Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Marie-Sophie continue de tenir son journal et elle va de surprise en déconvenue. Comment sa meilleure amie a-t-elle pu faire ça ? Mais qu’a-t-elle donc fait ?

Noël est passé ! L’année est terminée, enfin !

Je regarde par la fenêtre, il fait gris. Je me sens patraque.

J’entends la machine à coudre de Mélusine. Elle est déjà au boulot. Elle a eu de nombreuses commandes, elle est ravie.

Enzo dort encore.

Le premier levé est toujours Archibald. Il a rejoint sa boulangerie et je ne vais pas tarder à aller le retrouver. Finalement, tenir sa boutique me plait bien.

Morgan est parti au marché.

L’année s’est terminée avec la découverte que le papa d’Enzo était Gabriel. C’est Archibald qui m’a expliqué. Notre amie voulait un enfant, je m’étais enfuie au Pays basque, nous ne pouvions pas en discuter ensemble. C’est vraiment par hasard qu’elle en avait parlé à Gabriel, un jour qu’il était venu lui demander où je me trouvais. Archibald était présent. Gabriel avait proposé l’adoption, Mélusine avait refusé. C’était trop long. Elle voulait avoir un bébé tout de suite, seulement, elle n’avait pas d’homme. Archi m’avait raconté qu’en riant, il s’était mis sur les rangs, mais quand il avait réalisé qu’elle serait d’accord, il s’était mis en colère et était parti en claquant la porte. L’envie d’avoir un enfant tournait en boucle dans la tête de Mélusine, elle n’avait que Gabriel sous la main. C’est là où je ne comprends pas comment il a pu accepter de coucher avec elle, oui, parce qu’ils avaient couché ensemble, une seule fois. Lorsque Archibald l’avait appris, il avait déboulé furieux chez Gabriel. Heureusement que Charles était là, il lui aurait cassé la gueule tellement il était fou de rage. Gabriel a toujours affirmé qu’il n’avait pas accepté la demande de Mélusine. Alors ?

Mélusine avait donc avoué qu’elle avait drogué Gabriel. Pour un toubib, bravo, il s’était fait avoir comme un bleu.

Gabriel venait d’apprendre en même temps que moi qu’Enzo était son fils. Pour le bien de notre filleul et pour qu’il passe de bonnes fêtes de Noël, nous n’avons rien dit. Mais en début d’année, nous avons fait promettre à Mélusine de lui dire qui était son père. C’est chose faite. Elle n’a pas reculé. Elle a convié Gabriel chez Saverio, Enzo l’accompagnait. Lorsqu’ils sont revenus, Enzo m’a dit qu’il avait un papa maintenant et qu’il allait le voir souvent parce qu’il travaillait à l’hôpital voisin. Je ne veux même pas connaître ce qu’a raconté mon amie. Tout est clair dans la tête d’Enzo, il est heureux. Quant à Gabriel, effectivement, il essaie de rattraper le temps perdu avec son fils. Mais lorsque Mélusine est présente, il ne croise jamais son regard. Je pense qu’il ne lui pardonnera pas de sitôt. De même, Archibald et moi avons du mal à accepter, mais Mélusine est notre amie depuis de nombreuses années, ça n’excuse rien, je sais bien.

Il est temps de me préparer pour partir à la boulangerie.

Je rencontre François en route. Héloïse est chez ses grands-parents. Il m’embrasse et demande des nouvelles de Mélusine. Ah si elle avait été plus patiente, elle aurait trouvé avec lui, un père formidable. Il craque complètement pour elle.

— J’ai appris pour Enzo.

Stupéfaite, je fais les yeux ronds.

— Je comprends ta surprise, mais il devait avoir envie d’en parler. Il s’est confié à Héloïse.

François hésite à m’interroger, je le vois à sa manière de mettre ses mains dans les poches puis de les enlever. Nous continuons notre chemin en silence et soudain il se décide et s’arrête.

— Ils sont ensemble ?

Je reste à sa hauteur et le contemple. Pour gagner du temps, je demande :

— Tu parles de Mélusine et Gabriel ?

Il hoche la tête et son regard s’évade au loin. Cet homme est amoureux et malheureux, car il sait que ses sentiments ne sont pas partagés.

— Je ne crois pas non !

— Pourquoi est-il revenu alors ?

Comment lui dire qu’à la base Gabriel revenait pour moi et qu’il venait d’apprendre qu’il était papa.

— Tu devrais en parler avec Mélusine. Pourquoi ne lui avoues-tu pas ce que tu ressens ?

— Je l’ai fait et je me suis pris un râteau. Elle m’a répondu qu’elle avait souhaité avoir un enfant toute seule et que sa vie de célibataire lui convenait tout à fait. Je ne comprends pas alors pourquoi cet homme est là. J’avais cru qu’elle avait eu recours à une insémination artificielle.

Nous sommes arrivés, nous entrons ensemble. Archibald me sourit. Je passe dans l’arrière-boutique pour me laver les mains et me changer. Archibald a décidé que je devais avoir une blouse au logo de sa boulangerie. Il sert François et retourne dans son laboratoire.

Avant de sortir, sa baguette à la main, François me demande :

— Je n’ai vraiment aucune chance ?

C’est à ce moment-là que je prends ma décision. Je ne peux pas laisser Mélusine s’en tirer comme ça, sans rien dire. Elle a beau être mon amie, elle a fait n’importe quoi. Elle s’est servie de Gabriel, c’est le moins qu’on puisse dire et quand je vois les yeux tristes de cocker de François, je pense que la vie est vraiment mal faite. Si elle avait rencontré cet homme plus tôt… elle n’a même pas imaginé que je pouvais être amoureuse de Gabriel. Je regarde s’éloigner François.

Furibarde, je retrouve Archibald.

— Tu te rends compte que Mélusine n’a pas pensé une seconde à moi ? Et si j’étais revenue du Pays basque avec la ferme intention de me laisser séduire par Gabriel ?

Mon ami hausse les épaules.

— Tu ne dis rien ?

— Que vas-tu faire ? Briser une amitié de plus de vingt ans ? C’est sa vie, son choix. Je ne cautionne pas du tout, mais ça la regarde.

— Et si Enzo pose des questions sur son père ? Si en grandissant il demande pourquoi il n’aime plus sa maman ? Si c’est à cause de lui ? Et Gabriel tu y as pensé ?

J’en attrapai la nausée. J’ai dû pâlir, Archibald me soutint et me fit assoir.

La cloche de l’entrée retentit, je me redressai et retournai derrière mon comptoir, affichant mon plus beau sourire. Si on m’avait dit à quel point je pouvais être si bonne comédienne, je ne l’aurais pas cru.

© Isabelle -Marie d’Angèle (janvier 2023)

A très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Il est temps de retrouver Marie-Sophie 🙂 et si tu es un peu perdu n’hésite pas à aller rechercher ses pérégrinations ici

— Comment ça tu as déjeuné avec lui ?

Mélusine m’attendait de pied ferme et dès que je passai la porte de la cuisine, elle ne me ménagea pas.

Une fois mon repas avalé avec Gabriel, j’étais repartie à la boulangerie reprendre ma place derrière le comptoir. Archibald ne m’avait posé aucune question et l’après-midi s’était terminée sans que je l’aperçoive. Il avait dû quitter son laboratoire, c’était très calme dans l’arrière-boutique.

J’étais revenue à pied comme d’habitude et j’avais pu constater que Morgan était rentré, sa camionnette étant garée devant chez lui. Il y avait de la lumière chez Charles mais la porte était fermée.

— Raconte et ne me cache rien. Pourquoi n’as-tu pas répondu à mes messages ?

Mon amie était furibonde et je ne comprenais pas vraiment pourquoi.

— Il n’y a pas grand-chose à dire et si tu dois être en énervée après quelqu’un, va donc voir Charles, c’est lui qui a donné notre adresse.

Surprise, elle se calma aussitôt. Je l’interrogeai :

— Tu n’as quand même pas cru que c’était moi qui l’avais appelé ?

— J’ai eu un doute.

Ce fut à mon tour d’être stupéfaite et la colère gronda en moi.

— Vous me prenez tous pour qui ? Où est le problème sincèrement ? Gabriel est un ami qui voulait prendre de mes nouvelles, c’est tout. Il avait des jours de congés, il en a profité pour venir ici.

Je m’approchai de l’évier pour me laver les mains. J’entendais Enzo qui chantonnait, il devait être dans sa chambre en pyjama. Je rentrais tard les jours où je tenais la boulangerie. Mélusine nous avait préparé un gratin dauphinois, je reconnaissais son parfum.

— Archibald est là ?

— Non.

— Tu as vu Morgan ?

— Non.

Je soupirai. Comment avouer que Gabriel allait travailler à une quinzaine de kilomètres de chez nous ? Je levai les yeux et j’aperçus Morgan qui traversait le jardin. Il caressa au passage le chat qui se pavanait devant lui alors que son chien le précédait. Il entra dans la cuisine, m’attrapa par le cou et m’embrassa. Il sentait bon, je me serrai contre lui.

— Comment va Gabriel ? me murmura-t-il dans le creux de l’oreille.

Il se détacha et me regarda en souriant. Avec Morgan, tout était simple.

— Il est en vacances ici ?

Il piqua un grain de raisin dans la corbeille de fruits et s’appuya contre la paillasse. Je répondis aussitôt sans rien lui cacher, les mots venaient tout seul.

— Figure-toi qu’il va bosser à l’hôpital.

Morgan saisit la dernière grappe et mit doucement une graine dans ma bouche.

— C’est Saverio qui m’a prévenu qu’un homme était avec toi et qu’il te dévorait des yeux.

Je rougis instantanément. Tout se savait ici et très vite.

— J’aime quand tu deviens toute rouge.

Il termina les fruits et reprit :

— Normal qu’un homme te trouve jolie, tu l’es.

— Comment as-tu compris que c’était Gabriel ? Saverio ne le connait pas.

Morgan se mit à rire.

— Il me l’a décrit, il a bien dû le regarder pour m’en faire un tel portrait, ça n’a pas été difficile de le reconnaitre.

Mélusine qui avait disparu dès l’arrivée de Morgan réapparut comme par enchantement. Je la soupçonnai même d’avoir écouté dans le couloir.

Elle ne fit aucun commentaire et commença à préparer le dîner en remuant bruyamment les casseroles. Morgan posa sa main sur son épaule.

— Tout va bien Mélusine. Marie-Sophie a tout à fait le droit de rencontrer un copain. J’en ai dit autant à Archibald qui était furieux contre Charles.

Mon amie bougonna tout en préparant la salade. Enzo déboula et installa les assiettes sur la table. Il savait qu’il pourrait ainsi regarder un petit peu la télé avant d’aller se coucher.

Archibald arriva peu après. Il rapportait un gâteau basque.

— C’est de la part de Cybèle.

Il s’approcha de moi et m’embrassa sur la joue.

— Désolé pour tout à l’heure. On oublie ?

Mon portable sonna à ce moment-là, le visage de Gabriel apparut. Archibald soupira mais ne fit aucun commentaire, Morgan me regarda, Mélusine croisa les bras et Enzo cria :

— Pourquoi tu réponds pas marraine ?

© Isabelle-Marie d’Angèle (novembre 2022).

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Voici la suite du journal de Marie-Sophie 😉

Archibald était déjà à pied d’œuvre dans la boulangerie quand je suis arrivée prendre mon poste derrière le comptoir. Il vint aussitôt m’embrasser. Je ne l’entendais jamais partir le matin. Il est vrai que sa chambre ne donnait pas sur la mienne et qu’il a toujours été discret du plus longtemps que je me souvienne, parce que je dois bien l’avouer, il a dormi chez moi plus d’une fois.

Il sentait bon le pain frais. D’ailleurs, il était lié à ce parfum à vie. Il n’accusait jamais la fatigue, il adorait son métier et se lever tôt n’avait jamais été un problème. Même quand nous faisions des soirées avec Mélusine, il était le dernier à repartir chez lui. Il avait toujours quelque chose à me raconter. Archibald et moi c’est comme les doigts de la main, inséparables.

Les premiers clients commencèrent à arriver. Je les reconnaissais et leur proposai leur pain habituel, si bien qu’il n’y avait guère d’attente à la caisse. Finalement, j’aimais être là.

La matinée était déjà bien avancée lorsque quelqu’un poussa la porte de la boulangerie. Occupée à rendre la monnaie, je ne levais pas la tête immédiatement aussi restais-je stupéfaite quand j’entendis :

—  Bonjour Marie-Sophie.

Gabriel était en face de moi. Mon voisin d’en face sur lequel j’avais grave phantasmé affichait un sourire ravageur.

—  Je suis content de t’avoir retrouvée.

Je sentis mes joues s’empourprer. Il me faisait toujours autant d’effet cet homme. Heureusement, il n’y avait personne dans la boutique. Il avait bien choisi son moment certainement sans le savoir, c’était l’heure de la matinée un peu creuse.

—  Bonjour Gabriel.

Je retrouvai enfin ma voix et lui demandai ce qu’il désirait.

—  C’est pépé Charles qui m’a dit que je pouvais te trouver ici. Nous sommes restés en contact et lorsqu’il vidait sa maison. Après de grandes hésitations, il a quand même accepté de me donner ton adresse. Je suis passé chez lui, j’ai donc vu où tu habites, et me voilà. Tu m’as manqué. J’ai quelques jours de congés, je te les offre.

J’enregistrai toutes ces informations et tout se mélangea dans ma tête : la trahison de pépé Charles qui aurait mieux fait de s’occuper de ses affaires, pourvu qu’Archibald ne décide pas de me rejoindre pour me tenir compagnie, et si Morgan passait me faire un petit coucou ou Mélusine avec Enzo.

Gabriel se pencha vers moi au-dessus du comptoir et me fixa de ses beaux yeux verts.

—  Et toi, tu es contente de me revoir ?

Il était gonflé quand même ! ça faisait un bail que je n’avais pas eu de ses nouvelles et d’un coup, il débarquait espérant quoi ?

—  Je suis surprise.

Il sourit.

—  Je croyais que tu aimais justement les surprises ? Je suis heureux, j’ai réussi mon coup. Tu es libre pour déjeuner avec moi ?

Manque de bol ou jour de chance, j’étais toute seule. C’est alors que je réalisai que Morgan ne risquait pas d’arriver à l’impromptu, il était parti sur un autre marché et il avait emmené sa mère. Mélusine était chez François avec Enzo, elle mangeait avec lui. Restait Archibald, mais nous n’avions rien prévu.

—  J’ai vu qu’il y avait un petit bar sur la place, chez Saverio, tu connais ?

—  Il se fait livrer son pain pour ses sandwichs le midi.

—  Alors c’est vendu. À quelle heure termines-tu ?

Je ne pouvais pas aller chez Saverio, tout le village serait au courant aussitôt. La meilleure solution ou la moins pire comme dirait Pépé Charles, était de l’inviter chez lui. Après tout, c’était lui qui m’avait mise dans cette situation, comme je sais qu’il était seul pour la journée, Célestine étant avec Morgan. Je m’entendis répondre :

—  Tu connais l’adresse de Charles, va le retrouver et…

C’est à ce moment-là que le traître arriva à la boulangerie, la mine réjouie.

—  Ne me fais pas la tête MarieSophe, il avait tellement envie de te revoir.

Pépé Charles me fit un clin d’œil.

—  Tiens sers-moi donc ma baguette favorite et…

—  Qu’est-ce que tu dirais que nous venions tous les deux déjeuner chez toi ? Du coup, je t’en mets deux ?

Il se mit à rire.

—  Qu’est-ce que vous allez bien pouvoir faire d’un vieux bonhomme comme moi ? Vous avez certainement plein de choses à me raconter. Et puis, moi, comme j’étais tout seul, j’avais espéré pouvoir regarder Les 12 coups de Midi. Allez donc chez Saverio, tu en profiteras pour goûter ses sandwichs et lui dire ce que tu en penses, depuis longtemps qu’il m’en parle et qu’il se désole que tu n’aies jamais ton avis.

—  Ah j’avais bien reconnu ta voix !

C’était le bouquet, Archibald déboulait dans la boutique et son sourire s’effaça immédiatement à la vue de Gabriel. Celui-ci s’avança pour lui serrer la main. Mon ami fit de même et je sentis aussitôt comme une tension palpable dans la boulangerie.

Heureusement, une cliente arriva. Charles paya sa baguette et s’enfuit sans demander son reste. Gabriel le suivit en me lançant :

—  Je t’attendrai donc chez Saverio, arrive quand tu peux.

Je gardai mon sourire pour la cliente qui en profita pour bavarder avec Archibald. Une fois qu’elle fut sortie, mon ami me fusilla du regard.

—  Tu m’expliques ? Qu’est-ce qu’il vient foutre ici ce toubib ?

Dieu qu’il m’agaçait quand il prenait ma vie en main comme ça.

—  Il n’y a rien à dire, c’est Charles qui l’a renseigné sur ma nouvelle adresse et voilà. Si tu dois en vouloir à quelqu’un, c’est à lui.

—  Je t’accompagnerai bien chez Saverio mais je ne peux pas. Tu te rends compte si Morgan l’apprend ? Il l’apprendra de toute façon.

—  Je ne fais rien de mal. Je déjeune juste avec un ami.

—  Un ami ? Pas à moi MarieSophe. Demande au moins à Mélusine de venir avec vous.

—  Mais enfin, je suis majeure et vaccinée quand même. J’ai le droit de faire ce que je veux non ? Je n’ai pas besoin de chaperon. Est-ce que je te pose des questions quand tu es avec Cybèle Iraola ?

Il fronça les sourcils, j’aurais mieux fait de la fermer.

—  Qu’est-ce qu’elle vient faire ici ? Tu ne vas pas comparer ton toubib et elle ? Il n’y a absolument rien entre elle et moi.

—  Parce qu’il y a quelque chose entre Gabriel et moi peut-être ? Et ne me raconte pas qu’elle te laisse indifférent, je te connais.

—  Alors tu me connais mal MarieSophe.

Il tourna les talons furieux et sans se retourner ajouta :

—  Pars à midi, je tiendrai la boutique jusqu’à ton retour.

J’aurais voulu le suivre et m’excuser, mais un nouveau client arrivait. La mort dans l’âme, je repris mon sourire de commande et m’occupai de lui.

Évidemment, il avait dû prévenir Mélusine, son nom s’afficha sur mon portable alors qu’il était presque l’heure que je m’en aille.

Je l’éteignis rageusement. Comme un ballet bien réglé, Archibald apparut derrière le comptoir. Il avait enlevé son tablier blanc.

Je quittai la boulangerie.

Gabriel m’attendait sur la terrasse. Il avait commandé un jus de fruits. Il me fit signe dès qu’il m’aperçut et quand je le rejoignis, je sentis le regard de Saverio me fixer. J’entrai dans le bar et le saluai. Bravache je lui dis :

—  Un ami est venu me rendre visite, j’en profite alors pour goûter vos sandwichs. Tout le monde m’en fait des éloges.

Saverio me serra la main par-dessus le comptoir et salua d’un hochement de tête Gabriel. La jovialité du barman avait disparu.

Gabriel ne se rendit compte de rien et m’invita à m’asseoir au fond de la salle. Avec un grand sourire, il m’annonca :

— Je vais travailler dans l’hôpital situé à quelques kilomètres de chez toi pendant quelque temps, toujours aux urgences. Je permute avec un collègue qui vient à ma place.

Me voilà bien !

© Isabelle-Marie d’Angèle (septembre 2022).

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Marie-Sophie continue de nous raconter sa vie au fil des jours…Je te présente les personnages tels que je les imagine 👇 et je te rappelle que tu peux trouver ici tout Marie-Sophie.

— Tu ne crois pas que tu vas un peu vite ?

Mélusine, assise face à moi dans la cuisine, nous buvons toutes deux notre premier café. Enzo dormait encore, il était tôt. Nous aimions bien nous retrouver alors que le jour pointait à peine. La fenêtre était ouverte et nous entendions au loin les cloches des vaches et des brebis qui attendaient leur départ pour le pré.

Mélusine, le nez dans son mug, leva les yeux vers moi. Elle en avait de la chance, mon amie, toujours jolie, même le matin au réveil, alors que moi, les cheveux étaient en bataille, elle, on dirait qu’elle sortait d’une gravure de mode.

— Quoi ? aboya-t-elle.

J’éclatai de rire. Sa mauvaise humeur avant le café restait légendaire.

— Je pensais justement que tu étais adorable.

Elle haussa les épaules et posa sa tasse.

— Tu n’as pas répondu à ma question MarieSophe. Cette… comment l’appelles-tu déjà ?

— Cybèle.

— Tu parles d’un nom ! Bref, je n’imagine pas du tout Archibald avec elle.

Jamais je n’aurais cru que ce serait Mélusine qui verrait ça d’un mauvais œil qu’enfin notre ami se case. Elle se resservit du café et m’en proposa. Je refusai.

— Je suis certaine qu’il va se passer quelque chose entre eux.

— Entre qui et qui ?

Nous n’avions pas entendu Morgan arriver. Il se pencha vers moi pour me piquer un baiser sur les lèvres. Jamais je ne me ferai à la manière qu’il a de se déplacer aussi discrètement. Je lui proposai du café qu’il accepta en souriant. Il ouvrit la porte du placard pour sortir sa tasse favorite. Quand il était là, j’avais l’impression que la pièce se rapetissait, il en imposait Morgan ! Il s’assit et m’invita à le rejoindre sur ses genoux. Mélusine murmura :

— Vous êtes mignons tous les deux. La belle et la bête !

Alors que je ne savais pas comment réagir, Morgan éclata de rire et Mélusine fit de même.

— Je parie que vous parliez de Cybèle Iraola, reprit Morgan, une fois leur crise d’hilarité terminée.

— MarieSophe pense qu’il se passe quelque chose entre Archibald et elle.

Il reposa sa tasse et tout en me caressant les cheveux répondit :

— Avant que ça n’arrive, il coulera de l’eau sous les ponts.

— Et pourquoi donc ?

— Archibald n’est pas basque, grommela-t-il.

— Et ?

Mélusine plongea son nez dans son mug, je suis certaine de l’avoir vu sourire comme si elle était ravie.

Morgan me poussa gentiment et se leva éludant la question.

— Je vais au marché et je vais en profiter pour acheter le pain. D’ailleurs, tu n’y vas pas aujourd’hui MarieSophe, à la boulangerie ?

Mélusine et moi haussâmes les sourcils en même temps.

— Ah d’accord c’est à moi d’être derrière le comptoir ?

Il rit.

— Alors à plus tard !

À nouveau, il m’embrassa et s’en fut par le jardin. Mélusine se leva et lava son mug. Elle se tourna ensuite vers moi.

— Je suis très heureuse pour toi, il est vraiment gentil Morgan. J’imagine que tu ne penses toujours pas t’installer chez lui ?

— Je viens d’emménager… à moins que tu veuilles la maison pour toi toute seule, lui glissais-je en lui faisant un clin d’œil.

— Pas du tout !

— Peut-être as-tu d’autres projets ?

Je voulais la faire réagir et l’inviter à se confier, mais elle répondit en soupirant :

— Si tu penses à François, tu fais fausse route. Décidément, c’est à croire que tu as vraiment envie de nous caser Archi et moi. Ce n’est pas parce que tu as trouvé chaussure à ton pied qu’il faut que cela soit pareil pour nous.

Je la rattrapais par le bras alors qu’elle allait m’abandonner dans la cuisine.

— Mélusine, excuse-moi si j’ai été indiscrète ou maladroite.

Elle me saisit la main.

— MarieSophe, je crois que je ne suis pas prête à laisser un homme entrer dans notre vie à Enzo et moi. Nous ne sommes pas bien comme ça ? Et je pense que pour Archibald c’est pareil.

Je dressai l’oreille. Saurait-elle quelque chose qui m’aurait échappé.

— Vous en avez parlé ?

— Pas besoin. Archi est dans son truc, il n’a pas la tête pour autre chose.

— Oui, mais ça peut changer.

— Enfin, MarieSophe qu’est-ce qu’il t’arrive ? Je vais me doucher et réveiller Enzo et nous partirons pour la crèche, c’est notre tour d’animer la matinée.

Elle a raison, pourquoi me suis-je mis ça dans la tête ? Je me secouai, après tout, ça ne me regardait pas.

Le village n’était pas grand, il avait l’avantage que nous pouvions nous déplacer à pied. Il y avait du monde à la boulangerie. Je fis signe à Morgan qui avait la côte derrière le comptoir, je reconnus son rire et sa voix. Il semblait très à l’aise avec chacun. Je remarquai qu’il y avait des gens des communes voisines. J’étais heureuse pour Archibald. Mélusine tenait la main d’Enzo et celui-ci ne put s’empêcher de lui échapper pour aller embrasser son parrain. Il commençait à être connu ce gamin et son arrivée dans la boutique ne passa pas inaperçue. Poli, il dit bonjour et s’empressa de passer derrière pour retrouver Archibald.

Évidemment, celui-ci nous rejoignit après avoir serré les mains des clients qui maintenant lui faisaient confiance.

Il nous embrassa, nous demanda des nouvelles, ce qui nous fit rire car nous nous voyions tous les jours, nous habitions ensemble.

— À ce soir.

Il repartait déjà abandonnant Enzo qui tenait une poche de croissants tout chauds.

— Il a dit que c’était pour les autres enfants.

Quand nous arrivâmes chez François qui nous accueillait avec un grand sourire, nous eûmes la surprise d’y trouver Cybèle.

— Je crois que vous vous connaissez, s’empressa d’annoncer le père d’Héloïse. Cybèle Iraola et son fils Bixente.

Médusées, Mélusine et moi saluâmes la jeune femme et découvrîmes son gamin en fauteuil roulant.

© Isabelle-Marie d’Angèle (septembre 2022).

À très vite…

La partie de Tarot de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Je partage ici la partie de Tarot de Marie-Sophie. Si tu suis le journal de Marie-Sophie, c’est un flashback. Cette histoire n’avait pas été publiée sur ce blog, je l’avais écrit en 2019 sous le pseudo de Minibulle. Marie-Sophie ne date pas d’hier comme tu peux le constater. Aujourd’hui, elle n’habite plus dans le même village… Voir ici tu as toute l’histoire de mon héroïne 💖.

J’habite dans ce petit village depuis ma naissance. Je connais donc tout le monde. Je fais presque partie du paysage. Quand je suis entrée dans le bistrot de Clovis la première fois, je devais avoir cinq ou six ans. J’accompagnais papa qui aimait bien y aller boire son café vers seize heures entre deux rendez-vous.

C’est pourquoi Clovis me charrie toujours avec l’éternelle histoire que je n’ai toujours pas de fiancé. Tous les vendredis soir, il recevait chez lui, dans la salle du fond, un tournoi de tarot. Rien d’officiel, juste les amis du coin qui aimaient bien se rencontrer autour d’un verre. Les femmes exit, interdit. Pourquoi étais-je acceptée moi ? Tout simplement, parce que je n’étais la fiancée de personne. Je ne les surveillais pas s’ils buvaient trop de bière, de vin rouge. Je ne les enquiquinais pas avec leurs problèmes de poids, de foie, de tension. Bref, je leur foutais la paix et du coup, ils ne faisaient même pas attention à moi.

Les premières fois que j’ai assisté à leur partie de tarot, je n’ai rien compris. Là, je devais avoir quinze ans. Avant, le soir je n’avais pas le droit de sortir. C’est Charles qui m’y a emmenée.

— Ah ! te voilà petiote !

— Elle a quand même la quinzaine là, râlait Charles, c’est une jeune fille !

— Tu parles, elle a encore ses nattes ! riait Clovis.

J’aimais bien l’ambiance chaleureuse de cette salle. J’avais de la chance, personne ne fumait à l’intérieur. Clovis n’a donc eu aucun problème quand l’interdiction de fumer dans les lieux publics a été instaurée. D’ailleurs, il se vantait d’être en avance sur son temps, le bougre !

Charles s’installait avec ses partenaires habituels : Jojo, Pierrot et Lulu. C’est lui qui amenait son jeu. Toujours le même. Il ne l’oubliait jamais et quand l’un de ses comparses décidait de jouer avec le sien, Charles se mettait dans une colère noire. Je ne vous raconte pas le jour où Charles ne le retrouvait pas, il était pire qu’un lion dans sa cage. En fait, c’était Lulu qui lui avait piqué, un soir où il avait bu un coup de trop, il n’avait pas fait attention et était rentré chez lui sans son précieux jeu. Charles lui a fait promettre de ne jamais recommencer cette blague idiote, sinon c’en était fini de leur précieuse amitié. Il ne rigolait pas Charles.

Toujours le même rituel :

— Clovis, tu nous apportes de quoi boire ?

— J’arrive les amis. Un ballon de rouge pour Lulu, un de blanc pour Pierrot et deux bières pour Charles et Jojo, une brune et ambrée.

Ils faisaient durer le plaisir avec leur verre. Ils n’étaient pas de grands consommateurs d’alcool.

Et la partie commençait. Charles caressait son jeu, le présentait à ses amis, et commençait toujours à distribuer et c’est là que la première fois où je les ai entendus parler, je n’en crus pas mes oreilles et pris un fou rire mémorable. Enfin, c’est plutôt eux qui ont bien rigolé. Moi, j’étais plutôt genre, vexée.

— N’oublie pas de faire le chien !

Je regardais Charles et attendais. Pas un son ne sortait de sa bouche. Il ne devait pas aboyer ? Et pourquoi d’abord ?

— Petite !

— Garde !

Je me demandais de quoi ils parlaient. Il fallait garder la petite ? Mais de qui s’agissait-il ?

Je n’osais dire un mot et poser la question qui allait les déconcentrer. Peut-être qu’une gamine était en vacances chez eux. Je me triturais le cerveau. Charles n’avait pas d’enfants. Jojo et Pierrot n’avaient que des garçons. Quant à Lulu… peut-être que c’était lui !

— Bravo, tu as amené le petit au bout et tu avais les deux bouts en plus.

Je regardais Charles. Mais il avait donc un enfant finalement ? Il l’avait amené où ? Au bout de quoi ? Et puis il était assis pas debout.

Ils comptaient les points.

— Lulu, tu as encore oublié de dire « garde sans le chien » ou « contre le chien » ?

J’ouvrais de grands yeux et me baissais pour regarder sous la table. Où était passé ce chien dont il avait la garde ?

— Excuse ! c’était sans le chien !

— Non, tu ne l’avais pas l’excuse, tu avais les deux bouts, mais pas celle-là !

— Non, je disais que je m’excusais, riait Lulu.

Une autre partie recommençait. J’essayais de me concentrer. Il devait y avoir un truc que je ne pigeais pas.

— Petite.

Et voilà que c’était reparti. Je me levais de table.

— Où vas-tu petite ?

C’est à moi qu’il parlait Charles ? Et c’est de moi qu’il parlait aussi tout à l’heure quand il disait qu’il m’avait amenée au bout ? Mais non, j’ai bien entendu « tu as amené le petit au bout ».

Histoire de voir un peu leur réaction, je répondis à Charles.

— Au bout !

Les quatre hommes me regardèrent complètement ahuris.

— Au bout de quoi ?

— Mais je n’en sais rien, moi, vous n’arrêtez pas de dire que vous avez amené le petit au bout, alors je dis pareil.

Ils éclatèrent tous de rire. Vexée, je tapais sur la table.

— Qu’est-ce que j’ai dit de drôle ?

Ils en pleuraient. Ils sortaient tous leur mouchoir à carreaux et s’essuyaient les yeux. Jojo appela même Clovis pour qu’il apporte une nouvelle tournée.

— Ne te fâche pas petiote ! On va t’expliquer. Le petit, c’est le 1 et c’est un atout important. Il rapporte des points si on l’amène au bout de la partie sans qu’on le ramasse. Quand on a les deux bouts, le 1 et le 21 on est costaud. C’est là qu’on annonce « petite » ou « garde ».

Je maugréais malgré moi et me rassis sur ma chaise.

Jojo distribuait les cartes.

— Mais fais attention, t’as encore oublié le chien. Quand même, tu es distrait ce soir, tu penses à ta belle ?

— Tu as un chien Jojo ? demandais-je doucement.

Il reposa le jeu et à nouveau de grands éclats de rire retentirent dans la salle.

— Excusez-moi, mais je ne comprends rien !

— T’excuse pas ! Au fait, c’est aussi un atout, l’excuse !

J’avais quinze ans. Aujourd’hui, je frôle la trentaine et je joue avec eux. Ils ont vieilli, mais ils sont toujours aussi doués. On joue à cinq et les règles du jeu de tarot n’ont plus de secret pour moi. Ah ! j’oubliais, j’emmène mon chien avec moi ! Un vrai ! C’est moi qui en ai la garde.

© Minibulle 12/11/2019

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Tu as vu ? J’ai décidé de nommer l’histoire de Marie-Sophie Le journal de Marie-Sophie. C’est un peu ça puisqu’elle raconte sa vie. Alors c’est parti pour un nouvel épisode. Tu vas découvrir aujourd’hui, une nouvelle venue. Cybèle Iraola dont je présente l’image qui m’a inspiré pour le personnage.

Cybèle Iraola

La boulangerie d’Archibald est ouverte et je suis derrière le comptoir en bois. J’ai le cœur qui bat à 1000 à l’heure. Les habitants se pressent dans la boutique qui sent bon le pain frais, mais aussi celui du local neuf.

J’avoue, elle en jette avec ses corbeilles accrochées derrière moi emplies des pains que mon meilleur ami a fabriqués cette nuit. Il est debout depuis trois heures du matin, je l’ai entendu partir.

Il a retrouvé sa tenue blanche et il est beau Archi. Les clients sont curieux. Archibald souhaitait qu’il y ait des morceaux de ses différents pains disposés dans des petites panières sur le comptoir. Je l’ai aidé à les préparer et je les ai goûtés. Au fur et à mesure que je disais qu’ils étaient bons, Archibald riait en m’assurant qu’il n’en doutait pas une seconde.

Je reconnais Mélusine avec Enzo qui viennent chercher la baguette d’Archi. Elle était renommée dans notre village d’avant. Va-t-elle avoir le même succès ici ?

Saverio arrive en trombe pour récupérer sa commande et il le crie bien haut de manière à ce que tout le monde l’entende. Tout est prêt et il embarque sa marchandise en prenant bien soin de passer devant les clients. Le parfum du pain chaud envahit la boutique. Certains se penchent sur les panières qu’il emporte et d’autres l’interpellent :

— Alors Saverio, c’est pour ton bar ?

— Tu as choisi lesquels pour tes sandwichs ?

Saverio les regarde en souriant et les invite à venir les découvrir au déjeuner. Il propose une réduction pour les premiers clients arrivés. Et ça marche ! Les habitants achètent la baguette qu’ils trouvent craquante et se laissent tenter par celles aux céréales. Archibald passe la tête et il est applaudi par les villageois. J’en rougis pour lui. Il est très à l’aise. Un moulin avec un meunier authentique produit la farine, il a décidé d’aller la goûter et si elle lui convient, c’est avec elle qu’il fabriquera son pain. Il m’avait demandé de l’accompagner et j’ai rencontré le bonhomme. Je ne savais pas que les meuniers existaient encore. C’est un métier ancien et Gérard avec qui nous avons discuté fait partie de ces artisans qui exercent ces métiers d’autrefois. J’ai adoré son moulin. L’endroit est magnifique. Il ne manquait plus que les ânes avec les paniers et l’image aurait été complète. Gérard a ri quand je lui en ai fait la remarque, il m’a montré les animaux qu’il avait dans son pré. Un couple de bourriquets dressait leurs oreilles dans ma direction. Il m’a rassurée, ils ne portaient pas la farine sur leurs dos et lui non plus d’ailleurs. Les sacs étaient acheminés dans sa camionnette. Oui, les temps changent quand même !

— Excusez-moi !

Perdue dans mes pensées, je sursaute en découvrant une jeune femme, grandes lunettes rondes chaussées sur le nez et une casquette à la gavroche vissée sur la tête. Une cascade de cheveux châtains méchés de..  Je dirais de gris, s’en échappe. J’accroche ses yeux bleus magnifiques et lui souris instantanément.

 — Oui ? Je peux vous aider dans votre choix peut-être ?

Elle répond à mon sourire.

— Je ne viens pas pour acheter du pain, mais pour rencontrer Archibald Letrady.

Je reste bouche bée. Il y a bien longtemps que je n’ai pas entendu le nom de famille de mon meilleur ami. Il me faut quelques minutes pour réaliser qu’il s’agit d’ailleurs bien de lui. Devant mon mutisme, elle explique :

— Je suis là pour le Food Truck.

Au même instant, Archibald rentra dans la boutique après en avoir terminé avec Saverio.

— Ah mademoiselle Iraola.

Il s’avança vers elle pour lui serrer la main. Je ne sais pas pourquoi j’ai eu l’impression qu’entre ces deux-là, il pourrait se passer quelque chose. Il l’entraîna vers l’extérieur pour qu’elle lui montre le véhicule qu’il souhaitait acheter.

Je servis les autres clients et l’oubliais.

— Qu’est-ce que tu en penses ?

La boulangerie s’était vidée et Archibald m’invitait à découvrir le Food Truck qui bientôt lui servirait à présenter sa marchandise ailleurs qu’au village.

— Pourquoi le vend-elle ?

— Elle ne le vend pas. J’ai pensé que nous pourrions collaborer. C’est encore une idée de Morgan. Cybèle fait des bruschettas, pourquoi ne pas les faire avec mon pain ?

— Cybèle ?

— C’est un prénom original, je te l’accorde. Alors qu’est-ce que tu en dis ? Je pourrais faire les marchés les jeudis et samedis dans les petits villages voisins. Cybèle a déjà sa clientèle, elle veut bien tenter l’expérience de travailler avec moi. Elle va goûter mes pains pour voir lesquels se marieront le mieux avec ses recettes.

— Tu m’étonnes ! murmurais-je.

— Qu’est-ce que tu dis ?

— Rien du tout. En fait, c’est une collaboration ? Comme ça, tu n’auras pas d’argent à débourser encore pour l’achat du véhicule.

— Voilà ! Tu as tout compris.

Il se tait quelques instants et demande :

— Alors comment l’as-tu trouvée ?

— Jolie et sympathique.

Il hausse les sourcils.

— Je te parle de ce début de journée. Il y avait du monde non ? Raconte.

— Je pense que tu vas cartonner et je suis sincère.

— En tout cas, je te remercie de m’aider. Les autres jours, je vais me débrouiller pour ne pas trop te solliciter.

— Finalement, ça m’a plu. Tant que je peux, je t’aide. Lorsque Mélusine aura besoin de moi, tu trouveras une solution. Je crois que Morgan est partant pour prendre ma place.

— Alors c’est vendu. Merci MarieSophe.

Il me colla deux baisers sur les joues et me prit dans ses bras.

— Merci ma belle.

Il me lâcha lorsque Cybèle Iraola s’approcha de son food truck.

— Je te présente Marie-Sophie, ma meilleure amie.

Comme ça c’était clair, Archibald avait mis les points sur les i immédiatement. Je souris à la jeune femme. Voilà donc celle qui allait peut-être s’intégrer dans notre trio. Il s’agrandit peu à peu si on compte aussi François qui fait rougir Mélusine dès qu’elle l’aperçoit.

© Isabelle-Marie d’Angèle (Juillet 2022) 

À très vite…

Marie-Sophie face au miroir

Bonjour toi 😏.

Revoilà enfin Marie-Sophie, je suis certaine qu’elle t’a manqué 😉. La voici face à son miroir et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas indulgente avec elle.

La visite chez Saverio m’a sérieusement ébranlée. Morgan parle donc de moi et de plus, il est certain que je suis faite pour lui.

Je me plante devant le miroir et me regarde sans complaisance. Qu’est-ce qu’il peut bien trouver de bien chez moi ?

J’ai les cheveux roux en pagaille. Je devrais aller chez le coiffeur et dompter cette tignasse qui ne ressemble à rien, mais je n’en ai pas envie. Je les aime bien comme ça.

Mes yeux verts sont… verts et encore pas tout à fait, de l’orange s’y emmêle. Ils ne sont pas en amande, ils sont… normaux. Quelques ridules apparaissent quand je souris.

Mon visage est parsemé de taches de rousseur. Maman me disait que j’avais regardé le soleil à travers une passoire. Qu’est-ce qu’elle m’agaçait quand elle me serinait ça. Aujourd’hui, j’aimerais bien l’entendre me le glisser à l’oreille.

Je continue mon inspection, sans complaisance. Une poitrine généreuse, un ventre pas très plat, c’est le moins que l’on puisse dire. Normal, je déteste les abdos. Dès que je commence, ça me donne envie de vomir. En fait, je ne suis pas fan du sport en général. J’ai bien tenté la salle, mais rien que de voir toutes ces minettes en tenue sexy qui se pavanent devant moi, ça me rend malade.

Mes jambes ! Ah, elles me portent, mais c’est bien tout ce qu’elles savent faire. Elles ne bronzent pas, merci la peau des rouquines. Donc, adieu les jolies gambettes fuselées, hâlées, qui font rêver les hommes l’été.

— Qu’est-ce que tu fais ?

Mélusine est appuyée contre le chambranle de la porte et me regarde, l’œil narquois. J’entends Enzo qui galope dans le couloir. Il passe en coup de vent devant ma chambre. Mélusine le rattrape et lui répète de faire attention dans l’escalier. Ce garnement finira par se casser quelque chose à force de sauter les marches deux par deux.

Je soupire. Qu’est-ce qu’un homme va bien pouvoir trouver de beau chez moi. Rien qu’à l’idée de penser aux mains de Morgan sur mon ventre, j’ai honte.

Une larme s’échappe et coule sur ma joue. Je l’essuie rageusement. Depuis cette fichue dépression et les médicaments qui vont avec, je ne reconnais plus ce corps. Pourtant, c’est le mien, mais il m’a trahie et je lui en veux à mort.

— MarieSophe ?

À nouveau, Mélusine est postée dans l’encadrement de ma porte.

— Je voulais te demander si tu étais prête pour…

Elle ne finit pas sa phrase et s’approche de moi. Elle passe un bras autour de mes épaules.

— Tu me racontes ?

— Il n’y a rien à dire.

Elle soulève son tee-shirt et me désigne le bourrelet qui est apparu et n’a pas disparu après la naissance de son fils.

— Ce n’est pas pareil. Tu ne veux pas d’homme dans ta vie.

— C’est ce que tu crois et ça t’arrange de le croire.

Immédiatement, je pense au papa d’Héloïse, mais elle ne me laisse pas parler.

— Alors, Morgan et toi ?

— Il n’y a pas de Morgan et moi. Il m’a volé un baiser point.

— Et ?

— Il paraît que je suis la femme qu’il attendait, c’est Saverio qui me l’a dit.

Je lui raconte.

— Et ?

Elle m’agace à me pousser dans mes retranchements.

— On va retrouver Enzo ? Je n’ai rien à ajouter.

Elle me tire par la main.

— Quand vas-tu te décider à le laisser entrer dans ta vie ?

Je ne peux retenir les larmes qui coulent sur mon visage. On dirait un torrent dont les digues ont sauté. Je hoquète.

— Il s’imagine que je suis belle, mais… quand… il… va… me voir… Il… Oh, j’ai trop honte.

Je m’écroule sur le lit. Patiente, Mélusine me caresse les cheveux et attend que je me calme.

— As-tu essayé de lui parler ?

— De moi ? Tu es folle ou quoi ?

— Mais non, tu es bête !

Elle rit.

— Commence par lui tenir la main, le regarder. Fais en sorte que vous soyez tous les deux. Arrange-toi pour le frôler, le toucher. L’as-tu au moins respiré ? Connais-tu le parfum de sa peau ?

Elle me parle chinois, là. Jamais, je n’oserai faire ça.

Elle s’énerve.

— MarieSophe, tu n’as plus quinze ans. Lâche prise quand tu es avec lui. Ce soir, profites-en pour aller le voir chez lui. Je suis certaine qu’il aura bien un truc à cuisiner pour vous deux.

Enzo déboule alors dans la chambre.

— Tu viens ? Et toi marraine ?

Je lui ébouriffe les cheveux alors que sa mère répond à ma place.

— Marie-Sophie a autre chose à faire pour l’instant.

Mais elle se tourne vers moi et m’interroge :

— C’est toujours OK pour ta participation avec les enfants ?

Je fais oui de la tête. Elle prend la main de son fils et ils m’abandonnent.

Je fais une grimace à mon miroir. Dans Mary Poppins, le visage qui lui fait face lui rend. Ici, il ne se passe rien.

Je descends dans la cuisine et jette un œil par la fenêtre. Personne dans le jardin, mais je sens un parfum de confiture qui vient de chez Morgan.

Sans réfléchir davantage, je pars le rejoindre. Je l’aperçois alors qu’il touille consciencieusement les fruits. Il est torse nu, un torchon blanc ceint autour de la taille. Je l’observe. Ses cheveux trop longs bouclent sur son front, il chasse, agacé, une guêpe qui tourne près de lui. Il est bronzé et je ressens une attirance que je n’avais jamais perçue auparavant. Mélusine avait raison. Si je prenais le temps de le regarder… Il lève les yeux et m’aperçoit. Il me sourit. Je ne m’étais jamais aperçue que son sourire était aussi sexy, oui c’est le mot. Je me rends compte que c’est à moi qu’il adresse ce sourire et à moi seule. Il a une manière de me contempler qui me fait rougir.

Je m’approche. C’est de la confiture de fraises qui mijote. Le parfum me parvient et je ferme les yeux de plaisir.

— Elle est presque cuite. Tu voudras la goûter ?

Il attrape une petite assiette qu’il avait mise au frais, y verse une cuillerée de fruits et trace un trait au milieu. Les deux lignes ne se rejoignent pas.

— Parfait ! J’éteins tout.

Il est fier de lui. Je le vois à sa manière de se frotter les mains. Morgan est heureux avec rien. C’est ce qui fait son charme. J’aimerais bien lui ressembler.

Les pots sont alignés sur la table de jardin protégée d’une toile cirée.

— Tu veux m’aider ?

Il m’invite à le rejoindre.

— Goûte celle que j’ai faite hier.

Il enlève le couvercle, prend une petite cuillère et l’approche de ma bouche. Je la savoure cette confiture, surtout quand il passe un doigt sur mes lèvres pour effacer le surplus qui a coulé. J’attrape sa main. Nos yeux se rencontrent. J’oublie le miroir.

À très vite…

Marie-Sophie et Saverio

Bonjour toi 😉

Si tu as suivi Marie-Sophie, tu as dû te rendre compte qu’il manquait un personnage … Le voici, Saverio, l’homme qui tient le café sur la place. Te rappelles-tu ? Avant qu’elle ne déménage, Marie-Sophie et Charles allaient chez Clovis…(Cette partie de tarot était sur mon autre blog, je te mets le lien ici . Je le rapatrierai rapidement).

S’il y a bien un truc qui me manque ici, c’est le café de Clovis. Il me connaissait depuis que j’étais toute petite et j’avais appris à jouer au tarot chez lui. Pépé Charles y retrouvait ses copains et souvent je l’accompagnais.

Aujourd’hui que je suis bien installée et que Charles est maintenant à demeure dans la chaumière avec Célestine, je vais lui en dire deux mots. Ses partenaires de jeux ne lui manquent-ils pas ? Sa maison est en vente et il ne semble avoir aucun regret.

Charles est dans le jardin, je ne serai pas allée loin pour lui parler.

— Comment vas-tu petite ?

Il m’embrasse. Pépé Charles se parfume tous les jours. Je ne sais pas qu’elle est son eau de toilette, mais je suis certaine qu’elle sera toujours liée à lui, un mélange de senteurs boisées que j’aime beaucoup.

J’attaque bille en tête.

— Dis-moi, tu ne vas plus jouer au tarot ? Tes amis ne te font pas défaut ? Ils ont dû être tristes que tu les abandonnes non ?

Il se gratte la tête.

— Figure-toi que j’en ai trouvé d’autres ici.

Stupéfaite, j’ouvre la bouche et la referme. Décidément, il m’étonnera toujours. Qui a dit que les seniors avaient du mal à s’adapter et qu’ils n’aimaient pas le changement ?

— Ne fais pas cette tête ! Je ne suis pas comme toi, une vraie sauvage. Viens donc chez Saverio.

— Qui est-ce ?

Il éclate de rire.

— Je te reconnais bien là. C’est le propriétaire du bar sur la place. Je te l’accorde, c’est petit, mais il a ses habitués. Figure-toi que tous les vendredis soir, ils se retrouvent pour jouer.

— Sérieux ? Et tu as réussi à t’intégrer ?

— Pas facile les Basques pour entrer dans leur groupe, mais grâce à Morgan, j’ai fait connaissance. Et puis Archibald y passe souvent chez Saverio, il a même proposé de lui faire des sandwichs pour le déjeuner.

Devant ma mine ahurie, Charles pose sa main sur mon épaule.

— Viens avec moi, je vais te présenter si tu veux. Nous pourrions faire une partie ensemble vendredi soir, il suffit de trouver d’autres participants.

— Morgan joue ?

— Demande-lui.

Depuis qu’il a osé poser ses lèvres sur les miennes, je l’évite. Du coup, il ne sait plus comment se comporter avec moi et ça nous met dans une ambiance pesante. Je n’ai pas osé en parler à Mélusine de peur qu’elle m’enguirlande copieusement. Depuis le temps qu’elle me tarabuste pour que je me décide. Elle est marrante, elle ! Elle a bien fait un bébé toute seule !

— Vous êtes fâchés ?

Charles me fixe et attend une réponse. Pas question que je me débine, il insistera.

— Non !

— Tu m’en diras tant. Peux-tu m’expliquer alors pourquoi il a perdu son sourire et qu’il ne passe plus par le jardin pour venir te voir ?

— Il m’a embrassé.

— Quoi ? Et tu ne m’as rien raconté ?

Je n’ai pas entendu Mélusine arriver. Elle me prend dans ses bras et me félicite.

— Enfin tu t’es décidée, ce n’est pas trop tôt.

Je baisse les yeux et murmure.

— Ce n’est pas tout à fait ça.

Elle m’interroge du regard et je tape en touche.

— Plus tard. Connais-tu le bar de Saverio ?

— Pas du tout.

— Alors les filles, je vous y emmène.

Mélusine me glisse à l’oreille que je ne perds rien pour attendre et que je devrais tout lui révéler en détail.

Effectivement, c’est petit, mais sympa. Un homme à la moustache fournie, le béret sur la tête nous accueille avec le sourire.

— Depuis le temps que j’entends parler de vous, je suis ravi de faire votre connaissance. Faut pas croire ce qu’on raconte sur les Basques, c’est vrai que parfois, on passe pour des sauvages parce qu’on aime bien être en nous, mais nous savons aussi recevoir les nouveaux.

Il me tend la main par-dessus le comptoir. Saverio est grand et mince. Son sourire atteint ses yeux foncés.

— Qu’est-ce que je vous sers ? Un café ?

— Je préférerai un chocolat, c’est possible, murmurais-je.

— Mais oui ma p’tite dame. Et vous ? Vous êtes Mélusine, François m’a parlé de vous.

Mélusine rougit. Y aurait-il anguille sous roche avec le papa d’Héloïse ? C’est fou comme ça va vite chez les autres. J’ai l’impression de mettre des plombes à m’habituer à tout.

— Alors comme ça, c’est vous, la petite amie de Morgan.

Éberluée, je ne sus quoi répondre. Ce n’était même pas une question.

— Ah ! vous êtes là ?

Archibald entra dans le café et salua Saverio. Il m’embrassa ainsi que Mélusine, puis serra la main de Charles.

Avait-il entendu la réflexion du barman ? En tout cas, il n’en montra rien.

— Serais-tu partant pour jouer avec nous vendredi soir au tarot ?

Saverio, mine réjouie, se frotta les mains.

— Sérieux ? Vous jouez ? Si nous avons assez de monde, nous pourrons peut-être aller rencontrer les équipes de Biarritz. Je vous préviens, ils sont forts et raflent tous les prix.

— Pas si vite, déclare pépé Charles. Nous sommes trois, Archi ?

— Morgan sera partant, j’en suis sûr. Et toi, Mélusine ?

Elle acquiesça. Elle demanderait à Célestine de garder Enzo. Une fois de plus, je n’ai rien décidé et je me retrouve à jouer au tarot dans un bar que je ne connais pas.

— Tenez, votre chocolat !

Je grimpe sur le tabouret et pose mes coudes sur le comptoir. Archibald en profite pour commander un café et s’installer à côté de moi. Mélusine repart récupérer Enzo qui est chez Héloïse, tiens donc. Quant à Charles, il apostrophe Archibald :

— Demande à la petite ce qui la tracasse, moi j’ai à faire.

J’essaie d’imaginer de quoi il parle et ce qu’il peut bien avoir à faire. Saverio pose la tasse de café devant Archibald et nous abandonne.

— Tu me racontes ?

— Ils avancent bien tes travaux ? As-tu arrêté une date pour l’ouverture ?

Mon ami éclate de rire.

— MarieSophe, s’il te plait, ne joue pas à ça avec moi.

— Dis-moi pourquoi tu n’as pas de petite copine.

Son rire s’éteint et il tourne sa cuillère dans son café alors qu’il n’a pas mis de sucre, sans me regarder.

Saverio revient vers nous.

— Je vous garderai une table pour vendredi soir.

Il me regarde et me sourit.

— Revenez ici quand vous voulez Marie-Sophie.

Archibald dit :

— Tu l’as mis dans ta poche comme à chaque fois que tu apparais. Il n’y a vraiment que toi pour ne pas te rendre compte de l’effet que tu as sur les gens.

— Tu n’as pas répondu à ma question. Depuis le temps que je te connais, je ne t’ai jamais vu avec une fille.

— Ni toi avec un garçon, je te rappelle.

Il me regarde et je suis heureuse de retrouver son sourire.

— Je ne veux pas dire que c’est à cause de toi MarieSophe, tu le sais bien. Nous ne serons jamais amoureux, je préfère de loin notre amitié. Je serais toujours là pour toi, n’oublie jamais. Pour répondre à ta question, je n’ai pas encore trouvé celle qui pourra m’accompagner. C’est tout. Je te laisse, l’ouverture c’est dans une quinzaine. Tu as pensé à ce que je t’ai demandé ?

Ah oui tenir sa boulangerie et vendre son pain.

— Je te signale que Mélusine voulait aussi que je l’aide pour les activités des petits.

— Ce n’est pas tous les jours qu’elle aura besoin de toi. Nous nous arrangerons.

Il termine son café, m’embrasse sur les cheveux et m’abandonne.

Comme s’il n’attendait que ça, Saverio se plante devant moi et se met à parler doucement.

— Je connais Morgan depuis longtemps et quand vous êtes apparue dans sa vie, un été, il s’est métamorphosé du jour au lendemain. Un matin, il est venu avaler son café avant de faire son marché et il m’a glissé à l’oreille Je crois que je l’ai enfin trouvée. Je l’ai retenu par le bras alors qu’il s’enfuyait déjà et lui ai demandé de quoi il voulait parler. Il m’a répondu d’un ton laconique tu comprendras quand tu la verras.

J’en oublie de boire mon chocolat, c’est plutôt les paroles de Saverio que je bois.

— Quand vous êtes entrée dans mon bar tout à l’heure, il avait raison, vous êtes celle qu’il attendait.

Il enlève ma tasse et m’en verse un autre.

— Celui-là sera chaud.

À très vite…

Marie-Sophie, entre les deux son cœur balance

Bonjour toi 😉

Je partage avec toi la suite de Marie-Sophie.

Je n’en reviens toujours pas. Archibald a dégoté un four à pain à bois et le local qu’il est en train de remettre en état. La boulangerie qui va ouvrir fait la une de la gazette. Les habitants sont ravis de ne plus avoir de kilomètres à faire pour avoir leur baguette fraîche.

Il n’y avait pas eu de repreneur lorsque le propriétaire était parti à la retraite. Pourtant, il avait publié une annonce sur TF1et SOS village, mais ça n’avait pas trouvé grâce aux yeux de quelqu’un. Finalement, ça tombe bien pour Archibald. Celui-ci remet tout à neuf et il arrive avec toutes ses idées. J’espère de tout mon cœur que ça va marcher. Mon ami n’est pas basque et parfois, ce n’est pas facile de s’intégrer. Archibald pourra compter sur Morgan, connu comme le loup blanc.

Le boulanger, Gérard, est venu lui donner un coup de main et discuter avec lui. Il est en admiration devant Archibald qu’il trouve bien courageux. Jamais, il n’aurait pensé qu’il aurait pu quitter une affaire qui marche pour s’installer dans un endroit, certes sympathique, mais dont il ignore les coutumes et les habitudes.

Il a assuré à mon ami qu’il lui ferait sa publicité. Il était apprécié de ses clients, il pouvait compter sur lui pour parler de lui à des kilomètres à la ronde. L’expression m’a fait rire parce que pendant des kilomètres, il y a des prés verts et des vaches.

Archibald ne compte pas s’arrêter là, il a décidé plus tard de faire aussi une tournée pour les habitants qui ne pourraient pas se déplacer. Il y a un certain nombre de personnes âgées ici. Pépé Charles a approuvé cette idée. Il lui a même dit qu’il pouvait compter sur lui pour conduire son camion. Je ne savais pas que Charles avait son permis pour ce genre de véhicule. Il parait que le B ça suffit s’il ne pèse pas plus de 3,5 t. Je pensais juste à une fourgonnette, mais Archibald parlait d’un Food truck.

Mélusine a aussi réussi à convaincre d’autres mamans de se retrouver avec leurs enfants non scolarisés. Elle a fait la connaissance de Madeleine et Julia. Toutes deux ont une petite Juliette pour la première et un Alexandre de l’âge d’Enzo pour la seconde. François, lui, est seul pour élever sa petite Héloïse.

Pour l’instant, c’est la mairie qui met à leur disposition une salle. J’y suis allée faire un tour, elle est bien tristounette cette pièce. Avec Mélusine, nous avons demandé au maire s’il était possible de la repeindre avec des couleurs plus gaies. Il a refusé ! Elle peut servir à d’autres associations.

François qui tient une maison et table d’hôtes a proposé que ça se fasse chez lui une fois par semaine. La pièce qu’il offre est très cosy avec une petite banquette vieux rose et des rideaux assortis aux fenêtres, le mur en lambris réchauffe le tout. Quand nous y sommes allées, Mélusine et moi, nous avons été frappées toutes les deux par l’ambiance zen qui y régnait. C’est un endroit parfait pour les enfants.

Aujourd’hui, j’accompagne Morgan au marché. Il vend régulièrement son miel et les légumes qu’il cultive dans son jardin. Je charge les cagettes dans sa camionnette et en me retournant, je me trouve face à lui et contre lui.

Je ne sais toujours pas ce que je ressens pour lui et Archibald qui s’installe ici n’arrange rien. Je crois que je les aime tous les deux, certainement pas de la même façon, mais je ne veux pas faire de peine ni à l’un ni à l’autre.

Morgan me relève le menton et plonge ses yeux dans les miens. Sans crier gare, il pose ses lèvres sur les miennes. Puis, il repart chercher la dernière cagette de légumes. Ce fut tellement rapide que j’ai pensé avoir rêvé. Je reste plantée devant le coffre ouvert. C’est lorsque je le vois revenir que je me bouge.

— On y va ?

Morgan s’installe au volant et démarre. Je grimpe à côté de lui et je ne peux m’empêcher de lui demander :

— Pourquoi tu as fait ça ?

— J’en avais envie depuis longtemps et si je ne fais rien, tu ne vas rien tenter. Tu m’en veux ?

Je suis tellement surprise par sa réponse que je ne sais pas quoi dire. Est-ce que je lui en veux ? Un peu quand même. De quoi se mêle-t-il ?

Je lui jette un regard en coin. Il fixe la route.

— C’est vrai quoi ! ajoute-t-il.

Je n’ose pas lui demander ce qui est vrai. Me voilà bien.

Nous arrivons sur la place du marché et j’aperçois Archibald devant son local qui commence à prendre une belle allure. Son enseigne Au fournil d’Archi écrit sur une baguette en fer forgé, style girouette, lui ressemble, simple et efficace.

Dès qu’il nous aperçoit, il vient à notre rencontre. Suis-je amoureuse de mon meilleur ami ?

Amis pour la vie

Bonjour toi 😉

Voici la suite de Marie-Sophie. L’histoire prend un tour inattendu.

Je n’arrive pas à y imaginer qu’Archibald puisse penser quitter son village et venir habiter ici. Je suis certaine que ça fait trop de bonheur d’un coup et que je vais le payer un jour ou l’autre.

Je suis installée dans ma nouvelle maison avec ma meilleure amie et mon filleul. Pépé Charles fait des aller-retour et amène petit à petit son bric-à-brac. Lui qui a toujours revendiqué sa liberté, le voilà souvent acoquiné avec Célestine. Trop de joie d’un coup, j’ai la frousse que tout s’écroule.

J’agace tout le monde avec mon pessimisme et le pire c’est que je m’en rends compte. Bien sûr, j’ai payé le prix fort en perdant mes parents d’un coup, mais ça ne veut pas dire que c’est fini, que je ne vais plus avoir de catastrophes qui vont me tomber dessus. La vie, c’est comme ça, un coup c’est tout beau et le lendemain c’est la grisaille.

La petite chaumière comme je l’appelais, prend petit à petit une tout autre allure. Le chien de Charles fait ami-ami avec celui de Morgan, ainsi que son chat. Je n’arrive toujours pas à comprendre comment Célestine, la dame si distinguée du château, va vivre ici dans un 100 m2 avec Charles en plus.

J’ai eu le malheur de faire cette réflexion à haute voix et son rire cristallin en cascade m’a remis en place.

— Mais enfin Marie-Sophie, comment m’imaginiez-vous ? Le château appartenait à mon mari décédé. Je n’ai jamais été une châtelaine. Demandez donc à Morgan.

Je ne m’y suis pas risquée. Mélusine m’a glissé à l’oreille que j’avais trop d’idées bien arrêtées.

Archibald est revenu. Il faut que je lui parle. Dès son arrivée, il vient m’embrasser et me serre dans ses bras.

— Attends un peu toi ! Tu me caches des trucs et je veux savoir quoi !

Il se met à rire.

— Moi, te cacher des choses ? Comment oserais-je ?

Je le bouscule. Il rit de plus belle. Mélusine à son tour arrive dans la cuisine et le taquine, Enzo se jette contre lui. Son parrain l’attrape et le fait tournoyer. Le petit garçon pousse des cris de joie.

S’il n’était pas mon meilleur ami, je craquerais bien pour Archibald. Il est beau, il est gentil, il…

— À quoi tu penses ?

Il est devant moi et me fixe.

— Je me disais que si tu n’étais pas mon meilleur ami, tu pourrais devenir mon amoureux.

Il s’étrangle alors que Mélusine éclate de rire.

— C’est quoi un namoureux ? demande Enzo toujours dans les bras de son parrain.

— C’est quelqu’un qu’on aime beaucoup, répond sa mère.

— Alors tu es mon namoureux et toi aussi et toi aussi.

Enzo nous désigne tour à tour puis descend des bras d’Archibald. Le petit bonhomme me regarde et demande innocemment ?

— Morgan aussi est ton namoureux ?

Évidemment, c’est à moment là qu’il arrive. Je rougis comme une pivoine alors que le chenapan se pend au cou du nouveau venu. Il clame :

— Tu veux être le namoureux de marraine ?

— On dit amoureux, le reprend Morgan, le plus sérieusement du monde.

— Alors tu veux être amoureux de MarieSophe ?

Mélusine est morte de rire, Archibald lui serre la main et moi… je remue la tête dans tous les sens et lève les yeux au ciel. Mais je n’en oublie pas pour autant ma requête et redemande le plus sérieusement du monde :

— Alors Archi, il parait que tu vas t’installer ici ?

Mélusine et Morgan lèvent les mains en faisant non de la tête. Je les apostrophe :

— Quoi ? C’est un secret.

— En fait…

Archibald se rapproche de moi, m’entoure les épaules et se fait cajoleur. Je n’aime pas ça du tout, ça sent l’entourloupe à plein nez.

— Peut-être… mais il faudrait que tu acceptes de vendre le pain.

Stupéfaite, j’ouvre mes yeux en grand, mais ne dis rien. J’attends.

Archibald se lance.

— Il y a un local à louer au village et comme il n’y a pas de boulangerie…

— Et ton matériel ? Tu n’as rien ici.

— Je vais me renseigner t’inquiète. Mais si je me lance, je veux que tu fasses partie de l’aventure. Tu ne vas pas rester sans rien faire, avec Mélusine on a pensé que ce serait chouette que tu sois derrière le comptoir.

— Moi vendeuse ? Je n’ai jamais fait ça !

— Et alors, tu débrouilleras très bien, dit Mélusine.

— D’autant plus que lorsque tu faisais les marchés avec moi, tout se passait bien.

Morgan me regarde, le sourire en coin.

— Tu es d’accord ? demande Archibald plein d’espoir.

Il ressemble à un gamin devant un cadeau de Noël.

— Tu vas abandonner tout ce que tu as créé pour tout recommencer ici ?

— Je le laisse à mon employé. Ce n’est pas comme si je vendais tout. Et puis, si je ne le fais pas aujourd’hui, je ne le ferais jamais.

— Tu fais ça pour moi ?

Je ne peux pas y croire. Il doit y avoir une autre raison. Pourtant, il acquiesce.

— Oui je n’arrive pas à me faire à l’idée d’être séparé de Mélusine et toi. Et puis, il y a Enzo maintenant. J’ai envie de le voir grandir ce petit bonhomme.

— Où vas-tu habiter ?

Ma maison est vaste, la vie en communauté ne me dérange pas, ce serait trop beau si Archibald venait avec nous.

Il élude la question.

— Je vais y réfléchir, une chose à la fois.

Revoilà les trois mousquetaires. Mélusine tend la main, Archibald la saisit et prend la mienne. Morgan nous regarde alors que Enzo tape des mains.

À très vite…