Journal de Marie-Sophie et Archibald

Bonjour toi 😉

Te souviens – tu ? Héloïse était apparue dans cette histoire ici. La Plume s’interrogeait.

Voilà Voilà, tu retrouveras Héloïse chez Marie-Sophie, grâce à la petite sorcière Elsbeth Isobel ici. La Plume va donc faire un mix avec les trois histoires, ceci pendant le mois d’octobre, parce que c’est le mois des sorcières 😂.

Voilà donc le journal de Marie-Sophie et d’Archibald.

Marie-Sophie

— Tu y crois toi aux anges gardiens ?

Lorsqu’Enzo m’avait posé cette question, j’allais partir à la boulangerie. J’étais déjà en retard, Archibald était venu me retrouver dans ma chambre et après je m’étais rendormie. C’était Mélusine qui avait frappé à ma porte en me demandant si tout allait bien. Quand elle était entrée, elle n’avait pu cacher son sourire narquois. Je lui avais balancé mon oreiller à la tête, elle l’avait esquivé en se sauvant dans le couloir.

Mon filleul tenait un bout de baguette tartiné de confiture dans sa main. Il en était barbouillé et sa mine me fit rire. Il était craquant ce petit bonhomme et parfois je regrettais le bébé que j’avais perdu.

— Tu sais comme Mimi Mathy dans Joséphine.

Enzo adorait cette série. Mélusine et lui la regardaient en replay.

— Tu crois que Héloïse, la petite fille qui vient d’une autre histoire en est un ?

Stupéfaite, je restai muette. Je n’aimais pas le laisser sans réponse à ses questions, mais j’étais vraiment en retard. Archibald allait s’inquiéter et surtout la boutique n’allait pas s’ouvrir toute seule.

— Écoute mon chéri, je n’ai malheureusement pas le temps de…

— Je pars avec toi, comme ça je verrai Parrain.

— Et comment reviendras-tu ? Où est maman ?

Mélusine s’encadra dans la porte. Elle avait dû entendre notre conversation.

— Je passerai le reprendre en allant porter mes livraisons. J’ai aussi tout le matériel d’Halloween pour décorer la boulangerie. Archibald est d’accord.

Je n’étais pas fan de cette fête païenne, mais nous avions fait un sondage dans le village et les gamins avaient tous répondu présents.

Du coup, Mélusine avait tout confectionné elle-même. Archibald avait imaginé un pain en forme de citrouille et lui avait mis deux yeux avec des noisettes. Nous avions été les premières à le goûter, c’était délicieux comme tout ce qu’il faisait. C’était une surprise, personne à part nous étions au courant.

Je partis donc avec Enzo qui gambadait autour de moi.

— Alors tu y crois ?

Il ne lâchait rien.

— Nous avons effectivement chacun un ange gardien.

— Moi aussi ! Vrai de vrai ? Comment il s’appelle ?

Je ne le savais pas, mais Enzo trouva vite la solution.

— C’est Héloïse. Pas grave si c’est une fille ?

Je lui suggérai de lui demander si elle était d’accord. Que n’avais-je pas dit là !

— Ah oui et comment je fais, moi, pour lui parler ? Je te rappelle qu’elle n’est pas dans notre histoire.

— C’est bientôt Halloween, peut-être que si elle est un peu sorcière tu…

— Une sorcière ne peut pas être un ange gardien, marraine, c’est pas possible.

— Les gentilles sorcières peut-être !

Je lui fis un clin d’œil. Il saisit ma main et levant sa tête vers moi, il dit :

— D’accord, on va faire comme si !

Intriguée, je lui demandais :

— Pourquoi voulais-tu qu’elle soit un ange gardien ?

— Pour que Célestine aille mieux et qu’elle se rappelle de pépé Charles. Tu ne vois pas comme il est malheureux depuis qu’elle ne veut plus habiter avec lui parce qu’elle dit qu’elle ne le connait pas ?

Je savais bien que l’histoire de Célestine perturbait Enzo. Depuis son malaise, la compagne de pépé Charles ne se rappelait plus de lui. Décidément, dans cette famille, les souvenirs disparaissaient souvent. Morgan accueillait donc sa maman chez lui depuis qu’elle était sortie de l’hôpital. Elle semblait aller bien, mais seul son fils avait grâce à ses yeux.

Pépé Charles, malheureux, avait vieilli d’un coup. Il marchait voûté, avait perdu son sourire et sa joie de vivre.

Archibald

Ah la voilà, ma petite chérie, accompagnée de notre filleul. Sacré bonhomme. Ces jours-ci, il ne cessait de me parler de cette Héloïse sortie de je ne sais quelle histoire. Il s’était mis dans la tête qu’elle pourrait être un ange gardien et n’en démordait pas. J’étais certain qu’il était encore sur ça avec Marie-Sophie.

Je n’y croyais pas du tout à cette gamine venue d’on ne se sait où.

Marie-Sophie vint m’embrasser, s’excusa pour le retard et s’empressa de se changer pour ouvrir la boutique.

J’emportais les corbeilles de pain tout chaud et commençais à les installer sur les étagères. Je ne me lassais pas de ce parfum. Enzo m’aidait en babillant. J’adorais ce gosse et je ne pouvais m’empêcher de penser qu’un jour peut-être, nous aurions Marie-Sophie et moi, un enfant à nous.

Marie-Sophie nous rejoignit et je lui fis remarquer qu’elle était belle. Elle rougit alors qu’Enzo éclatait de rire.

 — C’est vrai et Marraine que t’es belle et tu sens bon.

— Stop les garçons ! Allez, on ouvre et c’est parti pour une nouvelle journée.

Je les abandonnai et rejoignis mon laboratoire et surveillai la cuisson de mes baguettes. Et c’est alors que je la vis…

© Isabelle-Marie d’Angèle

À très vite…

Journal de Marie-Sophie et Archibald

Bonjour toi 😉

Marie-Sophie

Célestine est hospitalisée. Pépé Charles avait frappé à la fenêtre de la cuisine, complètement affolé. Elle avait fait un malaise alors qu’ils prenaient leur petit-déjeuner. J’étais en train de boire mon café. Aussitôt, j’avais appelé le Samu. Charles n’avait pas pensé à prévenir Morgan, c’est moi qui ai couru chez lui. Il était torse nu quand il était sorti dans le jardin dès qu’il m’avait aperçue. Je notais ça alors que ce n’était pas du tout le moment. Parfois, le cerveau est bizarre.

Charles est monté dans l’ambulance des pompiers. J’ai suivi avec ma voiture en compagnie de Morgan. Mélusine a prévenu Archibald.

Célestine était gardée en observation. Je regardais pépé Charles qui avait vieilli d’un coup. La peur de perdre sa compagne l’avait saisi.

Morgan restait avec sa maman tandis que je ramenai Charles. Gabriel qui était de garde lui avait conseillé de rentrer. C’était inutile d’attendre, il devait prendre soin de lui. Ils n’étaient plus tout jeunes et à leur âge, il valait mieux éviter les émotions fortes.

Sur le retour, il posa sa main sur ma jambe :

— Tu dois profiter de ton nouveau bonheur Marie-Sophie, d’un coup, il peut t’être enlevé.

Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire.

— Ne fais pas l’idiote, tu crois que je n’ai pas vu que tu es en couple avec Archibald ? Je me lève tôt tu sais, et ta chambre donne sur le jardin. Tu n’accroches pas tes volets, il te rejoint avant de partir. Es-tu heureuse ?

— Oui, répondis-je d’une petite voix.

— Alors tout va bien et profites-en avant qu’il ne se sauve, le bonheur c’est fragile, il faut en prendre soin.

Il se tut et ferma les yeux. J’ai cru qu’il s’était endormi, mais il dit :

— Il y a quelques jours qu’elle ne sentait pas bien, elle se disait fatiguée. Je n’aurais pas dû l’écouter et appeler Gabriel. Elle n’avait pas voulu. Elle est têtue comme une bourrique !

Mélusine m’attendait sur le pas de la porte. Enzo était avec elle. Je lui racontai ce que je savais. Pépé Charles est rentré chez lui, il paraissait exténué. J’ai tenté de l’accompagner, il a refusé.

— Petite, je dois m’habituer à rester seul. J’en aurai profité quelque temps.

— Mais qu’est-ce que tu me chantes là, Célestine va revenir, Gabriel ne semblait pas inquiet.

Il haussa les épaules et me renvoya chez moi.

J’interrogeai Mélusine.

— Si j’appelais Gabriel, il en sait peut-être davantage ?

Je n’eus pas besoin de le faire, mon portable vibra. C’était Morgan. Célestine, très confuse ne le reconnaissait pas. Elle allait devoir subir toute une batterie d’examens.

— Comment vais-je annoncer ça à Charles ?

Mélusine entoura mes épaules, Enzo se blottit contre moi et lâcha :

— Ne sois pas triste, marraine. Je suis sûr que ce n’est pas grave. Je n’aime pas quand tu n’as pas le sourire. C’est pour ça que parrain vient dans ta chambre le matin, pour te faire rire ?

Tu parles d’un secret bien gardé ! Mélusine pouffa.

— Ben quoi qu’est-ce que j’ai dit ? demanda Enzo.

© Isabelle-Marie d’Angèle

À très vite…

Journal de Marie-Sophie et Archibald

Bonjour toi 😉

Marie-Sophie

L’été était passé à une allure grand V. Les deux mois avaient filé sans que je m’en rende compte. Les touristes avaient afflué et la boulangerie n’avait pas désempli. Archibald avait finalement recruté une jeune femme à mi-temps pour les jours où je partais avec le food truck. Elle s’appelait Maddi Artola et était une amie de François. Il nous l’avait chaudement recommandée et nous n’avons pas été déçus.

Je me regardai dans le miroir de la salle de bains. J’affichai un sourire béat qui ne me quittait pas. C’était arrivé comme ça, un soir…

Archibald et moi étions rentrés à pied comme d’habitude. Je lui racontais ma journée, il faisait de même. Soudain, j’entendis une cavalcade derrière moi. Instinctivement, je saisis la main d’Archibald, un troupeau de moutons dévalaient le sentier. La bergère et son chien suivaient. Elle nous salua en s’excusant de nous avoir fait peur, mais les clôtures du pré ayant été endommagées, elle ne pouvait y laisser ses animaux. C’était un voisin qui l’avait prévenue parce qu’une brebis, plus curieuse que les autres, s’était aventurée sur la route.

Le troupeau était passé, mais Archibald n’a pas lâché ma main et je n’avais rien fait pour lui reprendre. Je savais que nous pouvions emprunter un sentier pour gagner du temps. Nous ne le faisions jamais, parce que nous préférions rester sur le chemin habituel, mais ce soir-là, il s’y engouffra m’entrainant avec lui. Comme deux gamins, nous éclatâmes de rire en courant sur ce sentier dérangeant les petits animaux. Puis, il s’arrêta. Il saisit mon visage entre ses mains, plongea ses yeux dans les miens, cherchant peut-être une réponse à sa question. J’avais le cœur qui battait la chamade et je sentais le sien s’affoler également contre le mien. Il approcha sa bouche de la mienne. Je le connaissais par cœur, mais je n’avais jamais été aussi près de ses lèvres.

J’eus peur de ne pas aimer. Pas facile de passer du stade de meilleur ami à… amant.

Oui, ce soir-là, tout bascula et depuis, j’avais les étoiles plein les yeux. Pourtant, il m’avait fait jurer de ne rien raconter à personne, même pas à Mélusine. Il voulait que ça reste notre secret, pendant un certain temps. Je lui promis et je me rappelai encore son rire.

Il m’enleva les brindilles accrochées à mes cheveux, je me souviens de ses mains si caressantes. Jamais je n’aurai imaginé qu’il pouvait les avoir si douces. C’est alors que je regrettai tout ce temps perdu.

Quand nous sommes rentrés à la maison, il n’y avait personne. Mélusine était chez François. Notre secret ne fut pas éventé.

Et depuis, les jours passaient et nous agissions comme si de rien n’était. Archibald n’hésitait pas à venir me rejoindre dans ma chambre, je n’avais pas encore osé le retrouver. C’était facile pour lui, il se levait tôt, il suffisait qu’il décale son réveil et il s’arrêtait à ma porte.

— Je peux entrer ?

Je fis signe à Mélusine qui se planta devant moi.

— Dis-moi, c’est parce qu’il fait les viennoiseries qu’Archibald se lève aux aurores ? Je ne dormais pas, il faisait trop chaud. Il est descendu de bonne heure.

Je baissai la tête pour qu’elle ne voie pas mon sourire et fis celle qui n’avait rien entendu.

— Figure-toi qu’Enzo voulait lui demander quelque chose hier matin, et il n’était pas dans sa chambre.

— Enzo se lève si tôt ?

Je finissais de me coiffer et passais devant elle pour aller préparer le petit déjeuner.

Archibald arrivait et il déposa les viennoiseries toutes chaudes sur la table.

Archibald

Depuis que MarieSophe était devenue ma femme, même si nous ne sommes pas mariés, je la trouvais encore plus belle.

Ce matin-là, Mélusine me cueillit par surprise dans la cuisine.

— Salut toi ! tu te lèves bien tôt ! Je t’ai entendu.

— Il fait chaud, je ne dors pas bien ici, à la boulangerie il fait plus frais.

— Mais bien sûr, ricana-t-elle, avec tes fours allumés, tu m’en diras tant. Avoue plutôt que tu t’es trouvé une petite copine et que tu vas la retrouver.

Elle rit et se tourna vers Marie-Sophie. La chipie avait les yeux qui pétillaient.

— Tu ne sais rien toi ? lui demanda-t-elle.

Marie-Sophie haussa les épaules. Mélusine insista :

— On la connait ?

— Tu affabules, tu crois sincèrement que j’ai le temps pour ça ?

— C’est vrai que tu ne vois personne, à part nous, mais tu dois bien avoir envie parfois de…

— Je n’ai pas l’intention de venir dans vos lits les filles, je me débrouille.

J’éclatai de rire et enchainai :

— Voilà le petit déjeuner, donnez-moi votre avis.

Je quittai aussitôt la cuisine, regrettant de ne pas embrasser Marie-Sophie, mais c’est Pépé Charles qui me topa dès que je franchis le portail du jardin.

— Salut mon garçon !

Lui c’est l’inverse qu’il avait remarqué.

— Dis-moi, tu pars plus tard non, le matin ? Si tu dors davantage, tant mieux.

Pourquoi ai-je eu l’impression qu’il se moquait de moi ? Il me tapa sur l’épaule, me fit un clin d’œil et s’en alla en sifflotant.

Pas facile de cacher ma joie et mon bonheur. J’étais certain que tout le monde savait… je souhaitai vraiment garder notre secret. C’était tout neuf et je savourai ces moments volés.

Alors que j’arrivai à la boulangerie pas encore ouverte, j’aperçus Gabriel. Il me fit signe et me rejoignit.

— C’est toi que je voulais voir, dit-il en me serrant la main.

Je l’invitai à entrer dans mon laboratoire.

— Je me demande comment tu fais pour supporter cette chaleur.

— Question d’habitude.

Je revêtis ma tenue blanche attendant qu’il me parle.

— J’ai besoin de ton avis. Il y a un moment que Morgan est rentré et Marie-Sophie semble heureuse. Crois-tu qu’elle soit passée à autre chose et que je pourrai à nouveau tenter ma chance ?

Je pris le temps de répondre sentant une vague de jalousie m’envahir. Je ne connaissais pas ce sentiment et aussitôt je le détestai. La jalousie ? Pas pour moi, je me l’étais promis. J’en avais trop souffert gamin ! je l’interrogeai tout en sortant mes baguettes du four.

— Je pensai que tu avais lâché l’affaire ?

— Hum ! on voit bien que tu n’es pas amoureux toi ! si tu crois que c’est facile !

— Désolé, je ne me doutais pas que tu étais aussi mordu.

Je devais vraiment prendre sur moi pour lui répondre calmement.

— Alors ? Toi qui la connais bien, tu es son meilleur ami, tu dois bien savoir si elle a rencontré quelqu’un ?

J’hallucinai ! Je n’aurai jamais imaginé que Gabriel viendrait me parler de Marie-Sophie de cette façon. Nous n’étions plus des gamins et à l’écouter, j’avais l’impression de me trouver face à un ado.

Il dut s’en rendre compte à mon soupir et haussement de sourcils.

— D’accord, je suis complètement idiot.

— Tente ta chance, tu verras bien.

— Sérieux ? Tu penses que j’ai une chance ?

Je regrettai aussitôt ma réplique à découvrir son sourire béat et surtout d’avoir fait promettre à Marie-Sophie de garder le secret sur nous deux.

© Isabelle-Marie d’Angèle

À très vite…

Journal de Marie-Sophie et Archibald

Bonjour toi 😉

Finalement, j’aime bien le concept d’avoir le point de vue de mes deux personnages au même moment. Je te laisse retrouver Marie-Sophie 😊.

Marie-Sophie

Avec les idées que j’ai en tête, difficile de rester naturelle avec Archibald. Heureusement, les journées sont bien remplies et je n’ai plus seize ans. Encore qu’à cet âge-là, je connaissais déjà Archibald. Maman me serinait que ce garçon l’agaçait. Elle ne voyait pas d’un bon œil ce type qui passait beaucoup de temps à la maison. Mélusine faisait aussi partie de ma vie, mais ma mère trouvait qu’elle était quelqu’un de bien. Archibald, lui, était le bad boy. Celui qui en vieillissant, alors qu’il passait ses examens de boulangerie, venait me faire tester toutes ces créations. Quand il avait ouvert son magasin, maman avait été obligée de remarquer qu’il n’était peut-être pas si infréquentable. Mais elle rabâchait qu’à cause de lui je ne trouverais jamais l’homme de ma vie. Était-ce lui, justement, l’homme de ma vie ?

Mélusine n’a pas dormi à la maison et lorsqu’elle débarque dans la cuisine, je ne peux m’empêcher de rire en la voyant arriver, les cheveux ébouriffés et les yeux cernés, mais elle m’attaque d’entrée :

— Ne t’imagine rien, Enzo a été malade toute la nuit.

Stupéfaite, je demande :

— Où étais-tu alors ? Tu n’as pas couché ici ?

Agacée, elle répond :

— Bien sûr que si, mais tu dormais quand je suis rentrée. J’ai appelé Gabriel et il est venu l’ausculter. Apparemment, c’est une gastro, il a encore dû manger n’importe quoi, gourmand comme il est. Bref, il a dormi avec moi, seulement, Enzo est très remuant la nuit, je n’ai pas beaucoup dormi et de plus, j’étais inquiète.

Je n’ai rien entendu. C’est vrai que j’ai un sommeil de plomb.

— Archibald n’était pas là ?

— Je n’en sais rien, je ne suis pas allée frapper à sa porte. Il était déjà tard et comme je sais qu’il se lève tôt, je n’allais pas le déranger. Tu me sers un café, j’en ai bien besoin. Du coup, je ne pourrai pas t’accompagner dans le food truck, je vais rester avec lui et travailler mes coutures ici. Tu pourras te débrouiller toute seule ?

— Bien sûr, les clients attendront un peu plus avant d’être servis, ils en profiteront pour parler entre eux.

Je n’en reviens pas, c’est Morgan. Mélusine qui l’a reconnu également, murmure :

— Je te laisse MarieSophe.

Il frappa à la porte et attendit que je lui ouvre. Il était là devant moi, je reconnus immédiatement le Morgan d’avant, celui qui m’avait accueilli pour la première fois dans sa chambre d’hôte. Apparemment, l’éloignement lui avait fait du bien. Il souriait et à nouveau, je retrouvai la manière qu’il avait de plisser les yeux quand il me regardait. Mon cœur s’accéléra. Il me tendit la main et m’attira vers lui. Contre lui, je respirai son parfum qui m’avait manqué, je devais l’avouer. C’est ainsi qu’Archibald nous trouva quand il arriva avec le pain frais et autre chose dans la main.

Archibald

Je ne voulais pas me lancer dans la fabrication des viennoiseries alors que je savais parfaitement les fabriquer. Après maintes et maintes fois refusé, j’avais tenté un essai et je voulus en faire la surprise à MarieSophe.

Bien mal m’en a pris, je la trouvai dans les bras de Morgan. Immédiatement, je m’imposai un sourire et ne laissai rien voir de ma déception.

— Morgan ? Quelle bonne surprise ?

Je les vois se détacher et aussitôt je captai le regard de Marie-Sophie. Je la connais suffisamment pour comprendre qu’elle est ravie de le retrouver, mais autre chose aussi est inscrit dans son regard.

Morgan me tendit la main. Quelque chose était changé chez lui et je ne parvenais pas à définir ce que c’était. Dans tous les cas, il semble apaisé et en pleine forme.

— Racontez-moi ! Je ne vous cache pas que Charles m’a mis au courant de tout ce que vous avez entrepris avec le food truck. Cybèle a eu une excellente idée de vous céder son affaire. Vous avez de ses nouvelles ?

Je racontai. Marie-Sophie en profita pour préparer du café. Elle sortit la tasse préférée de Morgan. Depuis le temps qu’il était parti, elle était pourtant restée à la même place.

— Je vais reprendre toutes mes activités et surtout si vous avez besoin de moi, n’hésitez pas. J’ai cru comprendre que mon miel plaisait beaucoup. Je vais retrouver mes ruches et mes chèvres. Vous allez rire, mais mes animaux m’ont fait la fête ce matin.

Je regardai son chien couché à ses pieds.

— Merci à vous tous, j’ai retrouvé ma maison comme si je ne l’avais jamais quitté. C’était une parenthèse que j’ai été obligé de faire.

Il contempla Marie-Sophie qui baissa les yeux.

— Je vous raconterai… ou pas.

Il a avalé son café et posé sa tasse, il nous attrapa tous les deux dans ses bras et nous murmura que nous lui avions manqué et que tout allait bien maintenant.

— Assez de mélancolie, ce n’est pas mon genre, affirma-t-il. Je vais faire un tour au village, saluer tout le monde. Tu viens, le chien ?

L’animal était déjà debout. Morgan nous salua d’un sourire puis s’en alla les mains dans les poches en sifflotant.

— Je suis seule pour le food truck ce matin, dit Marie-Sophie, comme si de rien n’était. Enzo a été malade cette nuit, Mélusine préfère le garder.

Je n’hésitai pas une seconde. Je rattrapai Morgan.

— Ça te dirait de tenir la boulangerie ce matin ? Tu verras tout le monde d’un coup.

Je lui expliquai pourquoi j’avais besoin de lui. Il eut un vrai sourire et me tapa sur l’épaule.

— Très bonne idée, comme ça vous serez tous les deux, ajouta-t-il d’un ton sibyllin.

© Isabelle-Marie d’Angèle

À très vite…

Journal de Marie-Sophie et Archibald

Bonjour toi 😉

Pourquoi ce titre ? Tu comprendras au cours de ta lecture 😉 et surtout n’hésite pas à dire ce que tu en penses 😊.

Marie-Sophie

Il n’était pas bien loin Charles ! Il expliqua à Célestine qu’il retrouvait Morgan régulièrement, histoire de le mettre au courant de ce qui se passait au village.

Pauvre Charles ! Il s’était pris un savon par la mère de Morgan qui n’avait pas compris pourquoi son fils ne lui avait pas fait confiance à elle. Il avait rétorqué qu’elle était trop bavarde et qu’elle n’aurait pas tenu sa langue cinq minutes et m’aurait immédiatement tout raconté. Célestine a été très vexée et a fait la tête à Charles, à tel point qu’il venait souvent déjeuner à la maison. Il repartait tard le soir, quand la lumière de notre voisine était éteinte. Je n’ai pas osé lui poser la question, s’il dormait quand même avec elle ou s’il utilisait le canapé du salon. À son âge, ça n’aurait pas été raisonnable.

Il tenait aussi souvent la boulangerie et bavardait avec les habitants et Archibald. C’est ainsi qu’un jour, je l’ai vu débarquer dans ma cuisine, très énervé.

— Vous n’avez pas assez perdu de temps toi et Archibald ?

Il s’était laissé tomber sur une chaise et m’avait réclamé quelque chose à boire. Il faisait chaud et il transpirait. Je lui versai un verre d’eau qu’il avala d’un trait, puis il posa son regard sur moi, il me détailla des pieds à la tête, ce qui me mit mal à l’aise.

— Quel âge as-tu maintenant gamine ?

Quand il m’appelait ainsi pépé Charles, c’est qu’il allait m’assener quatre vérités bien senties. Je la connaissais bien cette phrase, elle n’annonçait en général rien de bon.

J’étais seule. C’était le tour de Mélusine de tenir la boulangerie et pour une fois, le food truck ne bougeait pas. J’avais ma journée de repos, mais elle commençait mal. Je claculai mon âge, c’est vrai que les années passaient et que je me rapprochais des trente-cinq ans.

— Et Archibald ?

Ah ! nous y voilà ! encore le même refrain, mais ce qui suivit me scotcha.

— Morgan va rentrer. Il n’était pas très loin d’ailleurs. Il m’a dit qu’il pensait t’avoir laissé assez de temps pour réfléchir à ta situation. Je viens de sermonner Archibald, c’est ton tour. Quand est-ce que vous allez enfin réaliser que vous êtes faits l’un pour l’autre ? Même Morgan en est persuadé. Tu ne t’es jamais demandé pourquoi il n’avait pas insisté pour que tu t’installes chez lui ? Au fond de lui, il avait compris tu ne l’aimais pas assez pour vivre avec lui. Il m’a avoué que s’il avait su que tu étais enceinte, il se serait interrogé, étais tu étais prête à abandonner Archibald ? C’est pour cette raison que lorsqu’il a retrouvé la mémoire, il est parti. Il avait trop honte d’avoir pensé que finalement c’était mieux comme ça, tu n’avais pas à choisir. Aujourd’hui, il rentre. Il espère bien que vous resterez amis même si ses sentiments sont plus forts que les tiens.

Lorsque Charles se tut et qu’il me dévisagea, je ne sus quoi répondre. Est-ce que Morgan avait raison ? Est-ce pour ça que je n’avais pas réussi à lui annoncer la nouvelle de ma grossesse ? S’il n’avait pas eu son accident, qu’est-ce qui serait arrivé ? Je me replongeais dans le passé quand Gabriel s’était installé devant chez moi, j’imaginais avoir des sentiments pour lui, mais Archibald était dans mon coeur. C’est pour cette raison que j’avais fui et atterri ici. Seule avec Morgan, je croyais en être tombée amoureuse, mais dès que j’avais retrouvé Archibald, même Gabriel n’avait plus compté. Je pensais à Morgan, mais c’était toujours Archibald qui était dans ma tête.

Seulement, Archibald ne voulait voir en moi que sa meilleure amie.

Au stade où j’en suis de mon écriture, je suis à un carrefour. Aussi, voici le journal d’Archibald à partir de ce moment, son regard d’homme m’aidera peut-être à y voir plus clair. Ma plume ne parvient pas à se décider entre Morgan ou Archibald. Il y a un truc qui cloche quelque part, je ne vois pas lequel. Que pense donc Archibald ?

Archibald

Quelle mouche avait piqué Charles ? Je l’aime bien ce vieil homme. Il fait partie de notre vie à MarieSophe et Mélusine depuis longtemps. MarieSophe en a toujours parlé, je sais qu’elle le considère comme le grand-père qu’elle n’a jamais eu. Il a eu quand même un sacré courage de déménager pour la suivre jusqu’ici, parce que je ne me fais aucune illusion, c’est pour elle qu’il est là, même si Célestine y est pour quelque chose, sans MarieSophe, il aurait été perdu. Il m’a tellement raconté comment le fait de voir quotidiennement la maison fermée puis vendue le rendait malade et triste. Aussi, je n’ai pas compris pourquoi aujourd’hui, il est venu me passer un savon sorti de je ne sais où.

Heureusement que mes mains pétrissent la pâte, ça m’occupe l’esprit. J’entends Mélusine qui bavarde avec un client. Ce n’est pas MarieSophe, mais avec elle, nous formons un chouette trio et notre amitié est tellement solide que…

Je soupirai. J’ai peur ! mes sentiments pour ma meilleure amie, enfin, ai-je encore le droit de l’appeler ainsi, ont évolué et pépé Charles l’a compris. J’ai de plus en plus de mal à faire semblant, mais je m’en veux beaucoup d’avoir été soulagé qu’elle n’ait pas gardé ce bébé. Je sais, je suis un monstre. J’aime bien Morgan, il ne méritait pas ça, je m’étais presque fait à l’idée qu’ils allaient faire un couple, mais quand il a perdu la mémoire et que j’ai vu comment MarieSophe était malheureuse, mes sentiments sont revenus en force et je n’en suis pas fier. J’ai bien essayé de me rapprocher de Cybèle, mais elle a vite compris qu’elle et moi, ça ne marcherait jamais. En plus, elle n’était pas libre. Je me souviens du jour où en riant, elle m’a demandé pourquoi je me mentais à moi-même.

Faut-il être con pour ne pas oser franchir le pas ? MarieSophe est libre, elle ! dès que je la regarde, j’ai le cœur qui s’affole alors que je la connais depuis longtemps. Je la trouve belle, amusante, elle me fait rire et sortir de mes gonds aussi. Elle n’a pas conscience de ce qu’elle renvoie quand elle est face à moi, mon cœur fond de tendresse pour elle. Je l’admire, elle a su parfaitement s’adapter au food truck, elle plait aux clients. Quand, elle ne m’accompagne pas, qu’elle reste à la boulangerie, il ne se passe pas un instant sans qu’on me parle d’elle. Ce qu’elle ne sait pas c’est que souvent, on l’appelle ma femme lorsqu’ on me demande votre femme n’est pas avec vous aujourd’hui ? Elle n’est pas malade au moins ? Et moi, pauvre idiot, vous croyez que je rectifie en disant qu’elle n’est que mon amie ? Non, parce que pendant quelques minutes, elle est mon épouse.

Donc ce matin, Charles est venu me demander quand j’allais enfin me conduire comme un homme ? Le ton est monté, même Mélusine était inquiète, il parait qu’on nous entendait depuis la boutique. Charles m’a laissé en plan et je suis certain qu’il est parti chez MarieSophe, remonté comme une horloge, il n’allait pas s’arrêter en si bon chemin.

Je regarde ma pâte, elle est magnifique. À force d’être pétri, le pain va être encore meilleur, pour une fois que je n’utilise pas la machine, je verrai si je peux le proposer à la vente. Je le ferai goûter à MarieSophe, elle me dira ce qu’elle en pense. Je souris. Décidément, que ferais-je sans elle ?

© Isabelle-Marie d’Angèle (juin 2023)

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Nous étions toutes les deux, Mélusine et moi. Elle m’avait accompagnée dans le food truck, ce qui lui permettait de montrer ce qu’elle confectionnait, avec tous ces bouts de tissus multicolores elle avait du succès. Elle avait des mains de fée mon amie, elle portait bien son prénom, une vraie sorcière.

Entre la vente du pain et ses bavardages, nous n’avons pas vu passer la matinée. Elle avait distribué ses adresses sur les réseaux sociaux et non, elle n’avait pas de boutique physique, juste virtuelle. Il avait fallu qu’elle explique tout ça aux mamies qui ne comprenaient pas toujours, mais dans l’ensemble avec le sourire, elle réussissait à convaincre.

Ravie mon amie, je la regardais noter sur son cahier toutes les commandes qu’elle avait pu faire. Je crois que son plus gros succès était les Tote bags en coton qu’elle fabriquait. Chacune y allait de sa personnalisation, j’étais heureuse pour elle.

Je profitai du calme revenu, midi n’étant pas loin et nous allions remballer, pour faire ma curieuse.

— Comment ça va avec François ?

Elle rit.

 — Je me demandais quand tu allais m’en parler, plutôt bien. Je crois que finalement, je vais en tomber amoureuse, mais je te rassure tout de suite, pas question de vivre ensemble. Je tiens trop à mon indépendance et à notre vie en communauté avec Archibald.

Nous n’avions pas vu un petit groupe de personnes qui s’approchaient avec table de pique-nique et fauteuils. L’un d’eux me demanda :

— Est-ce que ça pose problème si on s’installe ici pour manger vos spécialités ?

Je le reconnaissais. Il avait acheté des sandwichs au fromage de chèvre et au miel.

— Ce serait sympa de déjeuner entre nous, il n’y a pas de bar, ça nous manque un peu de nous retrouver entre amis. Vous n’y voyez pas d’inconvénients ?

Mélusine et moi, nous nous sommes regardées. L’idée ne nous était pas venue, mais pourquoi pas après tout ? Par contre, si nous devions rester plus longtemps que prévu, il faudrait prévenir Archibald que je ne pourrais pas être à l’heure à la boulangerie.

Je contemplai ces personnes d’un certain âge qui s’installaient tranquillement sur la place, devant notre food truck. Nous n’avions que de l’eau à leur offrir, mais ils s’étaient organisés et avaient apporté un petit barricot de vin.

— Vous avez d’autres sandwichs ?

Mélusine s’en occupa, avec le fromage de chèvre et le miel de Morgan, nous pouvions encore un peu assurer, mais bientôt, nous n’aurions plus rien. Je réfléchissais à ce que nous pourrions imaginer pour les prochaines fois.

J’appelai Archibald pour le tenir au courant. Il n’était jamais à court d’idée, il me dit qu’il allait voir avec Saverio. Il avait toujours du jambon basque et du fromage en réserve, pourquoi ne pas lui en acheter ou même utiliser les recettes qu’il proposait à ses clients. Si nous étions en retard, Archibald serait derrière le comptoir et si ça devait se reproduire souvent, il penserait à embaucher quelqu’un à mi-temps.

Le groupe bavardait à qui mieux, riait, et Mélusine et moi voyions bien qu’ils étaient heureux de prendre l’air sur la place tous ensemble.

J’en profitai pour relancer la conversation sur François.

— Il est d’accord François pour vivre séparé ?

— Nous n’avons pas vraiment abordé le sujet, mais je crois qu’il a compris qu’il ne devait pas m’obliger à déménager chez lui. De toute façon, avec ses chambres d’hôtes, il est assez occupé.

— Donc tu n’as pas l’idée de fonder une famille avec lui ?

Elle haussa les sourcils.

— En voilà une drôle de question. Non, je suis bien avec Enzo et la vie que je mène avec toi et Archibald me convient tout à fait. Je ne crois pas que j’arriverai à me détacher de vous deux.

— Et si Archibald tombait amoureux et s’en allait ?

Elle éclata de rire.

— Alors là, ce n’est pas demain la veille qu’il s’en aille.

Je notais qu’elle n’avait pas relevé s’il tombait amoureux. Elle baissa la voix et demanda :

— Et toi MarieSophe ? Tu as oublié Morgan ? Ton cœur est à nouveau libre pour sentir ce qu’il se passe autour de toi ?

— Tu parles de Gabriel ?

— Pas du tout. Lui, ça se voit qu’il en pince pour toi, mais pas toi.

Elle se tourna vers le groupe qui remballait leur table et leurs chaises et qui nous remerciait avec grand sourire de leur avoir permis de s’installer.

— À la semaine prochaine, nous crièrent-ils.

Mélusine les regarda s’en aller et me dit :

— Tu crois que nous devrions faire des frites la prochaine fois ?

— Je ne suis pas sûre que ça marcherait et le food truck n’est pas équipé pour ça. Il faudrait certainement d’autres autorisations.

Nous commençâmes à remballer et sans la regarder je lui racontai la rencontre faite avec le jeune couple Philippine et Georges.  

— Tu te rends compte, ils étaient meilleurs amis, et ils sont devenus mari et femme.

Mélusine ne répondit pas, mais je la vis sourire. Le silence s’installa. C’est elle qui la première reprit :

— Jamais Archibald n’avouera que ses sentiments pour toi ont évolué. Il a bien trop peur de casser quelque chose entre vous.

Ce fut mon tour de rester muette. Je n’avais donc pas rêvé. Archibald ne voyait pas en moi une amie, mais bien plus.

Mélusine posa sa main sur mon bras.

— Et toi MarieSophe ? Ne crois-tu pas que si tu n’as jamais voulu t’installer chez Morgan, c’est aussi à cause des sentiments que tu as pour Archi ? Réfléchis bien, sonde ton cœur, je suis certaine que tu as déjà la réponse. Rien que le fait d’avoir tenté de l’embrasser pour rigoler est une moitié de solution.

— Et si ça ne marchait pas ? Je le connais depuis tellement longtemps ?

— Et alors ?

— Tu ne penses pas que ça changerait quelque chose dans notre fonctionnement à tous les trois ?

— Je serai toujours votre amie, juste vous serez un couple, mais tu sais, tu vas devoir ramer pour qu’Archibald accepter de voir en toi autre chose qu’une amie. Il est fou amoureux de toi, ça se voit comme le nez au milieu de la figure, mais il ne tentera rien.

Nous avions terminé de ranger, nous pouvions repartir. Le retour se fit en silence. Quand nous arrivâmes devant la maison, Clémentine devait nous guetter derrière sa fenêtre. Elle sortit et je compris aussitôt qu’il se passait quelque chose.

— Charles a disparu. Il m’a dit qu’il allait chercher le pain comme d’habitude, Archibald ne l’a pas vu et personne du village non plus.

© Isabelle-Marie d’Angèle

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Quand je relis le journal de Marie-Sophie, je me rends compte que depuis mars, je n’avais rien publié. C’était pourtant écrit. Je l’ai remanié et ajouté des choses. J’aime bien Marie-Sophie, avec elle, les pages de sa vie se tournent comme un livre 😊.

— Comment ça tu as embrassé Archibald ?

La lumière était allumée dans la cuisine de Morgan et comme j’en avais ras le bol de cette situation, j’avais frappé à la porte et dès qu’il m’avait ouvert je lui avais annoncé la nouvelle.

Il me regardait avec des yeux ronds et réitéra sa question.

— Tu as bien entendu, j’en ai assez que tu m’ignores. Je ne te crois plus, avoue que tu ne m’aimes plus, ce sera plus facile pour moi.

— Pourquoi viens-tu me dire ça ? Que veux-tu que ça me fasse ?

Je n’en revenais pas. L’accident l’avait complètement changé.

— Sérieusement Morgan, tu apprends que j’attends un enfant de toi, tu continues à faire comme si de rien n’était et…

Il gronda :

— Je ne te laisserai pas tomber pour élever cet enfant, même je le reconnaitrai. Comment faut-il que je te le dise que je ne me souviens de rien et que tu ne me rappelles rien ?

— Tu sais quoi Morgan, je n’ai pas besoin de toi, je me débrouillerai toute seule. Je ne te demanderai plus rien. Désolée de t’avoir dérangé.

Je tournais les talons et m’enfuis en courant.

Mélusine me vit débouler dans la cuisine, la rage au ventre. Je persiflai :

— Plus jamais, je ne veux lui parler. Tu te rends compte de ce qu’il vient de me dire ?

Je lui racontais tout. Archibald arriva au moment où je lui où je disais que je l’avais embrassé. Mélusine chercha le regard de notre ami, il fit non de la tête en soupirant et passa devant nous pour aller se doucher.

— Mais ? Parle Mélusine, tu me comprends au moins ?

— À propos de quoi ou de qui ?

Je soufflais et ne répondis pas. J’en avais assez de toutes ces histoires. Je changeai de sujet en racontant l’offre de Cybèle.

Soudain, j’eus mal au ventre et me pliais en deux. Affolée, Mélusine appela Archibald. Ils n’hésitèrent pas une seconde, l’un me prit dans ses bras et m’emmena dans sa voiture, l’autre conduisit Enzo chez pépé Charles.

— Je vous retrouve à l’hôpital cria Mélusine.

Je fixais Archibald, les dents serrées, il ne quittait pas la route du regard. Elle ne me parut jamais aussi longue. J’avais peur de perdre mon bébé. J’étais certaine que c’était à cause de Morgan que tout ça m’arrivait, il ne voulait plus vivre parce que son papa ne se souvenait pas de lui. Ma décision était prise, je l’aimerais pour deux. Exit Morgan !

Archibald appela Gabriel. Il était de garde comme souvent, il vint aussitôt à notre rencontre et je fus emmenée rapidement pour faire une échographie. Archibald m’accompagna. Il ne lâcha pas main pendant tout le trajet.

C’était un petit garçon et je l’avais perdu.

Même si le médecin m’affirmait que je pourrais en avoir d’autres, même s’il me disait que c’était la nature qui en avait décidé ainsi, pour moi, c’était parce que Morgan ne me reconnaissait plus.

C’est Archibald qui lui annonça la nouvelle puis à pépé Charles. Celui-ci se précipita aussitôt pour me serrer dans ses bras. Cela fit le tour du village en moins de temps qu’il n’en fut pour le dire.

Je sus par Archibald que Saverio avait passé un sacré savon à Morgan. Il n’avait pas mâché ses mots et lui avait affirmé qu’il avait tout foutu en l’air. Mais était-ce sa faute ? Il avait eu un accident, un point c’est tout. Seulement, le choc lui fit revenir la mémoire et Archibald me raconta que Morgan s’était effondré dans le bar de son ami.

C’est par écrit qu’il s’excusa, il ne se sentait pas le courage de me parler en face. Il s’éloignait pour quelque temps. Sa mère ne savait pas où il était parti, mais moi j’étais certaine qu’elle s’en doutait, elle respecterait le vœu de son fils, elle se tairait. Dans sa lettre, il me demandait de prendre soin de son chien, son chat, ses deux vaches, ses biquettes et si je voulais, je pouvais aussi continuer à faire les marchés, mais je n’étais pas obligée. Je pouvais abandonner son activité de bouquets de fleurs séchées si je ne m’en sentais pas capable. Il se rappelait qu’il m’aimait, mais il écrivait qu’il était trop tard et qu’il ne savait pas comment faire pour réparer ce qu’il avait cassé. Dans ses mots, j’entendais sa voix, je le voyais me dire les yeux dans les yeux, qu’il était très malheureux. Je l’imaginais dans ma cuisine, les bras ballants, me contempler et se taire. Il était comme ça Morgan, tout était dans le regard. Il me répétait qu’il m’aimait et qu’il m’aimerait toujours, mais que je devais l’oublier. Lorsqu’il reviendrait, c’est qu’il aurait accepté que nous puissions être amis.

Alors la vie continua sans lui. Les jours passèrent, les semaines puis les mois. J’organisais mon temps entre la boulangerie, les marchés, les animaux de Morgan. J’avais appris à traire les chèvres, il n’en avait que trois heureusement. C’est François qui s’investit pour fabriquer quelques fromages que j’allais vendre sur le marché. Morgan, notait tout dans un cahier. François suivit les recettes à la lettre. C’était du bricolage, mais je tenais à ce que les affaires de Morgan continuent sans lui et qu’il retrouve tout en bon état quand il reviendrait. Je récoltais le miel alors qu’il y avait quelque temps, j’avais une peur bleue des abeilles. Pour ses vaches, heureusement, il fallait juste les conduire au pré. Elles ne produisaient pas de lait. Au début, elles meuglaient à fendre l’âme, Morgan leur manquait, j’en étais certaine. Alors, je me suis mise à leur parler quand je les sortais de leur étable, je faisais de même en allant les rechercher. Le chien, dont je ne me souvenais plus le nom et personne ne sut me le dire, faisait son travail avec elles. Il accepta de dormir chez moi, je l’appelais en le sifflant. Je lui aurai bien donné le nom de Morgan, mais Archibald m’en dissuada. Le chat, très indépendant, mangeait les croquettes, mais il faisait sa vie, il avait tellement l’habitude de venir dans mon jardin qu’il ne remarqua pas l’absence de son maître, je tentais de m’en persuader. C’est Mélusine qui se prit au jeu des bouquets de fleurs séchées. Manuelle, comme elle l’était, ce fut pour elle un jeu d’enfants. Elle me remplaçait à la boulangerie lorsque je faisais le marché. Aussi le jour où Cybèle revint me voir avec son idée de food truck, je lui avouai que je l’avais complètement oubliée.

Mais Archibald, lui, n’avait pas laissé tomber l’affaire et il avait même bien organisé un planning. Quand j’entendis Cybèle tout me présenter, j’en restais sur le cul. Pourquoi ne pas vendre les fromages de chèvre et le miel dans le food truck ? Archibald avait élaboré des recettes de sandwich avec un nouveau pain. Pourquoi ne pas décorer le camion avec les bouquets ? Quelle entreprise ! Ils avaient pensé à tout.

Morgan était parti et la vie continuait sans lui. J’avais perdu un bébé, je n’étais pas la seule, c’était arrivé à bien d’autres femmes. J’en ai fait mon deuil. Archibald et Mélusine m’entouraient de toute leur amitié et Enzo, mon petit filleul, me comblait de câlins, il portait maintenant le nom de Gabriel. Je savais bien quand celui-ci venait le voir, qu’il recherchait aussi ma présence, mais je ne pouvais pas lui donner ce qu’il voulait. Mon cœur n’était capable d’offrir que de l’amitié. En étais-je vraiment certaine ?

Lorsque je contemplais Mélusine qui baissait peu à peu sa garde avec François, je me demandais quand moi, j’aurai la chance d’avoir ainsi un homme qui prendrait soin de moi ? Je l’avais eu, mais je n’avais pas su saisir le bonheur pourtant à portée de ma main. Peut-être que Morgan n’était pas celui qui m’était destiné. J’avais cette idée dans la tête quand Archibald déboula dans la cuisine.

© Isabelle-Marie d’Angèle (avril 2023).

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Maries-Sophie continue de nous raconter ses déboires.

Les jours défilaient, je dirais même les semaines et j’allais bientôt atteindre le 3e mois de grossesse. Je faisais bonne figure à la boulangerie, mais j’eus vite compris que les habitants savaient que Morgan ne se souvenait pas de moi à leurs regards compatissants. Jamais, ils n’avaient osé m’aborder franchement, mais je voyais bien à leurs sourires et leurs soupirs en prenant leur pain qu’ils étaient de tout cœur avec moi.

Le plus malheureux était Saverio qui chaque matin en venant chercher sa commande me suppliait d’être patiente. Il m’affirmait qu’il n’était pas le seul à parler de moi à Morgan, il tentait de lui raviver sa mémoire en lui racontant des anecdotes nous concernant, mais rien n’y faisait.

J’appris par lui que Morgan était suivi par un psychiatre, qu’il s’y rendait régulièrement et qu’à chaque fois il allait s’accouder à son bar. Il se rendait bien compte que quelque chose clochait quand mon nom était cité chez le médecin.

Gabriel me réconfortait d’autant plus que la date de la première échographie approchait. Archibald et Mélusine s’étaient évidemment proposés pour m’accompagner.

C’était justement aujourd’hui. Fébrile, je me préparais. J’allais peut-être connaître le sexe de mon bébé même si Gabriel m’avait dit que c’était un peu tôt. Mélusine me racontait comment ça s’était passé pour elle. Archibald était avec elle. Je m’en voulais encore d’avoir été absente pour elle. Elle assurait que tout ça, c’était oublié.

Je sirotais mon café devant la fenêtre de la cuisine quand je vis apparaître dans le jardin comme avant, Morgan.

Le cœur battant, je posais ma tasse sur l’évier et lui ouvrais la porte.

— Je vous dérange peut-être ? Vous alliez partir ?

Je bégayais.

— Heu… non. Je… tu veux bien me tutoyer, le vous me stresse.

Il hocha la tête.

— Tu as une minute ?

Je jetai un coup d’œil au coucou accroché au-dessus de la table. Archibald n’allait pas tarder, il prendrait au passage Mélusine qui laissait Enzo chez François.

Morgan entra dans la cuisine. Il y était si souvent avant son accident que ça me faisait tout drôle.

— Tu me sers un café ?

Machinalement, il s’approcha du placard pour saisir sa tasse comme il le faisait habituellement. Je retins mon souffle. Il se tourna vers moi.

— C’est là ?

Il ouvrit la porte et prit son mug sans aucune hésitation. Je n’osais faire un geste. Il se servit comme s’il était chez lui.

— Mon psychiatre me préconise de te voir souvent. Il dit qu’il y a un blocage, il ne le comprend pas. Saverio ne cesse de me raconter tout ce que nous faisions ensemble, il m’affirme que je n’ai pas arrêté de lui dire que tu étais la femme de ma vie.

Morgan débitait ces mots sans me regarder et soudain il se tourna vers moi.

— Pourquoi je ne m’en souviens pas ?

Il soupira.

À cet instant précis, ma décision fut prise.

— Excuse-moi, j’ai un coup de fil à passer. Es-tu libre là tout de suite ?

Je n’attendis pas sa réponse et appelai Archibald.

— Tu allais partir ? demanda Morgan en déposant son mug sur l’évier.

— Oui et tu vas m’accompagner. J’ai quelque chose à te montrer, peut-être que ça t’aidera à te souvenir.

Je m’installai au volant et Morgan s’assit côté passager. Le trajet jusqu’à l’hôpital se fit dans le silence, mais quand il reconnut l’endroit, il se tourna vers moi et je sentis son inquiétude.

— Tu es malade ?

Je lui souris sans répondre. Ensemble, nous nous dirigeâmes à l’accueil.

Nous n’attendîmes pas longtemps. La gynécologue nous invitâmes à entrer.

— Comment allez-vous, madame Delully ? Ravie de vous rencontrer, monsieur.

Morgan lui fit un signe de tête. Il avait dû réaliser que nous étions dans un service typiquement féminin, à regarder les patientes qui affichaient toutes un ventre plus ou moins rebondi.

Elle nous proposa de passer dans la pièce adjacente cachée par un paravent, je m’allongeai sur la table. Morgan me suivit.

Quand il vit qu’elle me soulevait le pull et qu’elle étalait du gel sur mon ventre, il haussa les sourcils.

La gynécologue mit certainement ça sur le compte de l’anxiété, elle ne fit aucun commentaire.

Dès qu’elle commença l’examen, nous entendîmes immédiatement le battement régulier du petit cœur de notre bébé. Mes yeux se remplirent de larmes et je fixai Morgan qui ne lâchait pas du regard l’appareil, alors que le médecin affirmait que le fœtus était en pleine forme, il n’y en avait qu’un, nous dit-elle en souriant. Je n’écoutais rien, je surveillai la réaction de Morgan.

C’est alors qu’elle nous demanda :

— Souhaitez-vous connaître le sexe de votre enfant ?

Ce fut Morgan qui répondit.

— Vous pouvez déjà le voir ?

Elle rit.

— C’est un bébé bien constitué, j’ai l’impression que vous approchez des quatre mois. Il faudra revérifier les dates de vos dernières règles madame. Alors, je vous l’annonce ou vous préférez avoir la surprise ?

Morgan me regarda, il sourit et je pensai retrouver enfin le Morgan d’avant.

— C’est toi qui décides…

Il se pencha vers moi et murmura à mon oreille :

— Je ne me souviens de rien, tu me l’avais dit ? Comment ai-je pu oublier une nouvelle de cette importance ?

© Isabelle-Marie d’Angèle (février 2023)

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Quand je te disais que mes personnages m’embarquaient dans leurs péripéties, lis un peu ce qui arrive à Marie-Sophie 😉.

J’aurais dû lui parler… ce jour-là tout bascula…

J’étais à la boulangerie quand je vis débarquer Saverio. Il semblait très agité. Il me salua d’un signe de tête et passa dans le fournil. Comme il avait l’habitude de venir chercher ses commandes, je n’ai pas été surprise, mais mon portable bipa au même moment. C’était Gabriel. Inquiète, parce qu’il était tôt, j’ai pensé immédiatement à un accident, j’avais raison. Morgan était aux urgences.

Saverio revenait accompagné d’Archibald. Je lui tendis mon téléphone, incapable d’entendre ce que Gabriel allait me dire.

Saverio me prit dans ses bras. Il savait lui aussi. Morgan avait eu beaucoup de chance, sa camionnette était bonne pour la casse, mais lui il était indemne.

Saverio accepta de m’emmener immédiatement, Archibald appela Mélusine. Pépé Charles garderait Enzo. Célestine était déjà au chevet de son fils.

Alors que Saverio tentait de faire la conversation dans la voiture, je restai muette. Je posai ma main droite sur mon ventre comme pour protéger ce petit être qui grandissait en moi. Je n’arrêtais pas de penser que j’avais eu maintes occasions d’annoncer la nouvelle à Morgan, mais j’avais toujours reculé, prétextant que ce n’était jamais le bon moment. Tout à l’heure, je lui dirai, je me le suis promis, assise dans ce véhicule qui m’emmenait vers lui. Je réalisai alors que j’aimais Morgan, que sans lui, je n’étais pas grand-chose. Pourquoi fallait-il que je m’en rende compte aujourd’hui ?

Saverio se gara sur le parking et nous nous dirigeâmes vers les urgences. Gabriel m’y attendait. À croire qu’Archibald l’avait prévenu de mon arrivée, mais pas du tout, il avait été bipé parce qu’une ambulance déboulait sirène hurlante.

Gabriel eut juste le temps de me donner le numéro de la chambre où nous pouvions trouver Morgan. J’entendis qu’il murmurait vaguement quelque chose à Saverio, mais je fonçais sans l’attendre.

Sa maman était à son chevet. Elle se leva. Elle semblait sereine, je m’approchai de Morgan. Il me sourit.

— Tu es revenue ? Qui t’a prévenue ? Il y a longtemps pas vrai ? Il a fallu ce stupide accident pour que tu t’aperçoives que tu avais fait la plus belle erreur de ta vie ? Mais je te pardonne.

Je ne comprenais rien à ce qu’il racontait. Il saisit ma main et me tira vers lui. Célestine s’interposa et de sa voix douce me glissa :

— Ne fais pas attention, il est un peu confus. Les médecins m’avaient prévenue, mais je ne m’étais rendu compte de rien, ses propos étaient tout à fait normaux.

Saverio entra alors dans la chambre. Morgan se tourna vers lui et un nouveau sourire éclaira son visage.

— Saverio ! J’ai dû vous flanquer une sacrée trouille pour que tu te radines aussi vite. Regarde qui est là ? Je sais bien que tu ne l’aimais pas beaucoup, mais tu vois, elle est revenue. C’est toi qui l’as appelée ?

Saverio pâlit. Gabriel entra à son tour dans la chambre. Avec sa blouse blanche, il m’impressionna surtout dès qu’il prit sa voix de médecin pour demander à Morgan comment il allait et de lui décliner son nom et la date.

— Morgan Castille. Je crois que nous sommes en janvier.

— Peux-tu me dire qui sont ces personnes ?

Morgan s’exécuta de bonne grâce. Il nomma Saverio, Célestine sa maman, mais quand vint mon tour, mon cœur manqua un battement.

— Voici Marie, la femme de ma vie. Elle était partie, mais elle est revenue.

Gabriel le reprit gentiment :

— Marie-Sophie, tu veux dire, elle habite à côté de ta maison.

Sa voix fut sans appel et il retira sa main de la mienne.

— Je ne connais pas de Marie-Sophie. Toi, tu es Gabriel, je le sais, tu es le papa d’Enzo.

Patiemment, Gabriel continua :

— Exactement et comme tu le dis, Enzo vit avec Mélusine sa maman et Marie-Sophie que voilà. C’est avec elle que tu as fait ta vie.

Morgan me dévisagea et s’excusa :

— Je suis désolé…

Je m’approchais de lui et voulus lui reprendre sa main, comme nous avions l’habitude de le faire, de glisser mes doigts entre les siens. Il les cacha sous les draps et demanda à Saverio.

— Marie n’est donc pas revenue ?

Saverio répondit brutalement :

— Tu sais ce que je pensais d’elle. Elle n’était pas pour toi. C’est Marie-Sophie, ta femme.

— Non !

C’était sans appel et le cœur en lambeaux, je sortis en courant de la chambre. Gabriel me rattrapa dans le couloir et m’entraina à l’extérieur.

— C’est le choc qu’il a reçu sur la tête. Au scanner, il n’y a rien, mais il a certainement subi un traumatisme. Si tu avais vu la voiture, tu comprendrais qu’il a vraiment eu beaucoup de chance, il n’a aucune fracture. Sa mémoire lui fait un peu défaut, mais elle va revenir.

Je pleurai sans retenue dans ses bras, me moquant de ce que les infirmières pouvaient penser. Je hoquetai sur son épaule.

— Il ne savait pas encore pour ma grossesse.

— Tu pourras lui annoncer d’ici quelque temps, je te promets qu’il va se souvenir de toi.

— Je ne connaissais pas cette autre femme.

— Morgan a vécu avant toi, c’est normal qu’il ait déjà été amoureux. Je dois te laisser Marie-Sophie, j’appelle Archibald.

— Il ne pourra pas venir, il est occupé.

— Je n’en suis pas aussi certain que toi.

J’aperçus alors mon ami arriver en courant. Je lâchais Gabriel pour me jeter dans ses bras qui se refermèrent sur moi. En pleurant, je débitai que Morgan ne se souvenait pas de moi. Archi me caressa les cheveux et interrogea du regard Gabriel.

— Va le voir Archibald, peut-être que toi, il te reconnaitra et que tu seras le déclic.

Mon ami hocha la tête et nous suivîmes Gabriel. Il nous abandonna à l’accueil et nous repartîmes vers la chambre de Morgan. Dès qu’Archibald entra dans la pièce, le visage de Morgan s’éclaira.

— Ah ! te voilà, mon boulanger préféré. Tu as amené la baguette ?

J’attendis dans le couloir, effondrée.

Célestine et Saverio vinrent m’y rejoindre, ils m’annoncèrent que Morgan rentrerait chez lui rapidement. Ses examens étaient bons. Le neurologue n’avait rien détecté à part cette amnésie, qui ne concernait que moi apparemment. Morgan devrait rencontrer un psychiatre avant de sortir.

Archibald ne resta pas longtemps dans la chambre, il invita Célestine à y retourner et m’entraina ainsi que Saverio. Nous nous retrouvâmes au bar de celui-ci.

Tout le village était déjà au courant de l’accident de Morgan qui était connu comme le loup blanc. Chacun demandait des nouvelles, Saverio n’entrait pas dans les détails, il affirmait que son ami allait bien, qu’il avait eu beaucoup de chance et qu’ils le verraient rapidement. Il ne fit pas mention de son problème de mémoire, certain que c’était temporaire.

— Qui était cette Marie ?

Saverio soupira.

— Dis-moi la vérité, je ne suis pas idiote, Morgan ne vivait pas comme un moine avant de me rencontrer.

— Elle lui a fait beaucoup de mal, mais il n’a jamais voulu l’admettre qu’elle n’était pas pour lui. Quand elle est partie pour faire sa vie avec un touriste qui avait passé quelques semaines dans le département, un écrivain, il a mis des mois à encaisser la trahison. Un véritable coup de foudre, je dois le reconnaitre entre elle et cet homme. Le bouquin qu’il a publié sur la région a été un succès. Mais, il l’avait bel et bien oubliée, Marie-Sophie. Combien de fois est-il venu me dire ici au comptoir combien il était heureux avec toi. Tu es son rayon de soleil. Il ne rêve que d’une chose, c’est que tu deviennes sa femme et que vous ayez des enfants. C’est pour ça que je t’affirme qu’il va recouvrer la mémoire rapidement. Ce n’est pas possible autrement, il t’a dans la peau. La première fois qu’il t’a vue, il est aussitôt venu m’en parler et je le cite Tu sais Saverio, je crois que j’ai trouvé mon âme sœur.

Archibald posa sa main sur la mienne et la serra. Je levai alors la tête et affirmai :

— Je vais me battre, je vous garantis qu’il va se souvenir de moi.

© Isabelle-Marie d’Angèle (février 2023).

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Je ne m’attendais pas à la tournure qu’allait prendre la vie de Marie-Sophie, bon, mes personnages n’en font qu’à leur tête de toute façon 😏.

Je suis enceinte ! voilà une nouvelle à laquelle je ne m’attendais pas du tout.

C’est Gabriel qui m’a fait la prise de sang. Il ne m’a pas trouvée en forme quand il était venu diner à la maison et je n’ai pas compris pas ce qui l’avait alerté, peut-être son flair de toubib. Il faut dire que depuis ma tentative d’en finir, je suis surveillée comme le lait sur le feu.

Le jour où je ne travaillais pas à la boulangerie, j’étais allée à l’hôpital où le résultat était tombé rapidement. Je revois la tête de Gabriel quand il m’a tendu la feuille.

— Tu as lu ? lui demandais-je innocemment. À voir ta tête, je crois que oui.

J’avais baissé les yeux et il m’avait fallu quelques minutes pour réaliser. Lorsque je rencontrai son regard, je bafouillai un ce n’est pas possible auquel il avait répondu :

— Tu n’es pas heureuse ? Si je comprends bien ce n’était pas prévu.

Je n’avais pas réagi. Il me parla alors des futurs examens à faire, des rendez-vous à programmer pour le suivi de ma grossesse, mais je n’avais rien enregistré.

Depuis, je ne savais pas quoi faire. Les mots tournaient en rond dans ma tête. Je devrais annoncer la nouvelle à Morgan, c’était la première chose à faire sauf que je n’y arrivais pas et je ne comprenais pas pourquoi. Je posais régulièrement la main sur mon ventre en imaginant ce petit être qui grandissait en moi, oui je crois que j’étais heureuse, mais je réalisais que j’avais envie de l’avoir toute seule ce bébé. C’était malin d’avoir tant critiqué Mélusine, je ne valais pas mieux qu’elle surtout que là, il y avait bien un papa.

Je devais bien me l’avouer, le retour de Gabriel avait tout chamboulé. Que faire si ce n’est me tourner vers mon ami de toujours ? Il serait de bon conseil j’en étais certaine.

Un soir, quand nous nous étions retrouvés tous les deux pour fermer la boulangerie, je parlais à Archibald. Je ne m’attendais pas à voir ses yeux se remplir de larmes et qu’il me serre dans ses bras.

— C’est merveilleux MarieSophe, tu vas avoir un bébé. Quelle bonne nouvelle, je suis tellement heureux pour toi.

Il me fixait la mine réjouie et ajouta en riant :

— Quel cachottier Morgan, je l’ai encore vu ce matin et il ne m’a rien dit le bougre ! Ah ! il sait tenir sa langue le coquin !

— Il n’est pas au courant.

Stupéfait, Archibald se recula pour mieux me regarder.

— Attends, pourquoi ne lui as-tu rien dit ? Je ne sais pas moi, mais dans tes films de romance, la fille profite d’un moment de complicité pour annoncer la nouvelle avec des petits chaussons enrubannés dans une boîte, un truc comme ça, tu vois. Toi, la plus romantique des nanas que je connaisse, tu n’as pas fait ça ? Il faut que tu m’expliques là !

— C’est Gabriel qui…

Archibald s’éloigna de moi et gronda :

— Décidément, il est revenu pour foutre le bordel, lui ! 

Mon ami arpentait la boulangerie, les mains dans les poches. Il fulminait.

— Pourquoi est-ce lui qui est courant MarieSophe ? Ne me dis pas que tu craques pour lui ? Morgan ne mérite pas ça, je l’aime vraiment ce type.

— Mais que vas-tu t’imaginer ? C’est Gabriel le médecin qui est au courant. Il ne m’a pas vue bien, il a voulu me faire une prise de sang, c’est tout.

— Comme par hasard pour savoir si tu étais enceinte ? Tu sais qu’un test en pharmacie aurait pu faire l’affaire ? De quoi se mêle-t-il ? Il est revenu te tourner autour MarieSophe et toi tu le laisses faire. C’est sûr qu’apprendre qu’Enzo était son fils a dû changer ses plans.

Archibald bougonnait, il était furieux. Je me souvenais du temps où Gabriel était apparu dans ma vie et qu’il habitait en face de chez moi, Archibald ne l’aimait pas. Je pensais que c’était du passé, il semblerait que ce ne soit pas le cas.

— Je vais lui parler !

— Tu ne vas rien faire du tout Archi !

— Alors tu annonces illico presto la nouvelle à Morgan.

Je grondai à mon tour :

— Est-ce que je me mêle de ton histoire avec Cybèle ?

Il fronça les sourcils et se campa devant moi, les mains sur les hanches.

— Quel est le rapport ?

— Toi aussi tu pourrais lui parler et lui dire que tu en pinces pour elle !

— Je l’ai fait.

— Et tu ne m’as rien dit ?

Je sens la colère monter, il ne m’avait jamais rien caché.

— Pour la bonne raison que je me suis pris une fin de non-recevoir. Se prendre un vent à mon âge, pas de quoi en faire des histoires.

Je m’approchai de lui et posai ma main sur son bras.

— Tu es triste ?

— Même pas ! Je crois que je suis condamné à rester célibataire.

Il saisit mon visage et me regarda droit dans les yeux.

— MarieSophe, dis-moi pourquoi tu ne veux pas en parler à Morgan ? Tu n’es pas heureuse ? Rassure-moi, tu le désires ce bébé ?

Je baissai la tête, il me la releva aussitôt. Je murmurai :

— Laisse-moi un peu de temps. C’est tout nouveau de toute façon.

— Et si tu en discutais avec Mélusine ?

Je soupirais. Ce n’était plus comme avant avec elle et je n’avais pas envie d’écouter ses conseils. Archibald le comprit. Il me prit par les épaules.

— Allez viens, rentrons, je garderai ton secret le temps qu’il te faudra. Mais, tel que je connais Morgan, il ne sera pas long à le découvrir.

© Isabelle-Marie d’Angèle (janvier 2023).

À très vite…