Bonjour toi 😉
Quand je relis le journal de Marie-Sophie, je me rends compte que depuis mars, je n’avais rien publié. C’était pourtant écrit. Je l’ai remanié et ajouté des choses. J’aime bien Marie-Sophie, avec elle, les pages de sa vie se tournent comme un livre 😊.

— Comment ça tu as embrassé Archibald ?
La lumière était allumée dans la cuisine de Morgan et comme j’en avais ras le bol de cette situation, j’avais frappé à la porte et dès qu’il m’avait ouvert je lui avais annoncé la nouvelle.
Il me regardait avec des yeux ronds et réitéra sa question.
— Tu as bien entendu, j’en ai assez que tu m’ignores. Je ne te crois plus, avoue que tu ne m’aimes plus, ce sera plus facile pour moi.
— Pourquoi viens-tu me dire ça ? Que veux-tu que ça me fasse ?
Je n’en revenais pas. L’accident l’avait complètement changé.
— Sérieusement Morgan, tu apprends que j’attends un enfant de toi, tu continues à faire comme si de rien n’était et…
Il gronda :
— Je ne te laisserai pas tomber pour élever cet enfant, même je le reconnaitrai. Comment faut-il que je te le dise que je ne me souviens de rien et que tu ne me rappelles rien ?
— Tu sais quoi Morgan, je n’ai pas besoin de toi, je me débrouillerai toute seule. Je ne te demanderai plus rien. Désolée de t’avoir dérangé.
Je tournais les talons et m’enfuis en courant.
Mélusine me vit débouler dans la cuisine, la rage au ventre. Je persiflai :
— Plus jamais, je ne veux lui parler. Tu te rends compte de ce qu’il vient de me dire ?
Je lui racontais tout. Archibald arriva au moment où je lui où je disais que je l’avais embrassé. Mélusine chercha le regard de notre ami, il fit non de la tête en soupirant et passa devant nous pour aller se doucher.
— Mais ? Parle Mélusine, tu me comprends au moins ?
— À propos de quoi ou de qui ?
Je soufflais et ne répondis pas. J’en avais assez de toutes ces histoires. Je changeai de sujet en racontant l’offre de Cybèle.
Soudain, j’eus mal au ventre et me pliais en deux. Affolée, Mélusine appela Archibald. Ils n’hésitèrent pas une seconde, l’un me prit dans ses bras et m’emmena dans sa voiture, l’autre conduisit Enzo chez pépé Charles.
— Je vous retrouve à l’hôpital cria Mélusine.
Je fixais Archibald, les dents serrées, il ne quittait pas la route du regard. Elle ne me parut jamais aussi longue. J’avais peur de perdre mon bébé. J’étais certaine que c’était à cause de Morgan que tout ça m’arrivait, il ne voulait plus vivre parce que son papa ne se souvenait pas de lui. Ma décision était prise, je l’aimerais pour deux. Exit Morgan !
Archibald appela Gabriel. Il était de garde comme souvent, il vint aussitôt à notre rencontre et je fus emmenée rapidement pour faire une échographie. Archibald m’accompagna. Il ne lâcha pas main pendant tout le trajet.
C’était un petit garçon et je l’avais perdu.
Même si le médecin m’affirmait que je pourrais en avoir d’autres, même s’il me disait que c’était la nature qui en avait décidé ainsi, pour moi, c’était parce que Morgan ne me reconnaissait plus.
C’est Archibald qui lui annonça la nouvelle puis à pépé Charles. Celui-ci se précipita aussitôt pour me serrer dans ses bras. Cela fit le tour du village en moins de temps qu’il n’en fut pour le dire.
Je sus par Archibald que Saverio avait passé un sacré savon à Morgan. Il n’avait pas mâché ses mots et lui avait affirmé qu’il avait tout foutu en l’air. Mais était-ce sa faute ? Il avait eu un accident, un point c’est tout. Seulement, le choc lui fit revenir la mémoire et Archibald me raconta que Morgan s’était effondré dans le bar de son ami.
C’est par écrit qu’il s’excusa, il ne se sentait pas le courage de me parler en face. Il s’éloignait pour quelque temps. Sa mère ne savait pas où il était parti, mais moi j’étais certaine qu’elle s’en doutait, elle respecterait le vœu de son fils, elle se tairait. Dans sa lettre, il me demandait de prendre soin de son chien, son chat, ses deux vaches, ses biquettes et si je voulais, je pouvais aussi continuer à faire les marchés, mais je n’étais pas obligée. Je pouvais abandonner son activité de bouquets de fleurs séchées si je ne m’en sentais pas capable. Il se rappelait qu’il m’aimait, mais il écrivait qu’il était trop tard et qu’il ne savait pas comment faire pour réparer ce qu’il avait cassé. Dans ses mots, j’entendais sa voix, je le voyais me dire les yeux dans les yeux, qu’il était très malheureux. Je l’imaginais dans ma cuisine, les bras ballants, me contempler et se taire. Il était comme ça Morgan, tout était dans le regard. Il me répétait qu’il m’aimait et qu’il m’aimerait toujours, mais que je devais l’oublier. Lorsqu’il reviendrait, c’est qu’il aurait accepté que nous puissions être amis.
Alors la vie continua sans lui. Les jours passèrent, les semaines puis les mois. J’organisais mon temps entre la boulangerie, les marchés, les animaux de Morgan. J’avais appris à traire les chèvres, il n’en avait que trois heureusement. C’est François qui s’investit pour fabriquer quelques fromages que j’allais vendre sur le marché. Morgan, notait tout dans un cahier. François suivit les recettes à la lettre. C’était du bricolage, mais je tenais à ce que les affaires de Morgan continuent sans lui et qu’il retrouve tout en bon état quand il reviendrait. Je récoltais le miel alors qu’il y avait quelque temps, j’avais une peur bleue des abeilles. Pour ses vaches, heureusement, il fallait juste les conduire au pré. Elles ne produisaient pas de lait. Au début, elles meuglaient à fendre l’âme, Morgan leur manquait, j’en étais certaine. Alors, je me suis mise à leur parler quand je les sortais de leur étable, je faisais de même en allant les rechercher. Le chien, dont je ne me souvenais plus le nom et personne ne sut me le dire, faisait son travail avec elles. Il accepta de dormir chez moi, je l’appelais en le sifflant. Je lui aurai bien donné le nom de Morgan, mais Archibald m’en dissuada. Le chat, très indépendant, mangeait les croquettes, mais il faisait sa vie, il avait tellement l’habitude de venir dans mon jardin qu’il ne remarqua pas l’absence de son maître, je tentais de m’en persuader. C’est Mélusine qui se prit au jeu des bouquets de fleurs séchées. Manuelle, comme elle l’était, ce fut pour elle un jeu d’enfants. Elle me remplaçait à la boulangerie lorsque je faisais le marché. Aussi le jour où Cybèle revint me voir avec son idée de food truck, je lui avouai que je l’avais complètement oubliée.
Mais Archibald, lui, n’avait pas laissé tomber l’affaire et il avait même bien organisé un planning. Quand j’entendis Cybèle tout me présenter, j’en restais sur le cul. Pourquoi ne pas vendre les fromages de chèvre et le miel dans le food truck ? Archibald avait élaboré des recettes de sandwich avec un nouveau pain. Pourquoi ne pas décorer le camion avec les bouquets ? Quelle entreprise ! Ils avaient pensé à tout.
Morgan était parti et la vie continuait sans lui. J’avais perdu un bébé, je n’étais pas la seule, c’était arrivé à bien d’autres femmes. J’en ai fait mon deuil. Archibald et Mélusine m’entouraient de toute leur amitié et Enzo, mon petit filleul, me comblait de câlins, il portait maintenant le nom de Gabriel. Je savais bien quand celui-ci venait le voir, qu’il recherchait aussi ma présence, mais je ne pouvais pas lui donner ce qu’il voulait. Mon cœur n’était capable d’offrir que de l’amitié. En étais-je vraiment certaine ?
Lorsque je contemplais Mélusine qui baissait peu à peu sa garde avec François, je me demandais quand moi, j’aurai la chance d’avoir ainsi un homme qui prendrait soin de moi ? Je l’avais eu, mais je n’avais pas su saisir le bonheur pourtant à portée de ma main. Peut-être que Morgan n’était pas celui qui m’était destiné. J’avais cette idée dans la tête quand Archibald déboula dans la cuisine.
© Isabelle-Marie d’Angèle (avril 2023).

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