclater de rire mais se retint devant son air grave.
– Sam, j’ai bien peur que tu sois devenue une sorcière….
Ces personnages dorment au fond de leur cahier. Un jour, ils se réveilleront et certainement, ils auront des choses à me raconter, ils m’empliront la tête et me pousseront à écrire.
T’arrive-t-il à toi aussi d’avoir des personnages qui n’ont plus d’histoire ?