Bonjour toi 😉
Je te retrouve avec le jeudi poésie. J’ai choisi un poème de saison.


Mars. Un oiseau, fauvette ou grive, je ne sais, Chante amoureusement dans les feuilles nouvelles, Et, transi de rosée encore, sèche ses ailes Au soleil dans le jeune azur et le vent frais. Les rosiers déterrés poussent des bourgeons roses. L'orme a verdi, l'air est rayé de moucherons, Et le vaste jardin sonore où nous errons Nous salue au sortir de ses métamorphoses. Là, dans l'ombre, pendue à d'invisibles fils, Une goutte d'eau ronde et limpide étincelle Et cette perle, o bien-aimée, a pour jumelle Une larme qui point et brille entre vos cils. Vous pleurez, contre moi tendrement inclinée, Paie, vaincue enfin par la sûre douceur Que la nature emploie à vous fondre le cœur, Et tout entière offerte à votre destinée. Vous pleurez, sans vouloir m'entendre, infiniment, De vous sentir si faible en face de vous-même, Et, pauvre être docile à l'homme qui vous aime, Le baiser qui nous lie accroît votre tourment. De ma bouche pourtant la vôtre se détache ; Votre regard troublé me fuit, et, non moins prompt, Rougissant d'une honte heureuse, votre front Se creuse un nid obscur dans mon sein et s'y cache. Vous restez là, confuse, à vous plaindre tout bas Alors, ô gémissante et craintive colombe, J'attire votre tête ardente qui retombe, Et je l'étreins avec orgueil entre mes bras. Et vous levez les yeux sur moi puis, pour me plaire, Votre visage, encore malgré vous convulsif, D'un arrière-sourire incertain et pensif Et pareil aux premiers soleils de l'an, s'éclaire. Charles Guérin (1873-1907)
