Feel Good : C’est à cause de la clé

Chapitre 8  

Toujours aussi brun, les cheveux plus longs que dans son souvenir, elle retrouva sa fossette quand il souriait.

— Cléo ? C’est bien toi ?

Elle se jeta dans ses bras.

— Ulysse ? Mais qu’est-ce que tu fais là ?

— Maestro m’a appelé pour que je sois ton styliste. Figure-toi que ma boîte s’occupe des costumes d’époque, ça tombe bien.

Un peu plus âgé qu’elle, il assumait déjà quelques cheveux blancs et quelques rides au coin des yeux. Cléo n’en revenait pas de la chance qu’elle avait.

Marjorie, Tonio et Clémentine regardaient le couple. Voilà une belle équipe qui allait fonctionner, pensa la directrice de casting.

— Raconte ! Tu es marié ? Tu as des enfants ?

Il éclata de rire.

— Ton père m’aimerait encore moins Cléo. Je ne suis pas trop attirée par les femmes.

Tonio s’approcha du styliste, lui mit la main sur l’épaule et dit :

— Bienvenue dans le monde gay chéri !

— Sérieux ? reprit Cléo. Pourtant, je me rappelle qu’elles ne te laissaient pas indifférent.

Il éluda.

— Et toi ?

— Bof moi, rien de spécial. Un BTS tourisme en poche et un poste au Majistic. Rien d’original.

— Tu oublies le rôle dans le nouveau film de Maestro !

Elle avait une journée pour apprendre son texte. Elle tournait le lendemain et le trac la paralysait. Première scène ! ça commençait mal. Elle s’engueulait avec son père. Jamais, elle n’oserait élever la voix contre lui.

La veille au soir, elle avait rencontré toute l’équipe d’acteurs. Arsène l’avait présentée comme la petite nouvelle. Même si elle était la tête d’affiche, il n’avait pas pris de risques. Jean Reno jouait son père. Il avait été très gentil avec elle et l’avait félicitée avant de savoir si elle allait être à la hauteur.

— Ne jamais douter de soi, lui avait-il dit en mettant sa main sur son épaule.

Elle aurait dû immortaliser l’instant.

En regardant le script entier, elle comprit qu’elle avait peu de scène avec lui. Elle ne voyait que Ludivine s’étaler et c’était elle. À Partir de demain, elle deviendrait Ludivine de Montgomery. Elle réalisa rapidement que Jean Reno n’aurait son nom au générique que pour une brève apparition, il disparaissait dans un tragique accident de voiture.

Pierre Niney jouait son frère. Elle n’aurait pas à l’embrasser. C’est la première chose qu’elle avait vérifiée en feuilletant les pages. Elle n’aurait pas pu, impossible !

Elle entendait le brouhaha à l’extérieur et elle, elle était seule avec son texte. Elle se plongea dedans et marcha de long en large en répétant ses phrases. Elle se regarda dans le miroir pour voir la tête qu’elle avait en parlant. Elle fit des grimaces, se mit en colère. Elle se filma avec son téléphone en prenant la pause. Elle passa ses mains dans ses cheveux et chanta.

— Tu as toujours une très jolie voix !

Ulysse était appuyé contre la porte et l’écoutait depuis quelques minutes.

— Je t’ai apporté cette robe. Tonio va arriver pour te coiffer.

Elle saisit le costume.

— C’est vachement décolleté !

— Essaie avant de faire tes commentaires.

Tonio entra avec ses brosses et ses peignes.

— Alors, ma belle rouquine, comment vas-tu ? Et toi ? Ulysse le magnifique, sais-tu que pour toi je serais une jolie Pénélope ?

Il en profita pour battre des cils et minauder devant le styliste. Cléo éclata de rire.

— Ah ! je suis gâtée avec vous deux !

— Passe ta robe que je puisse la retoucher si besoin. Pendant un certain nombre de scènes, c’est celle-là que tu dois porter. Maestro y tient.

La robe jaune et prune s’étalait sur un fauteuil. Le coiffeur ajouta :

— Il souhaite aussi que tu gardes tes cheveux détachés, bouclés, avec un foulard.

— Avec un bandana quoi ! comme il m’a vue sur la plage.

— Tu lui as tapé dans l’œil comme ça !

— Heureusement que je n’étais pas à poil !

Elle saisit la robe et se cacha derrière un paravent. Les deux hommes éclatèrent de rire.

— Tu n’as vraiment pas changé, remarqua Ulysse.

— Tu n’aurais pas eu trop de travail Ulysse.

Tonio lui fit une chiquenaude sur la main.

— Alors cette robe ?

Elle apparut devant eux. Ils sifflèrent de concert d’admiration.

— Parfait ! Je te laisse la coiffer Tonio.

Arsène était sur le pied de guerre. Comme toujours, quand il commençait un film, il était tendu à l’extrême. Les décors étaient sublimes, le matériel était prêt, il s’installa derrière sa caméra. C’est là que Claudio le rejoignit. Tout semblait au point, mais il n’était jamais à l’abri du grain de sable qui vienne tout enrayer.

— Comment te sens-tu ?

— Angoissé ! As-tu vu Cléo ?

— Elle essaie sa robe avec Ulysse. Je l’ai trouvée timide et réservée hier soir et c’est normal.

— Sais-tu si elle a appris son texte ?

Claudio, surpris, contempla son ami.

— Depuis quand t’intéresses-tu à ça ? Ce n’est pas la première fois que tu lances un nouvel acteur ? Qu’est-ce qu’il t’arrive ?

— Mauvais pressentiment.

Il se leva.

— Je vais voir Marjorie.

Mais au lieu d’aller la retrouver, il changea d’avis et se dirigea vers la pièce allouée à Cléo. Ulysse en sortait. Arsène l’intercepta.

— Tout va bien ?

— Pas de problème, monsieur Maestro. Tonio est en train de coiffer Cléo. Elle en profite pour réciter son texte avec lui.

— Très bien, très bien.

Il fit demi-tour.

Cléo assista au repas avec l’équipe. Elle fit connaissance de la cuisinière qui lui glissa que si elle avait des envies particulières, elle devait lui faire savoir. Elle retrouva sa chambre rapidement pour continuer d’apprendre son rôle.

Elle s’y exerça jusqu’à une heure avancée de la nuit. Elle n’avait aucun problème de mémoire. Elle s’endormit ses feuilles à la main.

C’est Clémentine qui vint frapper à sa porte suivie de Tonio. Il était 7 h du matin.

— Debout Cléo ! Dans une heure et demie, tu dois être prête sur le tournage. Tu dois prendre un petit déjeuner. Impossible de travailler le ventre vide, crois-moi, ton cerveau a besoin de forces.

Cléo sursauta, repoussa la couette. La coiffeuse et le styliste entrèrent en trombe. Tonio s’exclama en contemplant les boucles emmêlées :

— My God !

Il mit ses mains sur ses hanches et fronça les sourcils.

— Debout ! Chérie, il y a du boulot. Tout le monde est déjà sur le pied de guerre. Enfile un truc, Maestro n’aime pas le retard.

Cléo ouvrit la bouche pour s’excuser :

— Je ne me suis… coassa Cléo.

Surprise, elle se tut et mit sa main devant la bouche. C’était quoi cette voix éraillée ? Ils s’exclamèrent en même temps ?

— Tu as pris froid ?

Elle remua la tête en signe de négation.

— Parle nom de Dieu ! cria Tonio.

— J’ai peur !

Clémentine saisit son portable et appela Marjorie. Elle déboula dans la minute qui suivit.

— C’est le trac ! Cléo, tu vas venir prendre un thé chaud avec du miel et…

— J’aime pas le miel.

— Si Maestro entend ça, il va nous faire un malaise, c’est sûr ! se lamenta Tonio. Un début de tournage qui commence comme ça, c’est la galère pour tout le film.

— Tais-toi, oiseau de mauvais augure, grogna Clémentine.

À suivre…

Feel Good : C’est à cause de la clé

Cadeau ! 2 chapitres aujourd’hui ! 😊

Chapitre 6

Cléo décida de retrouver Sidonie, mais elle vit qu’il y avait du monde et comprit que son amie ne serait pas disponible. Elle se sentit alors complètement abandonnée. Elle se dirigea à pas lents vers son coin fétiche, isolé, derrière des rochers, où les vagues lui léchaient les pieds. Le bruit de l’eau la calma rapidement. Elle contempla le va-et-vient de la mer et son regard se perdit au loin.

Elle sursauta quand elle comprit que quelqu’un s’asseyait à côté d’elle sur le sable.

— Moi aussi, quand j’ai besoin de réfléchir, je la cherche pour qu’elle me réconforte. Rien que de l’admirer, je suis apaisé.

Arsène Maestro se tut. Cléo ne dit rien. Elle sentit son parfum et sa présence la rassura. Pourquoi pensa-t-elle aussitôt qu’avec lui, elle ne risquait rien ?

— Vous allez salir votre costume !

Il haussa les épaules.

— C’est vrai que vous devez en avoir des placards entiers.

Il rit.

— Ce n’est pas faux !

Il ne la regardait toujours pas.

— Je parie que si je vous demande de venir vous baigner avec moi, vous allez me répondre que vous n’avez pas de maillot.

— Chiche !

Elle se leva, quitta ses sandales, enleva sa robe jaune citron et apparut dans son une pièce, noir. Elle ne l’attendit pas et courut dans la mer. Elle se mit à nager. Elle adorait ça depuis toute petite. Elle aurait aimé être une sirène. Évidemment, ça n’existait pas. Elle plongea et quand elle sortit la tête hors de l’eau, elle s’aperçut qu’il la rejoignait d’un crawl puissant et impeccable. Arrivé à sa hauteur, il demanda, les yeux plissés, gênés par les gouttelettes et le soleil :

— Alors ?

— Sérieux ? Vous avez abandonné votre costume sur le sable ?

— Surtout, ne le dites à personne. Les journalistes s’en donneraient à cœur joie.

— Motus et bouche cousue. On fait la course ? Vous voyez le rocher là-bas ? On y va, le premier arrivé de nous deux, grimpe dessus. D’accord ?

Elle n’attendit pas la réponse et s’élança. Il la suivit. Ils arrivèrent ensemble.

— Pour votre âge, vous vous débrouillez vachement bien !

Elle se hissa sur la pierre. Il la rejoignit aussitôt.

— Vous n’êtes même pas essoufflé, remarqua-t-elle admirative.

— Pour mener la vie que j’ai choisie, je dois m’entretenir. Je fais du sport tous les jours et j’avoue que la natation est mon hobby, je n’ai donc aucun mérite.

— Vous devez avoir souvent les caméras tournées vers vous, ça ne vous gêne pas ?

— C’est plutôt moi qui tourne la caméra, vous savez !

— Vous dites Silence on tourne ?

— Évidemment ! pour qu’il n’y ait plus de bruit. Sur un plateau, il y a toujours des bavardages intempestifs. J’avoue, je ne suis pas un tendre quand ça ne va pas comme je le souhaite. Mais en général, mes équipes ne me trouvent pas trop difficile à vivre. Vous pourrez demander à Brune, elle me connait bien.

— Déjà directrice de casting, elle doit être super douée ! j’imagine qu’elle a le même âge que moi ! J’ai vingt-cinq ans !

— Elle est dans le métier depuis toute petite. Elle n’a pas encore tous les diplômes, mais elle travaille en binôme avec ma collaboratrice qui, elle, s’occupe du recrutement depuis des années. Effectivement, elle a votre âge. C’est ma fille.

Stupéfaite, elle demanda, un brin agacée.

— Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ?

— Quelle importance ?

— En fait, tout ça était un coup monté, j’avais raison.

Cléo se tordit les cheveux et les enroula sur la nuque. Elle saisit son élastique autour du poignet pour les attacher en un chignon lâche.

— Non, ce n’était pas prémédité du tout. Mais j’avoue que le coup de la blonde, c’est parce que nous avons jeté un œil sur les réseaux sociaux pour vous connaître un peu mieux.

Elle se braqua aussitôt et voulut se lever. Il la retint et la regarda dans les yeux. Le vert et le gris se rencontrèrent.

— Votre copine n’était au courant de rien.

— Ce n’est pas ma copine.

— Peu importe. Je vous dis la vérité. Il n’y avait rien de prémédité dans tout ça.

— Et le texte ? Ça ressemblait quand même beaucoup à ce que j’ai vécu, non ?

Il ne répondit pas.

— Alors ? C’est bien ce que je pensais.

— Vous vous trompez. Je devais être certain que vous étiez bien l’héroïne de mon film et pour cela, je devais voir comment vous réagissiez quand vous étiez émue, touchée, triste, en colère… J’ai été servi ! en quelques secondes, toute cette palette de sentiments a défilé sur votre visage. C’est Claudio qui a écrit le texte. Je ne suis pas un tricheur. Je ne veux pas vous faire de mal. Croyez-moi Cléo, vous avez un bel avenir devant vous ! Faites-moi confiance !

— Hum ! Confiance ? C’est un mot que je n’aime plus, murmura-t-elle de sa voix voilée.

Elle entoura de ses bras ses genoux et regarda au loin. Soudain, elle frissonna.

— Et si nous repartions, suggéra-t-il ? Je vous offre un chocolat chaud à l’arrivée.

Elle ne l’attendit pas et plongea.

Ils s’ébrouèrent ensemble sur la plage. Ils n’avaient pas de serviette. Elle rit.

— Alors monsieur le réalisateur ? Vous allez enfiler votre costume sur votre peau mouillée ?

Il ne répondit pas et passa sa chemise sur son torse nu, musclé. Il roula son pantalon et sa veste et la contempla. Elle le regardait bouche bée.

— Donc ? On le prend ce chocolat ? Fermez la bouche, vous allez gober une mouche !

Il partit devant. Elle mit sa robe sur son maillot et le suivit.

Vraiment étonnant ce type, pensa-t-elle !

Chapitre 7

Dans le train qui l’emmenait, Cléo laissait son esprit vagabonder. Le cœur en déroute, elle avait finalement accepté de tenir le rôle que lui proposait Maestro. Elle ne savait pas ce qui lui avait fait le plus de mal, le ouf échappé des lèvres de Martin ou l’impression que Sidonie soufflait elle-aussi, comme si, elle était de trop, toujours dans leurs pattes.

Quant à ses parents, elle les avait étudiés, surveillé leurs réactions, et à part le plaisir sincère dans les yeux de sa mère, elle avait compris qu’ils se réjouissaient pour elle. Son père avait même ajouté que son chef, quand il apprendrait qu’il avait affaire à la vedette du film du célèbre réalisateur, il ne jouerait plus au malin avec elle. Il lui avait répété qu’elle devait prendre confiance en elle, qu’elle reviendrait grandie de cette expérience. Elle en doutait, mais elle avait fait comme si !

En regardant défiler les paysages, elle pensait qu’elle n’en était pas encore là. Elle se demandait encore si elle ne descendrait pas au prochain arrêt pour aller se cacher. Mais où ? Elle était toute seule ? Pas de frère et sœur, plus d’amis. Elle soupira à nouveau.

Arsène lui avait donné le script. Elle l’avait dans son sac. Elle n’avait pas osé le lire. Deux jours plus tôt, Arsène, Claudio et Brune, l’avaient invitée à diner avec eux. Elle n’avait pas été très à l’aise. Elle se rappelait encore sa conversation avec Brune.

— Pourquoi, tu ne m’as pas dit que tu étais sa fille ?

Cléo l’avait attaquée de front. Elle agissait souvent ainsi quand elle se sentait humiliée et blessée avec agressivité.

— Tu ne me l’as pas demandé !

— Un peu facile non ? Surtout que tu m’as mis du monsieur Maestro plein la vue.

— C’est toujours comme ça dans le travail. Je ne veux pas qu’on croit que je suis arrivée là grâce à lui. Ce n’est pas simple d’être la Fille de.

Évidemment, elle n’avait pas pensé à cet aspect des choses. Elle les avait regardés et un sentiment étrange l’avait envahie qu’elle préférait ne pas analyser pour l’instant.

Elle saisit le script et le feuilleta. Subjuguée, elle comprit qu’elle allait jouer en costume. En quelques pages, elle prenait des années. L’idée de se voir avec quarante piges de plus la fit sourire. Elle allait interpréter Ludivine jeune et vieille. Finalement, pourquoi pas ! Qui allait endosser le rôle du personnage masculin ?

La gare de Bergerac se profila et elle descendit sur le quai. Brune l’attendait et lui fit signe. Cléo respira mieux. Elle ne serait pas seule pour faire son entrée dans ce monde inconnu.

— Tu as fait bon voyage ?

— Oui !

— Stressée ?

— Un peu !

Les réponses laconiques de Cléo agacèrent Brune.

— C’est quoi le problème ?

Cléo posa son sac et croisa les bras.

— Tu ne me parles pas comme ça.

— Tu as peur et c’est normal, mais tu verras tout se passera bien.

— Si tu le dis.

Elle reprit son bagage et suivit la jeune fille.

— L’endroit où l’on tourne est magique. Tu vas faire connaissance avec toute l’équipe : maquilleurs, styliste, coiffeur, cameramen, et les comédiens bien sûr. Mon père les a prévenus que tu étais toute nouvelle. Tu sais, il cocoone un peu tout son monde, mais il aime le travail bien fait. Je t’explique comment ça va se passer, tu vas avoir ton texte à apprendre et les scènes que tu devras tourner. Si tout va bien, dans un mois, tout est dans la boîte. Le film pourrait sortir pour les fêtes de fin d’année. Tu reprendras ta petite vie tranquille jusqu’à la promotion qui débutera quelques semaines avant. Mais ne t’inquiète pas, tu vas avoir ton planning et même… tiens-toi bien… une loge rien que pour toi, étant donné que tu es l’héroïne.

Clé sentit le mal de tête monter.

— Monsieur Maestro compte sur toi.

— Voilà que tu recommences, tu ne peux pas dire mon père ?

Cléo agacée, ferma les yeux. Elle aurait voulu être sur la plage et ne penser à rien. Pourquoi a-t-il fallu qu’il perde ces foutues clés ce client ! De plus, elle ne devait pas être présente ce jour-là, elle avait changé ses horaires avec Françoise. Si elle avait su ! ça tournait en boucle ! les clés, Noé, les bijoux volés.

— À quoi penses-tu ? J’espère que tu te rends compte de la chance que tu as. Des tas de filles de ton âge aimeraient être à ta place.

Cléo ne répondit pas. Elle commençait déjà à en avoir ras le bol aussi de Brune, un peu donneuse de leçons sur les bords.

Elles parvinrent devant une belle bâtisse située dans un grand parc arboré et fleuri. Brune, l’entraina voir son père. Arsène parlait avec un homme quand Cléo arriva à sa hauteur. Elle se sentit rougir et un filet de sueur froide coula le long de son dos. Pierre Niney en personne était face à elle. Il l’accueillit gentiment.

— Alors c’est toi la nouvelle recrue d’Arsène ?

Il la prit dans ses bras. Stupéfaite et complètement abasourdie, elle eut du mal à réaliser que c’était bien lui, récompensé par un césar pour son rôle d’Yves Saint Laurent quila serrait contre lui.

Elle plaqua un sourire sur ses lèvres et émit un bonjour du bout des lèvres. L’acteur se détourna d’elle et la laissa seule avec Maestro.

— Je ne me sens pas bien !

Le cœur en vrac, elle luttait pour retenir ses larmes. Trop de stress, elle ne gérait pas. Arsène la saisit rapidement par la main et l’emmena auprès de sa directrice de casting en titre, Marjorie, amie de longue date. Il lui murmura à l’oreille de s’occuper d’elle avec douceur et s’en fut retrouver son équipe. Il commençait à se demander s’il avait fait le bon choix. Il espérait sincèrement qu’il ne s’était pas trompé.

Marjorie, brune à lunettes, un peu ronde, débordante d’énergie, en jeans et basquets, la prit aussitôt sous son aile.

— Ne t’inquiète pas Cléo. C’est toujours comme ça la première fois. Tout va bien se passer. Je vais te présenter à ton coiffeur et ta maquilleuse, tout de suite, tu te sentiras mieux.

Un blond décoloré à la mèche rebelle apparut.

— Oh ma chérie, quelles jolies boucles ! j’en suis jaloux !

Il la prit dans ses bras et lui plaqua deux bises sur les joues. Très tactile, il lui tint les mains, la fit tourner sur elle-même.

— Tu es magnifique ! Je comprends le chef ! Tu es celle qu’il cherchait, tu vas cartonner ma bichette !

Marjorie lui murmura qu’il ne fallait pas qu’elle soit surprise. Tonio terminait toujours ses phrases avec un surnom affectueux.

— Tu n’as pas de souci à te faire, Tonio aime les hommes. Je te présente Clémentine, ta maquilleuse.

Elle lui fit penser immédiatement à Sidonie, elle était aussi grande qu’elle. Parsemée de taches de rousseur, elle mit à l’aise aussitôt Cléo en lui racontant qu’elle avait regardé le soleil à travers une passoire. Elle éclata de rire et Cléo ne put s’empêcher de faire de même.

La porte s’ouvrit à la volée. Un homme entra et Cléo resta pétrifiée. Elle avait devant elle son ami de toujours, Ulysse Dernhomes celui qu’elle n’avait plus le droit de voir parce que son père ne l’aimait pas à cause de ses arrière-grands-parents qui pendant la guerre les auraient soi-disant dénoncés.

À suivre…

Feel good : C’est à cause de la clé

Chapitre 5

Arsène et Claudio avaient fait appel à leur équipe pour que le matériel soit installé dans le jardin de Cléo. L’école n’étant pas encore terminée, ses parents travaillaient, elle était seule. Elle ne leur avait rien dit. Elle espérait qu’il ne reviendrait pas de la journée.

Elle consulta son texte. Quelques lignes à retenir ne lui faisaient pas peur. Claudio lui avait préparé en quelques minutes. Ce n’était pas ce qui était prévu, mais il voulait connaitre les réactions de la jeune femme devant les mots écrits. S’il ne s’était pas trompé, elle allait crever l’écran.

Pourquoi tu m’as fait ça ? Je te faisais confiance, tu étais ma meilleure amie ! Aller raconter des inepties sur moi, tu le savais que ce n’était pas vrai. En fait, tu es jalouse, tu l’as toujours été et moi je n’ai rien vu.

Un jour, je t’avais dit…

Alors que la caméra filmait, Cléo s’interrompit. Elle renifla. De sa voix cassée par l’émotion, elle cracha :

— En fait, vous êtes pareil ! Vous avez lu les réseaux sociaux et vous allez vous en servir…

Elle renifla de plus belle, s’essuya les yeux pour ne pas montrer ses larmes, se redressa et déversa sa tristesse pendant que la caméra tournait.

— Quelle conne ! Je suis vraiment trop poire, j’y ai cru. C’était un coup monté, j’en étais sûre et je suis tombée dans le panneau comme une gourde. De toute façon, personne ne m’aime et tout le monde se moque de moi. Avouez-le que vous saviez que Guilaine Latin était ma pire ennemie, et que vous avez fait exprès de me dire que vous alliez la choisir et moi…

Elle hoqueta, la voix voilée encore davantage.

— Je suis pathétique ! mon intuition ne me trompe jamais, j’ai cru que pour une fois… oh laissez tomber.

Elle se leva, bouscula Brune et Claudio et s’enfuit, en larmes et furieuse d’avoir craqué.

Arsène coupa la caméra et murmura :

— C’est bon pour moi ! Vas-y Brune, je te fais confiance. Mais surtout… ne la casse pas davantage.

Brune ne la trouva pas. L’équipe remballa le matériel sans un mot. L’émotion de la jeune femme les avait retournés.

— Tu vois ! dit Claudio doucement, je ne me suis pas trompé. Cette fille est superbe.

Arsène ne répondit pas. Brune revenait bredouille. Cléa avait disparu. C’est alors que Pierre et Margareth Rose apparurent. Aussitôt, Arsène prit les devants et expliqua pourquoi ils étaient là.

— Cléo a accepté de tourner pour vous ? demanda Margareth. Je suis ravie.

Arsène la contempla. Cléo lui ressemblait, elle avait hérité de la couleur flamme de sa mère. Mais, il décela une étincelle dans les yeux de celle-ci qu’il n’avait pas vue chez Cléo.

— Avec mon scénariste, que voici (il présenta Claudio), nous avons repéré votre fille devant l’hôtel où elle travaille. Je vous rassure, elle n’a pas accepté immédiatement. Il a fallu tout l’art de persuasion de Brune, pour qu’elle veuille bien nous amener chez vous.

Monsieur et Madame Rose serrèrent les mains des deux hommes. Brune restait discrète derrière son père. Margareth reprit.

— Ma fille est très…

— Vous avez bien eu raison de la secouer, l’interrompit son mari. Je serais très heureux qu’elle s’émancipe un peu et qu’elle ne tourne pas en rond ici avec ses amis. Elle a vingt-cinq ans, que diable !

— Où est-elle ?

— Justement…

Arsène se tut.

— Je parie qu’elle s’est enfuie ! ça ne m’étonne pas d’elle, remarqua Pierre. En tout cas, vous avez mon accord, même si vous n’en avez pas besoin. Je suis certain qu’elle vous a fait le coup du père très papa poule, super protecteur, et tout le tintouin.

Arsène hocha la tête, mais ne répondit pas. Il ne voulait pas trahir Cléo.

— Je vous laisse ma carte, je repars demain. J’aimerais vraiment qu’elle accepte de participer à cette aventure. N’hésitez pas à m’appeler à n’importe quelle heure. Si vous n’arrivez pas à me joindre, un message suffira.

Le matériel remballé, la pièce avait repris son allure normale. Chacun salua les propriétaires et quitta les lieux.

Cléo était partie retrouver Martin. Il tenait un magasin de vélos qu’il réparait et qu’il louait pendant la saison. Dès qu’il la vit, en larmes, il abandonna ce qu’il faisait pour la serrer dans ses bras. Ils se connaissaient depuis la primaire. Cléo n’avait plus guère de secrets pour lui et sa sœur. Elle ne pouvait se passer d’eux plus d’une journée. C’était bien ce qui inquiétait Martin qui ne savait pas encore comment il allait lui annoncer qu’il avait une petite amie avec qui il pensait fonder une famille. Elle s’appelait Lucie et rêvait de s’installer avec lui. La boutique de cycles fonctionnait bien, Lucie souhaitait en tenir la comptabilité. D’autre part, elle était propriétaire d’une chambre d’hôtes qu’elle proposait et qui marchait bien. Le jeune couple était prêt. Mais Martin, hésitait, parce qu’il ne voulait pas rendre malheureuse Cléo.

Pour l’heure, il tentait de suivre ce qu’elle racontait et qui l’avait mise dans cet état.

— Je ne comprends rien, Cléo.

— C’est à cause de Guilaine.

Il fronça les sourcils. 

— Qu’est-ce qu’elle t’a fait ? Tu ne penses pas que tu pourrais tourner la page ? C’était il y a dix ans.

— Oui, mais tu vois, elle a failli avoir le rôle.

— Il ne t’intéressait pas, tu l’as assez répété !

— Je ne voulais pas qu’elle l’obtienne.

— Tout va bien alors ! Donc pourquoi tu pleures ?

— Parce que je me suis fait avoir !

— Encore ? Tu n’es pas le centre du monde, tu sais ! Pour une fois, tu ne peux pas croire à ta chance à toi ? Imagine que ce qu’il t’arrive c’est vraiment pour toi ? Cesse de jouer à la persécutée.

— Je ne vois pas pourquoi quelque chose de bien m’arriverait ! J’ai la poisse tout le temps ! Regarde où j’en suis à cause de cette foutue clé !

— Putain, Cléo, tu es belle, intelligente. Tu es adorable, pourquoi penser que tu es nulle ? Tu te fais des nœuds au cerveau pour rien.

— J’ai bien foiré mon poste à l’hôtel !

— Tu sais ce que j’en dis moi ? Tu aurais pu te défendre, ouvrir ta gueule un peu ! Tu veux toujours aider tout le monde pour qu’on t’aime, mais ça ne marche pas comme ça ! Noé t’a remercié de lui avoir sauvé sa place ? Non. Il s’est excusé ? Non. Merde Cléo ! Je te rappelle que tu as vingt-cinq piges ! Vis ta vie !

Elle le regarda, surprise.

— Mais qu’est-ce que tu as ? Toi aussi tu vas me lâcher ?

— Et voilà que ça recommence ! Cléo, tu es fatigante.

— Tu m’as souvent dit que je pouvais débarquer à l’improviste, que tu serais toujours là pour moi.

Il soupira.

— Oui, Cléo, c’est vrai.

— Alors ? Tu es comme un grand frère pour moi.

Ils ne virent pas arriver Lucie. Quand Martin s’en aperçut, son regard s’attendrit aussitôt et Cléo tourna la tête.

— Bonjour !

Cléo toisa la nouvelle venue. Une brunette, cheveux courts, casquette vissée sur le crâne, allure sportive. Elle fixa à nouveau Martin. En un quart de seconde, elle comprit.

Elle fit demi-tour et disparut. La fuite, c’était vraiment tout ce qu’elle savait faire.

À suivre …

Moodboard = Planche d’humeur

Participer à un wordcamp c’est apprendre plein de choses notamment ce mot : Moodboard. Traduisez planche d’humeur. En clair, posez tout qui vous passe par la tête pour créer l’ambiance, l’atmosphère de votre roman.

Je le faisais évidemment, en prenant des notes, en cherchant des illustrations. Je partage mon cahier avec mes notes prises au vol, les idées, le début de l’histoire, la recherche des prénoms, leur physique, leur âge.

Voilà aujourd’hui ce que j’ai préparé pour le visuel qui va m’accompagner pour toute l’histoire et je l’enrichirai au fur et à mesure. Avouez qu’il a un peu plus d’allure ! 😊

L’application Cupidonetmoi.com est représentée en fond avec son écran qui défile. On aperçoit Rosalie, et l’idée du marché du village, de la ferme, et de mes deux héros est bien présente.

Je vous présente maintenant le cahier qui va accueillir toute l’histoire de Cupidonetmoi.com jusqu’à son déroulement, c’est à dire, jusqu’à la publication, la mise en page, la recherche de la couverture, les propositions de correction… 45 jours intenses ! Je vous dis !

À très vite …

Feel good : C’est à cause de la clé

Chapitre 4

Le lendemain matin, Pierre et Margareth Rose furent surpris de découvrir leur fille dans sa robe jaune citron en train de préparer le petit-déjeuner.

— Ton planning a changé ? demanda sa mère.

— Non, je suis en vacances.

Ses parents se regardèrent.

— J’ai fait une connerie, le chef de la réception, m’a mis au frais pendant trois semaines. Je ferais toute la saison sans congés, avec lui. Charmant ! Tout ça à cause de Noé.

Elle leur raconta en détail ce qu’il s’était passé.

— Surtout papa, tu ne t’en mêles pas ! Si j’avais su… fichue clé ! J’y suis pour rien en plus !

— Que vas-tu faire ? Partir un peu ?

— Je vais aider Sidonie à la Paillotte, gratis évidemment !

Son père grommela.

— Sidonie et Martin ! Les jumeaux ! S’il leur prenait l’envie de s’en aller, je me demande ce que tu deviendrais, ma chérie.

Cléo baissa les yeux. C’est tout à fait ce que lui avait dit la veille au soir Martin. Tous, commençaient à lui taper sur le haricot, à répéter qu’il fallait qu’elle s’envole. Nom d’une pipe, c’était sa vie, elle en faisait ce qu’elle voulait.

Quand Sidonie vit débarquer la jolie brune aux cheveux longs sur la plage, elle lui fit un signe de tête. Lorsqu’elle remarqua qu’elle parlait avec le réalisateur rencontré la veille, elle se posa des questions mais ils arrivèrent à son comptoir et elle leur fit son plus beau sourire.

— Je vous sers quelque chose ? Un café ? Un chocolat chaud ? Vous êtes bien matinal, monsieur Maestro.

— Je vous présente ma fille, Brune. Votre amie n’est pas là ?

— Elle travaille à cette heure-ci.

Arsène se fit discret. Il n’était pas censé savoir que Cléo était mise à pied. Le portable de Sidonie sonna. La musique de Jusqu’ici tout va bien de Gims retentit.

— Cléo ? Tu n’es pas au boulot ?

Brune et son père s’éloignèrent vers la plage.

— J’ai fait des recherches papa, comme tu me l’as demandé. J’ai peut-être trouvé un truc. J’attends de la rencontrer et je te donnerai mon avis.

Sidonie ne l’avait pas prévenue que Maestro était là. Aussi quand Cléo apparut devant elle, elle fronça les sourcils parce qu’elle aperçut Brune et Arsène.

— Encore vous ?

Sidonie haussa les épaules et affirma qu’ils venaient d’arriver. Elle ne présenta pas Brune. Celle-ci s’approcha d’elle et tendit la main.

— Bonjour, je suis la directrice de casting de Monsieur Maestro. Il m’a parlé de vous. Je suis heureuse de faire votre connaissance.

Sidonie ne fit aucune remarque. Cléo, prise par surprise, serra la main de la jeune femme qui devait avoir au moins le même âge qu’elle. Elle l’envia aussitôt, la trouva très jolie, et… très sympathique. Ses cheveux longs volants au vent, son sourire franc, ses yeux violets, tout en elle lui plut et lui inspira confiance. Pourtant, elle resta sur la défensive parce que le réalisateur était là. Elle sentit le coup fourré à plein nez. L’air de sainte nitouche de Sidonie ne lui disait rien qui vaille non plus.

Arsène comprit qu’une fois de plus sa fille avait fait mouche. Elle avait un don pour mettre à l’aise les gens dès leur première rencontre. Brune était inoubliable. Elle tenait ça de sa mère, disparue à sa naissance. L’accouchement avait mal tourné et Arsène s’était retrouvé veuf et seul à élever le nourrisson, il y avait vingt-cinq ans. Il n’avait que vingt ans, sa carrière était loin de celle qu’elle était aujourd’hui, mais il s’était accroché pour son Brune. Aidé par ses parents, il avait travaillé dur et il était fier de ce qu’il était devenu. Sa fille était la prunelle de ses yeux.

— Alors ? Intéressée ? Tu t’appelles Cléo c’est ça ? Moi, c’est Brune.

La rouquine ne répondit pas. Évidemment, elle avait un prénom top. Elle pensa in petto qu’heureusement qu’elle n’était pas blonde. Elle sourit à cette idée.

— Sais-tu que Cléo veut dire Gloire et célébrité ? Les Cléo sont débordantes d’énergie, tu vois c’est un signe.

Stupéfaite, Cléo réagit.

— Elle est bien bonne celle-là !

— Je parie que ça aurait tout changé pas vrai ?

Brune se tourna vers Sidonie.

— Tu nous sers un chocolat chaud ? Cléo ?

— Sido fait ça très bien. Sidonie est mon amie. Elle me connait mieux que personne.

— Enchantée Sidonie. Alors si vous êtes copines, tu vas pouvoir la décider à venir passer un bout d’essai. Tu sais ce que je peux te proposer ? Pourquoi pas le faire ici, dans ton univers ?

Arsène trouva l’idée excellente. La jeune femme serait certainement plus à l’aise. Mais Cléo ne fut pas de cet avis.

— Non, je ne suis pas une comédienne. Laisse tomber ! être regardée par le monde entier et me faire critiquer, non merci ! Et pour ta gouverne, je n’ai rien d’une célébrité.

— Je suis d’accord, répondit à sa grande surprise Brune. Ce n’est jamais agréable, mais tu sais, passer à côté d’une opportunité peut aussi amener les remarques de ton entourage, par exemple s’il pense que tu as raté quelque chose. Finalement, il vaut mieux se faire critiquer pour une bonne raison, tu ne crois pas ?

Cléo éclata de rire.

— Tu es forte toi ! Pour retourner la situation et mon cerveau par-dessus le marché, tu es la reine, mais ça ne marche pas. Je n’ai pas envie.

— Même pas pour gagner de l’argent ?

— Même pas !

— Alors je n’insiste pas. C’est dommage… on le boit ce chocolat chaud ?

Cléo trempa ses lèvres dans le breuvage mousseux et demanda à Sidonie si elle pouvait venir l’aider à la paillote sans rémunération évidemment. Brune ne fit aucune remarque, mais se tourna vers Arsène et Claudio et les interrogea :

— Vous apercevez la fille là-bas ? La blonde bouclée ?

Cléo, à la dérobée, suivit le doigt de Brune et se figea. Guilaine Latin. Sidonie fit de même et baissa la tête pour cacher son sourire. Bien joué, pensa-t-elle !

— Je l’ai repérée en arrivant. Nous pourrions peut-être aller la voir et lui proposer de faire un bout d’essai.

Brune se leva, remercia Sidonie pour le chocolat et tendit sa joue à Cléo.

— Désolée, je ne peux pas rester plus longtemps. Monsieur Maestro cherche depuis des semaines son héroïne, je vais tenter ma chance avec la blonde.

Cléo murmura, le nez dans son mug.

— Elle va dire oui, c’est sûr !

Brune se retourna vers elle.

— Tu la connais ?

— Ouais !

Cléo leva les yeux et regarda son amie.

— Hein, Sido qu’on la connait ?

Elle opina de la tête.

— Si tu veux une garce pour le rôle, tu as tapé dans le mille.

Arsène se toussota, salua Cléo et Sidonie.

— Brune ?

Cléo posa son mug.

— Attendez !

Brune et le réalisateur s’arrêtèrent. Sidonie retint son souffle.

— C’est quoi le texte ? Pour rigoler, j’essaye. Après tout, si vous cherchez le genre de la blondasse qui arrive, je peux peut-être tenter le coup.

Elle marchait en effet vers eux. Cléo frissonna, une sueur froide coulait sous ses bras. Arsène et Brune sourirent.

— Où vous sentez-vous le plus à l’aise ?

— Chez moi ! Venez !

Cléo ne perdit pas de temps, Guilaine Latin l’avait repérée, elle accélérait le pas. Brune et Arsène lui tournaient maintenant le dos. Cléo en profita pour les entrainer.

À suivre…

Romance : Cupidonetmoi.com

Chapitre 7

Léonie ne décolérait pas. C’était dimanche. Il était huit heures du matin et elle était déjà debout, alors qu’elle pouvait trainer au lit.

Elle se rappelait encore la peur qu’elle avait eue lorsque la vache s’était approchée d’elle. Le pire, c’est que Léandre comme les deux autres avaient pris un fou rire incontrôlable alors qu’elle tentait désespérément d’ouvrir la porte de la grange. Quand elle avait enfin réussi, elle était partie en courant, comme si elle avait le diable à ses trousses, se tordant les chevilles à qui mieux mieux. Elle avait bien entendu qu’on appelait son nom, mais elle ne s’était pas retournée. Marc l’avait rattrapée avec son véhicule. Il avait ouvert la portière. Mariette était installée à l’arrière. Sans un mot, elle était grimpée à l’avant, les bras croisés, refusant toute discussion. Il l’avait déposée devant chez elle. Elle était rentrée sans un regard vers eux.

Le samedi, Mariette avait tenté de lui reparler de la soirée, mais elle avait vite compris que son amie était en colère et surtout vexée.

La journée s’était déroulée normalement. Les clientes avaient peut-être senti que quelque chose clochait entre les deux coiffeuses, mais discrètes, pour une fois, elles ne firent aucune réflexion.  

Elle était prête de bonne heure un dimanche, ça ne lui ressemblait pas. Elle mettait en route sa cafetière quand un Bip lui signala un message. Elle lut

« Bravo, vous avez réussi votre deuxième rendez-vous. En route pour le troisième ! Cupidonetmoi.com »

Elle jeta son portable sur la table. Sa résolution était prise, il allait voir de quel bois elle se chauffait, le Léandre Castillo. Elle avala son café et rejoignit sa coccinelle verte garée devant chez elle.

Francis Castillo posté devant chez lui la vit arriver dans la cour. Il retint le border collie qui aboyait et tournait autour du véhicule. La jeune femme hésitait à descendre.

—  N’ayez pas peur ! Il n’est pas méchant !

Léonie sortit de sa voiture et tendit la main à Francis. La ressemblance entre le père et le fils la frappa. Après les salutations d’usage, elle demanda si elle pouvait parler à Léandre.

—  Il est encore dans la grange ma p’tite dame. Je vous y conduis.

Elle hésita et il s’en rendit compte.

—  Ne vous tracassez pas ! Vous ne salirez pas vos chaussures.

Elle n’osa pas refuser et le suivit.

Devant la porte, elle l’interrogea.

— Elles sont attachées ?

— Qui ? Les vaches ? Bien sûr, toujours pendant la traite. Ce serait le bazar sinon !

Il rit et ajouta :

— Même Rosalie, si c’est ça qui vous inquiète ! J’ai cru comprendre que vous n’aviez pas fait amie-amie la dernière fois que vous étiez vues ?

Il poussa la porte avant qu’elle ne réponde.

— Léandre ? Quelqu’un pour toi !

Léonie constata qu’effectivement, mise à part l’odeur toujours particulière, la grange était propre. Elle aperçut Léandre, la fourche à la main qui remettait du foin dans les mangeoires de ses bêtes. Affublé de sa sempiternelle combinaison verte, il venait vers elle.

Elle ne le laissa pas parler et attaqua bille en tête.

— Vous allez me foutre la paix avec cette application de rencontres ? Cupidonetmoi.com.

Francis interrogea son fils, surpris.

— Tu es sur un site toi ? Première nouvelle !

Léandre posa sa fourche, s’approcha plus près de Léonie et éluda la question.

— Bonjour quand même ! Je croyais qu’on se tutoyait ?

Puis, il se tourna vers son père.

— C’est une idée complètement débile de Marc de m’avoir inscrit. Je n’y suis pour rien.

Il regarda ensuite Léonie.

— Et pour te répondre, je n’ai rien fait sur cette application pour qu’on se rencontre. Mais si c’est à cause d’elle que j’ai droit à ta visite si tôt un dimanche matin, tu m’en vois ravi ! J’ai terminé. Tu viens prendre le petit déjeuner avec moi ?

Sans attendre, il se déshabilla de sa combinaison, l’accrocha à un porte-manteau et apparut en jeans et chemise ouverte.

Son père passa devant et Léandre invita Léonie à sortir. Francis, discret, les abandonna.

Mais Léonie ne l’entendait pas de cette oreille. Elle stoppa devant sa voiture.

— Non merci, je repars.

— Prends au moins un café ? Un thé ? Un chocolat ?

Il s’était arrêté à côté d’elle et elle eut l’agréable surprise de respirer une odeur de foin et de Giorgio Armani comme l’avait prédit Mariette. Elle rougit.

— Alors ? De plus, le dimanche Christophe passe m’apporter ses viennoiseries toutes chaudes…

Devant son hésitation, il avoua :

— D’accord, je m’excuse pour vendredi soir. Je n’ai pas pensé que tu pouvais avoir peur de ma vache. Elle n’est pas méchante. Mais tu étais drôle et…

— Tu t’es bien moqué de moi ! Même ton père est au courant !

À nouveau, elle vit que Léandre retenait un rire. Il lui prit la main et voulut l’entrainer.

— Juste un petit déjeuner pour me faire pardonner et tu me montreras ton application, mais je ne t’oblige à rien. Les personnes qui entrent chez moi sont toujours les bienvenus et souvent des amis.

Il l’abandonna devant sa voiture et se dirigea vers sa maison.

Ses parents regardaient discrètement par la fenêtre. Francis grommela :

— Il ne va quand même pas la laisser toute seule ? Heureusement que le chien est avec nous. Qui est-ce ? Tu la connais ?

— C’est Léonie, la coiffeuse.

— Ah ! elle rentre chez lui ! Il est aussi tête de mule que sa Rosalie, la porte est restée ouverte, mais il ne l’a pas attendu.

— Bah, il était certain qu’elle allait le suivre.

— Tu le savais qu’il s’était inscrit sur un site de rencontres ?

— Je l’ai appris par hasard. Regarde, elle s’appelle Cupidonetmoi.com.

— C’est quoi ce nom à coucher dehors ? Tu crois que ça va marcher ? Elle a peur des vaches, craint de se salir les chaussures, ça commence bien !

— Francis, on ne s’en mêle pas !

Léandre disposa les chocolatines et les croissants dans une corbeille et invita Léonie à s’approcher du bar comptoir.

 — Ce sera plus sympa ici que sur la grande table. Je te prépare un café, un thé ?

— Un café, ça ira !

Pendant que la machine glougloutait, il demanda :

— Tu me montres le message que tu as reçu ? Peut-être ai-je eu le même !

Effectivement, les mots identiques s’affichaient sur son portable.

— Puisque c’est comme ça, profitons-en pour faire mieux connaissance.

Il servit le café dans les mugs.

— Choisis ! Croissant, chocolatines ?

Il croqua à pleines dents dans un croissant, elle saisit le deuxième.

— J’ai bien compris Léonie que tu n’aimais pas trop les agriculteurs, mais ça ne nous empêche pas d’être amis. Cette application aura au moins réussi ça.

— Tu as raison.

— De toute façon, nous allons être amenés à nous revoir pour la journée découvertes, autant bien nous entendre.

Il tendit la main.

— Tope là ! Amis ?

— Amis ! Peut-être pourrions-nous nous désinscrire de l’application aussi ?

— Faisons ça !

Ils saisirent leur portable.

Impossible de vous déconnecter. Le programme n’est pas terminé tant que je n’ai pas réussi ma mission. Vous n’êtes pas en couple.

À suivre…

Romance : Cupidonetmoi.com

Chapitre 6

Vendredi arriva vite. Léandre avait complètement oublié la réunion à la mairie. Occupé avec la naissance d’un veau qui prenait tout son temps et malmenait la mère, il était à mille lieues d’y penser. Francis était avec lui et l’aidait du mieux qu’il pouvait à soulager la belle limousine qui était couchée. Ils avaient hésité à appeler le vétérinaire et finalement, la nature fit son œuvre et tout se déroula normalement.

Marc était déjà à pied d’œuvre dans la salle de la mairie. Le village n’était pas très grand. Il était surtout rural et comptait une dizaine d’agriculteurs qui avaient tous fait le déplacement, sauf Léandre Castillo. Il était le seul à produire un élevage de vaches limousines. Il était reconnu pour la qualité de sa viande et de son lait et aussi de sa gentillesse. La famille Castillo habitait la commune depuis la génération des grands-parents, son absence souleva des questions.

Les petits commerçants avaient fait également le déplacement. Monsieur le maire était ravi de compter parmi eux, le boucher charcutier Léonce, le boulanger Christian de Chris et son fournil, Hélène de l’épicerie, pratique pour ne pas courir au supermarché de la ville voisine et Claude du Bar-tabac presse.

****

Léonie Capdabelle fermait son salon quand Mariette lui rappela la réunion.

—  Tu as vu l’heure qu’il est ? Je n’ai pas diné, je suis crevée ! Nous avons eu toutes les deux une rude journée. À croire que toutes s’étaient donné le mot pour venir se faire coiffer en même temps.

—  C’est normal, c’est le week-end ! Tu sais bien qu’il y a le marché et régulièrement, elles souhaitent être présentables pour faire leurs courses. C’est comme ça depuis toujours. On y va ?

—  Pars devant, je te rejoins.

—  Promis ? Tu ne me feras pas faux bond ?

— Croix de bois croix de fer, si je mens je vais en enfer.

Léonie baissa les stores, éteignit la lumière et monta chez elle pour se rafraichir un peu.

****

Léandre sortait de la douche quand son portable sonna. Enroulé dans sa serviette, les cheveux en bataille, il décrocha.

—  Tu ne viens pas ? Les copains t’attendent ici et sont surpris de ton absence.

Léandre réalisa qu’il avait complètement zappé la réunion. Il ne voulait pas les décevoir, il jura in petto.

—  J’arrive ! J’ai eu un problème avec une vache.

Il raccrocha et pesta. Il n’avait pas le temps de manger un morceau. Il emporta à la va-vite un bout de pain et monta dans son 4×4.

Il descendait de son véhicule quand il aperçut une retardataire qui venait vers lui. Il reconnut la coiffeuse. Il s’avança vers elle, main tendue.

—  Bonsoir ! Je ne serais pas le dernier.

Elle lui serra la main et répondit.

—  Je suis bien contente de ne pas arriver seule. Je n’aime pas trop les réunions, mais mon associée a insisté. Ce n’est pas de chance, j’ai terminé tard aujourd’hui.

—  Bienvenue au club ! J’ai la naissance d’un veau qui s’est déclenchée en fin d’après-midi. Mais, je ne vais pas vous ennuyer avec ça, entrons !

Il s’effaça pour la laisser passer. Marc vint aussitôt à leur rencontre.

—  Enfin, te voilà !

Il embrassa sans façon son ami et serra la main de Léonie.

Elle se sentit immédiatement à l’aise entre les deux hommes. Elle aperçut Mariette en grande conversation avec le boulanger. Léonie les soupçonnait d’ailleurs d’entretenir une liaison. Elle lui fit signe.

Le maire ravi du succès de son projet les invita à s’asseoir et exposa ce qu’il avait en tête.

****

Léonie et Léandre se retrouvèrent sur le parking avec Marc et Mariette, plus de deux heures après.

— Je ne sais pas vous, mais je n’ai rien avalé depuis le déjeuner. Est-ce que ça vous tente de venir manger un morceau chez moi ?

— C’est tout Léandre ça ! Je suis partant, je parie que tu vas nous bricoler une omelette aux cèpes vite fait. Je me trompe ?

Léandre lui tapa dans le dos puis le prit par le cou.

— On ne peut rien te cacher !

Marc se tourna vers les deux coiffeuses.

— Vous nous accompagnez les filles ?

Mariette ravie acquiesça aussitôt et monta dans la voiture de Marc.

Léandre interrogea Léonie.

— Si mon véhicule ne vous fait pas peur, je vous emmène. Il ne sent pas la vache, il n’y a pas de foin à l’intérieur et Rosalie n’est pas là.

Il s’installa au volant et se pencha pour lui ouvrir la portière. Marc baissa sa vitre et demanda :

— Tu passes devant ?

Léonie n’hésita plus et monta dans le 4×4. Le trajet ne dura pas longtemps.

Ils descendirent en même temps dans la cour.

— Faites comme chez vous, dit-il en allumant les lumières.

Léonie surprise découvrit avec bonheur la cuisine de Léandre. Mariette lui fila un coup de coude et murmura pour elle seule.

— Tu ne t’attendais pas à ça, avoues ! tu imaginais un vieux formica marron avec un tabouret ? Regarde le beau gosse ! Il casse ses œufs d’une main de maître.

L’odeur des cèpes rissolés envahit rapidement l’espace. Marc hachait l’ail et le persil. Les deux amies comprirent qu’ils étaient habitués de ces petits frichtis improvisés.

— Installez-vous mesdames, ne jouez pas aux timides.

Léandre les invitait à prendre place sur les bancs autour de la table.

Marc sortait les assiettes et les verres à pied. Léandre retourna son omelette et la posa sur un plat.

— Servez-vous, je vais chercher le vin.

Mariette s’assit à côté de Marc, Léonie en face d’eux. Léandre les rejoignit avec une bouteille de Bordeaux. Il la déboucha, s’en versa une lichette dans son verre, qu’il goûta.

— Il est bon. Vous en prenez ?

Il s’adressait à Léonie. Elle tendit son verre. Marc souhaitait qu’ils se tutoient.

— Oui, ce serait plus sympa, répondit Mariette en tendant également le sien.

Léandre prit place près de Léonie et proposa un toast.

— À notre amitié !

Tous trois cognèrent leur verre contre le sien puis entamèrent avec appétit l’omelette. Soudain, Léandre remarqua.

— Nous ne nous sommes même pas présentés. Moi c’est Léandre et voici Marc.

— Moi c’est Mariette.

— Léonie.

Léandre assis près d’elle la taquina :

— Que pensez-vous de ma ferme ?

À ce moment-là, un beuglement retentit. Léandre et Marc éclatèrent de rire.

— Devinez un peu qui fait ce bruit ?

Mariette et Léonie répondirent en même temps :

— Rosalie !

— Si on allait faire sa connaissance ? proposa Mariette.

Ils se levèrent de concert. Léandre retint Léonie.

— Tu es sûre ? La grange, le foin, tout ça…

Il sourit.

— Je suis curieuse ! Je veux rencontrer ta vache !

Elle n’était pas contente la Rosalie. Son maître n’était pas venu comme tous les soirs, lui donner sa ration de foin supplémentaire. Quand elle aperçut le groupe, elle meugla.

Léonie, saisie par l’odeur particulière de la grange ne put s’empêcher de mettre sa main devant le nez. Elle resta plantée près de la porte, elle craignait pour ses bottines.

Léandre n’attachait jamais Rosalie. Elle s’approcha alors, de son allure nonchalante, vers lui. Il allait lui caresser le museau quand elle tourna la tête vers Léonie et lança un Meu ! des plus retentissants.

À suivre…

Romance : Cupidonetmoi.com

Chapitre 5

Léonie rougit jusqu’à la racine de cheveux alors que Mariette lâchait un OH ! de surprise.

Josette Castillo et Amélie Pardout se turent. Josette s’en voulait d’avoir mis mal à l’aise Léonie. Elle hésita puis tapa un SMS qu’elle envoya rapidement pour éviter de changer d’avis.

****

Jonathan Playelle était seul face à son écran géant. La voix impersonnelle de Cupidonetmoi.com résonna.

— Tu es en colère Jonathan !

— Arrête de parler comme si tu étais humaine. Tu n’es qu’une application.

— Je suis d’accord avec toi, je suis une application qui rassemble les âmes sœurs. Grâce à toi et au téléchargement, je peux écouter maintenant leurs conversations. Je suis dans leur téléphone. J’entends tout et enregistre. Par exemple, aujourd’hui, je sais que Léandre et Léonie vont se revoir.

— Ils habitent à quelques kilomètres l’un de l’autre, c’est contraire à notre principe.

— Le principe dont tu parles est obsolète et idiot.

— Je te remercie du compliment.

— Ne sois pas fâché. Tu m’as créé, à mon tour de te donner des conseils.

L’écran s’éteignit, signalant la fin de la conversation.

****

— Mon fils va arriver. Puis-je attendre ici ?

Léonie hocha la tête. Josette restait la seule cliente. Mariette en profita pour sortir acheter son déjeuner. Les deux femmes ne pipaient mot. Josette la première rompit le silence.

— Je suis désolée pour tout à l’heure.

— De quoi parlez-vous ?

— De Rosalie.

Léonie haussa les épaules et ne répondit pas. Elle aperçut Léandre qui se garait devant son salon. Il descendit de son 4×4 et poussa la porte. Il complimenta sa mère pour sa coupe. Celle-ci enchaina immédiatement.

— Figure-toi que nous avons discuté de toi tout à l’heure.

Léonie aurait préféré que la conversation s’arrête, mais Josette continua sur sa lancée.

— Et de ta vache !

Léandre sourit et Léonie remarqua que son sourire atteignait ses yeux. Qu’il était beau ! Josette n’en resta pas là. Quand elle avait une idée derrière la tête, rien ne l’a dissuadait de continuer.

— Je vais acheter le pain à la boulangerie, discutez sans moi.

Stupéfait, Léandre se tourna vers Léonie ne sachant que dire.

— Veuillez l’excuser ! je ne comprends pas. Je n’ai rien de particulier à vous dire. Je vais l’attendre dans la voiture.

Il allait sortir quand Léonie l’interpella.

— Vous l’aimez vraiment beaucoup votre vache à ce qu’il parait. Votre mère parlait d’elle en l’appelant par son prénom, Rosalie, je crois.

Léonie raconta alors la discussion qui avait fait beaucoup glousser ses clientes. Léandre rit de bon cœur, lui aussi.

— Rosalie est une vache que je possède depuis qu’elle est née, d’accord, mais elle ne régente pas ma vie. Si vous la rencontriez, peut-être vous plairait-elle.

Léonie secoua la tête.

— Non merci ! les animaux, la ferme tout ça, ce n’est pas mon truc.

Mariette qui revenait avec son déjeuner entendit la fin de la phrase. Elle fit les gros yeux à son amie et s’immisça dans leur conversation.

— Encore vous ? Décidément, on ne se quitte plus. Léonie dit qu’elle n’aime pas les bêtes, mais elle raconte n’importe quoi. Elle a un chat et si elle le pouvait, elle achèterait aussi un chien.

Léandre ne releva pas. Sa mère l’attendait devant la voiture, il les salua et s’en alla la rejoindre.

Mariette s’emporta.

— Qu’est-ce qui t’a pris de balancer des fadaises ? J’ai bien vu ce matin qu’il te plaisait ce mec !

— Un fermier ? Tu rêves !

— Je parie que s’il participait à l’émission L’amour est dans le pré il aurait des sacs de courrier à ne plus savoir qu’en faire.

Léonie haussa les épaules et pensa que même s’il était beau gosse, elle le laissait à sa Rosalie. Les odeurs de grange et de fumier, ce n’était pas pour elle.

Sur le chemin du retour, Léandre tenait un discours différent.

— Tu n’as rien trouvé de mieux à faire que de me jeter dans les bras de cette coiffeuse ? Pour ta gouverne, apprends qu’elle n’aime pas les agriculteurs.

— Qu’en sais-tu ?

— Elle me l’a dit.

— Souvent Femme varie. C’est bien connu !

Un message apparut sur l’écran. Josette qui ne maitrisait pas le Bluetooth s’insurgea :

— Qu’est-ce que c’est encore ?

Curieuse, elle découvrit :

— Tu t’es inscrit à une application de rencontres ?

— N’importe quoi !

— Si regarde ! Je te lis Bravo, vous avez réussi votre premier rendez-vous. Vous êtes sur le chemin du bonheur. Cupidonetmoi.com.

— Putain ! il l’a fait le bougre ! Il le savait pourtant que je n’étais pas d’accord !

— De quoi parles-tu ?

— Marc ! C’est lui qui m’a inscrit.

— C’est une bonne idée, je le féliciterai dès que je verrai. Mais de quelle rencontre s’agit-il ?

Elle regarda son fils.

— Ne me dis pas que toi et la coiffeuse ? Tu m’as bien eue !

— Tu te fais des films, je n’ai eu aucun rendez-vous !

— Tu m’en diras tant ! Quand ton père saura ça !

Léandre tapa sur le volant.

— Tu ne racontes rien, parce qu’il n’y a rien. OK ? Ah ! il va m’entendre, Marc !

Arrivé à la ferme, il freina brusquement et sortit de son véhicule, très remonté après son ami.

****

Léonie et Mariette déjeunaient ensemble quand le bip d’un SMS retentit sur le portable de Léonie.

— C’est un message de l’application Cupidonetmoi.com.

— Fais voir !

Mariette lut à haute voix.

— Bravo, vous avez réussi votre première rencontre. Vous êtes sur le chemin du bonheur. Cupidonetmoi.com. Mais de quelle rencontre parle-t-elle ?

— Je n’en sais rien. Je n’ai pas été convoquée à un… speed dating, c’est ça ?

— Tu n’as pas loupé un truc ?

— Mais non ! Tu vois, cette application ne fonctionne pas. Elle envoie des messages comme ça à tous ses clients, mais elle ne les suit pas. C’est du bidon !

Mariette qui ne lâchait rien rétorqua en lui faisant un clin d’œil.

— Peut-être que le rendez-vous était avec ton agriculteur ?

— Mais ce n’était pas un rendez-vous ! Et puis franchement, tu me vois avec lui ?

— Pourquoi pas ? Qu’est-ce qui te gêne ? Ses combinaisons vertes ? Sa vache ? Son parfum ? Je te garantis qu’il ne sentait pas le fumier. Je parierais même pour un Giorgio Armani.

— Jamais je ne craquerais pour lui. Je n’ai pas envie de me réveiller au chant du coq.

****

C’est Marc qui appela le premier Léandre.

— Ce n’est pas une bonne idée qu’a eue le maire ? Organiser une journée découverte en juin, avec tous les métiers des habitants de la commune. Elle se terminera par un pique-nique géant. La première réunion est ce vendredi. Tu viendras ?

— Tu tombes bien toi ! Je voulais justement te parler.

— Plus tard ! On s’inscrit ? La reconnaissance de notre travail enfin !

Gagné par la bonne humeur de son ami, Léandre donna son accord.

Léonie était à nouveau pied d’œuvre quand un jeune garçon distributeur de prospectus entra dans le salon et lui en laissa un. Elle le parcourut des yeux.

— Tu vas y aller ? demanda Mariette

— Je peux m’inscrire et décider ensuite. Une journée de découvertes, pourquoi pas ?

Jonathan Playelle face à son écran géant écoutait la voix qui fredonnait :

— C’est un beau roman, c’est une belle histoire…

À suivre …

Romance : Cupidonetmoi.com

Chapitre 4

Léandre malmenait son 4×4. Josette à ses côtés ne disait pas un mot et se tenait fermement à la portière. Quand l’église au bout de la rue apparut, elle soupira d’aise.

— Tu peux me laisser là, je me débrouillerai.

— Je vais me garer ! Tu as ton portable ? Je rentrerai à la ferme dès que j’aurai réglé cette affaire.

Josette contempla son fils à la dérobée. Les dents serrées, le regard ombrageux, il était en colère.

Elle ne répondit pas, mais posa sa main sur son bras.

— À tout à l’heure.

Le véhicule garé, elle descendit et partit de son côté.

Léandre ne traina pas. Il allait voir de quel bois il se chauffait ce coiffeur.

C’est Mariette, la première, qui remarqua l’homme devant la vitrine. Elle s’approcha de Léonie et murmura :

— Ce n’est pas le beau gosse de l’affiche ?

Léonie leva les yeux. Elle appliquait une couleur à Amélie Pardout alors que l’agriculteur entrait dans le salon.

Mariette vint au-devant de lui.

— Bonjour monsieur ! Vous désirez un rendez-vous ?

Surpris de ne trouver que des femmes, il ne répondit pas immédiatement, ce qui eut le don d’agacer Léonie. Elle s’excusa auprès de sa cliente et s’avança vers lui.

— Vous cherchez quelque chose ?

En effet, Léandre parcourait les murs et la vitrine du regard. Aucune affiche de Rosalie n’y était. Ses yeux rencontrèrent alors ceux de Léonie.

Léandre avait pris soin de prendre une capture d’écran du portable de sa mère. Il lui montra.

— Pouvez-vous m’expliquer ?

Mariette et Léonie se penchèrent sur la photo. Léonie à son tour sortit son téléphone.

— Et vous ?

Il se souvenait vaguement avoir participé à une campagne de publicité pour la promotion des produits laitiers, il y avait de ça un ou deux ans. Pourquoi cette affiche remontait-elle à la surface ?

Sa colère retomba d’un coup et il sourit.

— Je crois que nous sommes tous deux victimes d’une blague. Une caméra est peut-être cachée dans votre salon sans que vous le sachiez !

Léonie subjuguée par le sourire de son interlocuteur resta muette. Mariette la poussa du coude pour qu’elle réagisse.

— Dans tous les cas, cette farce ne vient pas de moi.

Elle redevint la professionnelle qu’elle était et dit :

— Veuillez m’excuser, ma cliente m’attend.

Léandre fit un signe de tête et s’en alla. Il riait encore quand il déverrouilla son 4×4. Il saisit aussitôt son portable et appuya sur le numéro de son meilleur ami qui décrocha rapidement.

— Marc ? Bravo, pour ta blague. J’ai eu l’air malin ce matin.

Silence.

— Marc ? Arrête de faire ton imbécile. Tu vas chez le coiffeur toi ?

— Tu as abusé de l’eau-de-vie au petit déjeuner Léandre ?

Il entendait clairement Marc se moquer de lui.

— C’est bien toi qui as envoyé une affiche de moi à cette fille ?

— Mais de quoi parles-tu ? Je ne comprends rien à ce que tu racontes.

Léandre réalisa qu’il faisait fausse route.

— Laisse tomber ! C’est encore une blague idiote. À bientôt

— On en discute plus tard si tu veux !

— D’accord, Marc. Bonne journée.

Amélie Pardout sourit dans le miroir.

— Je le connais, Léandre Castillo. Un gentil garçon ! Dommage qu’il soit toujours célibataire !

Mariette et Léonie se regardèrent alors que la cliente reprenait :

— C’est y pas malheureux à quarante ans d’habiter tout seul dans sa grande ferme.

Une autre se mêla à la conversation.

— Le Léandre ne vit pas seul. Le père Castillo a encore bon pied bon œil.

— C’est sûr ! Heureusement qu’il est là pour l’aider. Il a un beau cheptel de vaches limousines. Il n’est pas souvent disponible pour faire la fête.

— Tiens… quand on parle du loup…

Josette Castillo entrait dans le salon. Léonie s’approcha d’elle.

— Bonjour, madame, vous souhaitez un rendez-vous ?

Josette répondit à son salut.

— Vous auriez de la place ce matin ? J’aimerais bien une petite coupe.

Mariette était libre, elle l’invita à s’installer.

— Bonjour Josette ! Ton fils est venu nous rendre visite tout à l’heure ! Ce n’est pas souvent qu’on le voit en ville.

— Bonjour Amélie.

Amélie Pardout était la gazette du village. Josette la connaissait depuis l’école primaire.

— Il n’avait pas l’air content, pas vrai Madame Capdabelle ?

Léonie refusa d’entrer la conversation, mais Josette l’interrogea.

— Il n’a pas été désagréable au moins ? Quand il s’agit de Rosalie, il n’est pas tendre.

Mariette, devant le silence de sa patronne, souhaita en savoir davantage.

— En effet, il semblait furieux. Madame Capdabelle avait reçu hier une affiche le concernant. Ils se sont expliqués. Soyez rassurée.

— Rosalie, il la connait depuis longtemps. Je lui répète tous les jours que ce n’est pas normal d’y être si attaché. Il ne peut pas faire un pas sans qu’elle le suive.

Léonie songea qu’elle aimerait bien qu’un homme soit avec elle de cette façon.

— En tout cas, elle n’était pas avec lui ce matin.

— Encore heureux, répondit en riant Josette. Elle est quand même assez imposante pour venir jusqu’ici. Les salons de coiffure ne sont pas pour elle.

Amélie et l’autre cliente se joignirent à la gaieté générale alors que Léonie et Mariette étaient offusquées. Se moquer ainsi de la compagne de son fils, n’était pas sympathique. Si elle était un peu enrobée, elle n’était pas la seule. Mariette qui était aussi curieuse qu’une fouine demanda :

— Mais vous ne nous aviez pas dit qu’il était célibataire ?

Josette essuyait ses yeux. Imaginer Rosalie dans le salon lui avait donné un fou rire incontrôlable.

— Bien sûr qu’il est célibataire. Il faut toujours que Rosalie mette son grain de sel !

Léonie se représenta une femme jalouse et plaignit aussitôt le bel agriculteur. Mariette qui avait terminé le shampoing de Josette l’invita à changer de place. Les deux amies discutèrent entre elles.

— Il devrait s’en séparer !

— Pourquoi donc ?

— Il en tirerait un sacré prix.

— Vendre Rosalie ? Tu n’y penses pas !

Léonie sentait la colère gronder et se mêla à la conversation, indignée.

— Encore heureux ! Vous n’avez pas honte de parler ainsi de la compagne de votre fils ?

La réflexion stoppa net la discussion des deux femmes. Le fou rire de Josette reprit de plus belle. Amélie qui n’était pas en reste la taquina.

— Tu as raison Josette, ce n’est pas gentil. Si Rosalie savait ça, elle te fouetterait avec sa queue.

Léonie ouvrit de grands yeux. Josette répondit, malicieuse.

— Parfois, elle nous réveille ? Si Léandre n’est pas à l’heure pour la tirer ? Elle rappelle à l’ordre.

Mariette éclata de rire, alors que Léonie outrée rugissait.

— La vie privée de votre fils ne nous concerne pas.

Josette fit un clin d’œil à Amélie.

— Il vous plait Léandre pas vrai ? Il est beau, il est gentil.

— Oui, mais il n’est pas libre, répondit Léonie en soupirant.

Les rires se turent. Josette rencontra le regard de Léonie.

— Il faut que je vous avoue quelque chose. Rosalie est une vache !

L’ordinateur de Cupidonetmoi.com clignotait. L’application serait humaine qu’elle se frotterait les mains de plaisir.

Romance : Cupidonetmoi.com

Chapitre 3

Le jour suivant, Léonie mit un point d’honneur à ouvrir son salon plus tôt que d’habitude. Elle en profita pour rechercher les grains de poussière. Les cheveux coupés avaient la fâcheuse habitude de se cacher partout. Un bip sur son portable la prévint qu’un message venait d’apparaitre.

Mariette arriva à ce moment-là et les deux amies s’embrassèrent.

— Tu es bien matinale, ma jolie !

Mariette enleva son manteau et l’accrocha dans la penderie réservée à cet effet.

— Je pensais ouvrir avant toi et te faire la surprise de t’apporter le croissant tout chaud de chez Chris et son fournil mais je vois que tu m’as devancée. Qu’est-ce que tu regardes ? demanda-t-elle, curieuse.

— Une pub que je viens de recevoir.

— Montre !

Elle se pencha sur l’écran de Léonie.

— Tu t’intéresses à l’agriculture maintenant ? Remarque, il est beau gosse le mec !

En effet, un homme habillé d’une combinaison verte à la fermeture éclair blanche posait à côté d’une énorme vache à la robe claire. Comme Léonie ne répondait toujours pas, Mariette lui mit la viennoiserie sous le nez.

— Je prépare le café ? On va le prendre en haut ! Je ferme la porte à clé, il reste un quart d’heure avant l’ouverture.

Elle regarda le planning et dit :

— Les deux premières clientes arrivent plus tard, nous avons le temps. Tu viens ?

Léonie sortit de sa léthargie et la suivit.

— Merci pour le croissant.

— Je t’ai connue plus bavarde !

Mariette ne s’offusqua pas davantage du silence de son amie et monta l’escalier qui menait à son appartement.

— C’est cette photo qui te turlupine ? demanda Mariette en disposant les mugs sur le comptoir de la cuisine américaine.

— Je ne comprends pas pourquoi elle est apparue sur mon écran. Je n’ai pas fait de recherches sur les vaches ou le lait.

— C’est juste un spam, reprit Mariette. Tu ne vas pas te mettre des nœuds au cerveau ! C’est le beau gosse qui te plait.

— Moi avec un agriculteur ?

— Qu’as-tu contre eux ?

— Rien de particulier, mais avant que je craque pour un homme qui garde des ruminants, les poules auront des dents.

— Joli ! tu vois es déjà dans l’ambiance petite maison dans la prairie, remarqua Mariette en riant.

Léonie se joignit à elle en croquant dans son croissant. Puis elle jeta un coup d’œil à la pendule murale et s’écria :

— Pour finir, nous allons être en retard ! Hop ! au boulot !

****

Cette fois-ci, Léandre Castillo n’avait pas loupé l’heure et ses vaches étaient sorties dans le pré. Son père l’invita à venir prendre le petit déjeuner chez lui. Sa mère, Josette, était à pied d’œuvre et un pot-au-feu mijotait déjà. La bonne odeur des légumes qui bouillonnaient le cueillit dès qu’il entra.

— Bonjour maman !

Elle tendit sa joue et sourit.

— Je me suis mise en avance. Pourrais-tu m’emmener en ville ? Ton père ne peut pas, il a besoin de la voiture. Je le soupçonne de le faire exprès d’ailleurs.

Francis Castillo s’attabla et maugréa :

— Je ne sais pas ce qu’elle a depuis ce matin. Elle a reçu un message sur son téléphone qui vante l’ouverture d’un nouveau magasin et elle a décidé d’aller en même temps se faire belle.

— Pourquoi la critiques-tu, papa ? Elle n’a pas beaucoup l’occasion de sortir. Pour une fois qu’elle en émet l’envie, laisse-la faire. Donne-moi ton heure et je t’y conduirais.

Léandre versait le café dans les bols. Il attrapa une tranche de pain et la tartina de confiture de prunes.

— La confiture c’est pour les filles, remarqua son père ! Prends du boudin !

Josette vint les rejoindre et glissa son portable vers Léandre.

— Regarde, tu pourrais peut-être trouver ton bonheur là !

Léandre se pencha sur la publicité et haussa les épaules.

— Une boutique de vêtements ! Tu rigoles ? Je ne te plais pas habillé comme ça ?

Il regarda mieux.

— Quelque chose t’intéresse ? demanda Francis en découpant un morceau de charcuterie.

Il ne répondit pas, hypnotisé par l’image face à lui. Il interrogea sa mère.

— Qu’est-ce que fait Rosalie sur ton portable ?

— Pardon ?

Josette ajusta ses lunettes.

— C’est une vache !

— Non ! c’est MA vache ! Peux-tu m’expliquer pourquoi elle est placardée sur la vitrine d’un coiffeur ?

Francis éclata de rire. Le couple se regarda. Ils sentaient la mauvaise humeur de leur fils grimper.

— Dans une demi-heure, ça te va Léandre ?

Comme il ne répondait pas, Josette répéta sa question.

— Tu m’écoutes ?

Elle avait posé sa main sur son bras. Il leva la tête et grommela :

— Je vais me changer et je vais la trouver cette boutique ! Encore un coup contre nous les agriculteurs !

Il les planta là. Francis murmura :

— Depuis quand s’habille-t-il autrement pour juste t’emmener en ville ?

Elle montra la photo à son mari.

— Tu la reconnais toi la Rosalie ? C’est sûr qu’il va être en colère si c’est elle !

****

Alice Colargol, assise face à son ordinateur, consultait ses fiches.

— Jonathan, il y a un problème.

La voix virtuelle répondit à sa place.

— Non, Alice, il n’y a pas de problème.

— Le couple que tu viens de réunir ne pourra jamais s’entendre, c’est insensé !

— Je suis programmée pour choisir les âmes sœurs. Je ne me trompe jamais.

— Tu peux laisser parler Jonathan s’il te plait ?

Alice s’énervait parce qu’elle avait l’impression de ne plus maitriser l’application depuis la coupure d’électricité de l’autre jour.

Jonathan tenta de la calmer.

— Pourquoi penses-tu que ce couple ne peut pas fonctionner ?

— Je ne me trompe jamais. Cupidoneetmoi.com est la meilleure application de rencontres. Je sais ce que je dis, je ne me trompe jamais. Vous allez me mettre en colère. Jonathan, fais quelque chose. J’ai chaud !

L’ordinateur se mit à clignoter. Alice regarda son informaticien.

— Tu comprends bien qu’elle n’est pas normale ? Elle répète sans arrêt les mêmes phrases.

Il entra de nouvelles données, mais rien n’y fit. Il regarda sa directrice et haussa les épaules.

— Laisse-la faire. Finalement, je suis content d’avoir réussi à créer une application qui devient indépendante.

— Mais enfin Jonathan, nous allons perdre toute crédibilité face à nos clients.

— Il n’y a pas mort d’homme non plus, Alice !

— Je ne suis pas programmée pour faire mourir les gens, reprit la voix, mais pour rassembler deux cœurs solitaires. Cupidonetmoi.com c’est l’amour assuré. C’est toi qui l’as dit !

Alice se laissa aller dans son fauteuil en soupirant tandis que Jonathan se frottait les mains. Il voyait déjà les gros titres des journaux Un jeune développeur crée une machine révolutionnaire. Il allait devenir riche, il le sentait.

La voix reprit, calmant aussitôt ses ardeurs.

— Je suis programmée pour faire le bonheur. Le malheur n’existe pas dans mon ADN. Je sais à quoi tu penses, oublie !

Jonathan comprit l’avertissement. L’ordinateur face à lui s’éteignit.

— Qu’est-ce qu’elle voulait dire encore ? gémit Alice.

— Rien, ne t’inquiète pas !

Alice saisit les deux fiches que l’imprimante avait sorties. Perplexe, elle contempla la vache qui la regardait d’un air bravache. Qu’est-ce que cet animal faisait dans la machine ?

À suivre…