Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

S’il y a bien quelque chose que Marie-Sophie déteste, c’est bien la trahison et le mensonge 🙄.

Je ne voulais pas ouvrir les yeux. J’étais bien dans mon cocon. Je savais que dès que je bougerais, les questions fuseraient de toute part et je n’avais ni l’envie ni la force d’y répondre. Tout allait recommencer, la boule au ventre, la peur de sortir et de parler à mes amis. Je n’avais plus le courage. Pourquoi Saverio était-il passé par là ?

Parce que ce n’était pas ton heure ! Tu as encore tellement de choses à vivre.

Je ne pouvais plus retenir mes larmes. C’était la voix de maman que j’entendais. Je serrai les yeux, peut-être allais-je l’apercevoir ? Je la cherchais désespérément, mais la voix s’était tue et je ne vis personne. Mes paupières se relevèrent lentement. J’étais dans ma chambre. Tournée vers la fenêtre, je reconnus aussitôt l’érable pourpre dont les feuilles balayaient la vitre. Je compris aussi que j’étais seule, mais j’entendais des chuchotements en bas. Soudain, un léger bruit me fit tourner la tête vers la porte. Enzo me regardait. Il n’osait pas entrer. Il me fit un petit signe de la main, je lui fis aussitôt chut en mettant mon doigt sur mes lèvres puis l’invitais à me rejoindre. Il n’hésita pas et s’assit sur mon lit.

— Tu m’as fait peur marraine, tu sais bien que l’eau est froide en ce moment, tu allais tomber malade.

Il chuchotait. Mélusine avait certainement édulcoré la situation. Pour lui, j’avais juste eu envie de prendre un bain.

— Tu as raison, je suis un peu bête parfois.

Je parlais doucement. Il se blottit contre moi.

— Dis… heureusement que le chien de Saverio t’a vue, j’aurais été trop triste si…

Bravache, il essuya en douce une larme.

— Tu sais, Morgan depuis trois jours, il ne mange plus et ne dort plus.

Surprise, je l’interrogeai :

— Trois jours ? Ça fait si longtemps que je dors comme une marmotte ?

— Oui même que parrain et lui se relayaient à côté de toi pour te surveiller. Le médecin est passé, mais il a dit qu’il fallait te laisser te reposer. Ils n’ont pas voulu que tu ailles à l’hôpital. Gabriel était très inquiet et pas d’accord, mais ils disaient que c’était de sa faute tout ça. Morgan l’a même fichu à la porte et s’est mis en colère contre maman. C’est parrain qui a réussi à le calmer. Il est bien mon parrain, je suis allé dormir avec lui dans sa chambre quand il ne te surveillait pas. Maman était trop triste, je ne l’ai jamais vue comme ça. Quand t’es pas là marraine, rien n’est pareil. C’est ce que parrain n’arrêtait pas de répéter à Mélusine. Il s’est fâché aussi contre elle. J’ai voulu prendre sa défense, mais il m’a pris dans ses bras et m’a dit que c’était des histoires de grande personne. Du coup, Morgan m’a emmené et c’est François qui m’a gardé avec Héloïse.

Il se tut, Morgan venait d’entrer dans ma chambre. Lorsqu’il réalisa que j’étais réveillée, un sourire éclaira aussitôt son visage, mais il n’atteignit pas ses yeux. Il avait mauvaise mine, je ne l’avais jamais vu ainsi.

Je lui tendis les bras, il s’y blottit. Enzo toujours contre moi ne bougeait pas. Du coup, je les entourai tous les deux et les serrai contre moi.

— Je te demande pardon ! murmura Morgan à mon oreille.

Pourquoi s’excusait-il ? Ce serait plutôt à moi de le faire, mais je le sentis sangloter contre moi. Puis il se releva et saisit son portable.

— Je reviens, j’ai promis d’appeler Archibald dès que tu serais réveillée, Mélusine tient la boulangerie, il la préviendra et j’imagine qu’il va rappliquer aussitôt.

Il se tourna vers Enzo et lui demanda de rester avec moi.

— Tu veux boire quelque chose ? Manger un gâteau ?

Il avait dû recevoir des consignes et il prenait son rôle très au sérieux. Je repoussai la couette et découvris que j’étais en pyjama. Je ne me souvenais pas l’avoir enfilé.

Je posais délicatement les pieds par terre lorsque Morgan réapparut.

— Je vais t’aider.

Il attrapa ma main et je me levai. Un léger vertige me saisit, mais il ne dura pas. Je me blottis dans ses bras.

— J’ai prévenu aussi le médecin, enfin… Gabriel.

Il avait hésité sur le prénom, mais il me regarda dans les yeux.

— À moins que tu ne veuilles pas qu’il s’occupe de toi.

Je secouai la tête, rien n’avait d’importance. J’entendis une cavalcade dans l’escalier et Archibald déboula dans la chambre. Lui aussi avait mauvaise mine. Morgan se détacha de moi pour lui laisser la place.

— Tu m’as fait tellement peur MarieSophe !

Lui aussi essuya furtivement une larme.

— Pleure pas parrain, elle va bien marraine. Elle a fait un sacré gros dodo. Tu viens avec nous ?

Morgan me passa un pull par-dessus la tête pour que je ne prenne pas froid et tenue par lui d’un côté et par Archibald de l’autre, je descendis l’escalier.

Charles avait dû aussi être prévenu, il arrivait accompagné de Célestine. Aucun ne me posa de questions, mais je sentis que Pépé Charles avait eu du chagrin, ses yeux étaient rougis. Morgan mit en route la cafetière, Archibald avait amené du pain frais et une brioche. La vie semblait reprendre son cours.

Et Gabriel entra à son tour, il me regarda et je compris en un éclair. Ces yeux-là, je venais de les croiser il y a quelques minutes, c’était ceux d’Enzo. Comment mon amie avait-elle pu me cacher ça ? Je n’arrivais pas à réfléchir et calculer quand elle avait couché avec Gabriel, alors qu’elle savait que j’en pinçais pour lui. Enzo était-il au courant ? Et Archi ? C’est ce qui expliquerait peut-être sa colère contre Mélusine.

Perdue dans mes pensées, je n’avais pas dû entendre la question que me posait Gabriel, car il se pencha vers moi et déjà il me prenait mon pouls.

— Comment te sens-tu ? Te souviens-tu quelle année nous sommes ? Comment t’appelles-tu ?

Ah si j’avais pu tout oublier…

— Je m’appelle Marie-Sophie et toi tu t’appelles Gabriel.

Je me tournai vers Morgan.

— Lui c’est mon amour et lui, je désignai Archibald, mon meilleur ami, et puis, là c’est Charles et Célestine.

Rassuré Gabriel me lâcha. Qu’est-ce que j’avais mal ! Y avait-il un remède pour calmer ce sentiment de trahison que je ressentais ? Les questions tournaient en boucle et les souvenirs affluèrent. C’est quand j’étais revenue du Pays basque que j’avais découvert qu’elle était enceinte. Elle avait donc profité de mon absence. Je me rappelais aussi que lors de mon déménagement, les lèvres de Gabriel s’étaient égarées sur les miennes. Je n’avais alors pas fait encore mon choix à ce moment-là. Apparemment, pour lui et Mélusine c’était consommé. Et puis les paroles de Mélusine s’imprimèrent dans mon esprit, elle ne voulait pas d’homme. Elle répétait qu’elle avait fait son bébé toute seule.

Morgan s’approcha de moi.

— Cesse de te poser des questions, tu auras les réponses rapidement. Mélusine a promis.

Comme toujours, il avait compris, mais moi je me demandais s’il était au courant et depuis combien de temps. Même à lui, je ne pouvais pas faire confiance ? J’avais horreur d’être tenue à l’écart sous le prétexte qu’il faille me protéger. Et qu’avait-elle promis Mélusine ? Me dire la vérité ou encore m’édulcorer l’histoire ? Tout ça tourne dans ma tête et l’envie de repartir me coucher, m’endormir et ne plus me réveiller revint me titiller.

— Viens avec moi !

Archibald m’attira vers lui et sans demander l’avis de qui que ce soit, il m’entraîna à l’extérieur. Il me fit grimper dans son Foodtruck et démarra. Je savais que lui ne me trahirait pas, jamais.

© Isabelle-Marie d’Angèle (22 novembre 2022).

À très vite…