Je suis déçue et malheureuse. Pourquoi mon amie Mélusine ne m’a rien dit ? Je me souviens que lorsque nous étions gamines, nous nous racontions tout. Adolescentes, il n’y avait pas de secrets entre nous. Je partageais tout de ma vie, pourquoi ne m’a-t-elle pas parlé ? Je ne connais même pas son chéri ?
Je suis statufiée les bras ballants devant sa porte.
– Rentre, ne reste pas dehors.
– Tu es certaine ?
Je ne reconnais pas ma voix. Quand j’ai l’impression qu’on m’a trahie, je deviens agressive. Mélusine le sait.
– Ne fais pas ta mauvaise tête MarieSophe. Entre !
Elle me tire par le bras sans ménagement.
– Je ne pouvais pas t’en parler, tu m’as lâchement abandonnée.
Vlan ! Prends ça dans les dents. J’encaisse sans mot dire.
– C’est vrai non ?
J’opine et tente un vague :
– Le portable ? La vidéo ?
– Je voulais te le dire de vive voix. Et puis… je ne pouvais pas me déplacer.
– Pourquoi, tu as des problèmes ?
Aussitôt, je m’inquiète.
– Au début oui, mais aujourd’hui, tout est rentré dans l’ordre.
Je n’ose pas lui poser de questions, alors que ma curiosité est à son comble. Qui est l’heureux élu ? Pour quand est prévue la naissance ? Sait-elle si c’est un garçon ou une fille ?
Devant mon silence, elle sourit.
– C’est pour janvier et il n’y a pas de papa.
J’ouvre de grands yeux.
– Il y avait, mais il n’y a plus.
Je me tais toujours enregistrant les informations au fur et à mesure.
– C’est un petit mec. Je l’appellerai Enzo.
Je ne sais pas quoi dire, tellement je me sens abandonnée. Elle vient s’assoir près de moi et passe un bras autour de mes épaules.
– Tu seras sa marraine. Nous allons former une belle famille tu verras, avec Archibald et toi.
– Je suis heureuse pour toi, mais tu n’as pas peur de ne pas y arriver toute seule ? Le papa, c’est le motard dont tu m’avais parlé cet été ?
– Je suis une grande, je saurais faire. Le père, ça n’a pas d’importance.
– Quand même Mélusine, tu…
– Il m’a laissé tomber avant d’être au courant, donc…
– Mais… vous ne vous étiez pas protégés ?
Elle se lève et met en route la bouilloire électrique. Elle sort les mugs et installe le tout sur la table.
– J’ai cru que c’était sérieux… Je me suis trompée.
– Tu ne prenais pas la pilule ?
– Si… mais j’avais arrêté. J’ai la trentaine MarieSophe, j’avais envie d’avoir un bébé. Il était là, voilà !
– Tu veux dire que c’est tombé sur lui, mais que ça aurait pu être quelqu’un d’autre ?
Elle ne répond pas. Quelle piètre amie je suis, pour ne pas m’être rendu compte qu’elle désirait un enfant. Je n’ai pas à la juger. Je me lève à mon tour et la prends dans mes bras, puis je pose ma main sur son ventre et murmure :
– Bonjour, Enzo je suis ravie d’avoir un filleul.
– Ah ! vous êtes là les filles ! Je m’en doutais !
Archibald nous rejoint.
– Alors, tu as appris la nouvelle ? Mélusine va nous faire un petit ! Entre toi la marraine et moi le parrain, il ne va pas être sans rien ce gamin. Pas trop surprise ? je souhaitais qu’elle t’en parle. Mais tu la connais, elle voulait te voir en vrai. Je suis certain que ça t’a fait de la peine de ne pas être au parfum.
Il me tend les bras et je m’y blottis. Que ferais-je sans lui ?
– Au fait, Raphaël est venu chercher sa baguette. Je lui ai annoncé que tu étais revenue. Il va passer te voir ce soir.
– Je croyais que nous allions manger tous les deux ?
– Mais oui, je l’ai prévenu qu’il ne reste pas longtemps.
Je soupire. Je suis rentrée, mais tout est comme je l’ai laissé. Enfin pas tout à fait, pensais-je en contemplant Mélusine. Mon téléphone vibre. Je le saisis et quand je vois le nom qui s’affiche, je me dis que décidément, rien n’est simple dans ma vie. C’est Morgan !