Bonjour toi 😉

C’était le moment du petit déjeuner. Alors que Stefano et Héloïse picoraient dans leur assiette, Joe annonça :
— Je me suis arrangé avec Mathurin, nous partons quelques jours en camping-car.
Les enfants levèrent le nez en même temps.
— Vrai ? demanda Stefano les yeux brillants.
— On emmène Texas ? Héloïse caressait la tête du terre-neuve qui entendant son nom dressait les oreilles.
— Bien sûr, c’est vacances pour tous les quatre et lui.
— Je prépare les sacs, dit Charlie.
Branle-bas de combat, les gamins débarrassèrent la table, mais Joe les stoppa dans leur élan.
— Auparavant, je mets les choses au clair.
Tous trois le regardèrent.
— Je ne veux plus entendre parler de magie, de sorcier ou de fée qui se transforme en grenouille. Nous reprenons le cours de notre vie normale, je pense que nous en avons tous besoin. Est-ce bien compris ?
Stefano fit un grand oui de la tête. Joe fixa Charlie et Héloïse. La jeune femme vint entrelacer ses doigts aux siens.
— Promis !
Héloïse fit de même et lui murmura à l’oreille.
— J’aime bien quand on part en vacances, c’est magique aussi.
— Alors, c’est entendu.
Il ne fallut pas longtemps pour que les sacs soient prêts. Charlie décida qu’ils achèteraient le pain en route, elle ajouta deux paquets de pâtes, des œufs et du jambon, quelques fruits et yaourts et ils grimpèrent dans le camping-car. Le terre-neuve attaché se coucha aux pieds des enfants.
Joe savait parfaitement où ils s’arrêteraient. Il avait choisi un bord de lac. Les gamins ravis enfilèrent rapidement leur maillot de bain et le chien n’hésita pas à se jeter à l’eau. Joe lui lançait un bâton que l’animal partait chercher avec d’énormes éclaboussements. Quand il sortait pour le ramener à son maître, il ne manquait jamais de s’ébrouer ce qui déclenchait de grands éclats de rire chez les enfants.
Seule, Charlie peinait à se mettre à l’unisson. Elle n’avait pas osé dire que la pleine lune approchait, qu’elle devrait une fois de plus s’absenter et emmener avec elle sa fille. Elle tentait d’occulter cette part de magie de sa tête et parfois elle songeait même à renier ce don qui faisait d’elle la sorcière des oiseaux. D’ailleurs, Joe ne semblait pas avoir vu que depuis leur arrivée, les chants et les sifflements s’étaient intensifiés. Dès qu’elle levait les yeux, elle apercevait des vols très haut dans le ciel. La nature elle-même s’émerveillait de la venue de cette sorcière, mais elle était la seule à remarquer que les pâquerettes s’épanouissaient à son approche et que l’herbe frissonnait sous ses pas.
Elle se secoua et tenta une fois de plus de chasser ces pensées parasitaires.
— Regarde ce poisson !
Stefano appelait son père.
— Tu as pris ta canne à pêche ? C’est quoi, tu as vu sa couleur ?
Texas le terre-neuve sortit de l’eau et après s’être ébroué, se coucha dans le pré, le museau entre les pattes.
Surpris, Joe le taquina :
— Eh ben mon gros, déjà fatigué ?
Puis il se tourna vers son fils pour regarder le poisson.
Héloïse écarquilla les yeux et seule Charlie l’entendit :
— On dirait une sirène !
Elle n’eut pas le temps de réagir qu’un chant s’éleva, puis un cri venu du ciel lui parvint aux oreilles. Elle leva la tête et aperçut un aigle qui fonçait vers eux et tout s’enchaina à une vitesse fulgurante.
Le chien se mit à aboyer furieusement et courut vers son maitre. Joe écoutait la musique et marchait dans l’eau. Texas le suivit et l’attrapa par la chemise pour le retenir. Héloïse cria, Stefano sauta à son tour dans le lac. L’aigle plongea, Joe avait de l’eau jusqu’aux épaules et continuait d’avancer. Charlie leva les bras vers le ciel et une nuée d’oiseaux apparut, leur chant et sifflement couvrirent celui de la sirène, Joe qui avait maintenant de l’eau jusqu’au cou allait couler quand il s’éleva soudain dans les airs, l’aigle étant passé sous lui. Il le déposa délicatement sur l’herbe et s’envola. Le chant se tut, on n’entendait plus que les gazouillements familiers. Stefano et Charlie vinrent près de lui, alors qu’Héloïse disait au revoir à Senu qu’elle avait reconnu. Texas lécha son maître et laissa tomber le bout de bois à ses pieds.
— Alors mon chien, tu n’es plus fatigué ?
Comme si de rien n’était, Joe lança le bâton côté opposé au lac.
— Finalement, si on changeait d’endroit ? dit Joe. Et quelqu’un peut-il m’expliquer pourquoi je suis trempé ?
— C’est la faute à Texas répondit aussitôt Héloïse, regarde Stefano aussi est mouillé.
— Venez vous sécher les enfants, dit alors Charlie.
Alors qu’elle se dirigeait vers le camping-car, elle aperçut une grenouille qui sautait difficilement. Dès qu’elle vit Charlie, elle voulut se cacher dans les herbes, mais elle peinait à se déplacer.
— Te voilà bien punie Nymphaïa ou devrais-je t’appeler Gertrude ?
Texas arriva au galop du museau poussa le batracien qui roula sur le côté. Il s’en désintéressa aussitôt.
— Tu as vu comme elle est moche la grenouille, remarqua Héloïse. Elle n’a pas de chance, elle a dû faire une sacrée bêtise pour être comme ça.
Seule dans le camping-car, à la recherche des serviettes, Charlie prit le temps d’ouvrir son esprit pour remercier Straurius. Elle sut qu’il l’avait entendu, au léger souffle de vent qui vint lui caresser le visage.
© Isabelle-Marie d’Angèle (juin 2024).

Bon anniversaire à Monsieur Chéri 💗





































