Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Quel imbécile ! Pour le coup, j’avais tout fichu en l’air. Qu’avais-je donc dans la tête ?

Quand je suis arrivé à l’hôpital, j’étais d’une humeur massacrante. Chef de service des urgences, je devais récupérer rapidement. Mon équipe était bien suffisamment sur les dents, pas question d’en rajouter.

Je filai me changer dans les vestiaires et passai à mon bureau. La nuit avait été mouvementée comme d’habitude avec son lot d’accidents, de bagarres et d’urgences médicales.

J’allumai mon ordinateur et jetai un œil au post-it collé sur le clavier. Je soupirai.

Stupide ! Je l’avais été de bout en bout. J’avais repéré depuis quelques jours une jolie maison que je comptais acheter. Elle avait trois chambres. Enzo aurait eu la sienne et j’avais imaginé que Marie-Sophie nous rejoindrait.

Un coup discret à ma porte me fit lever les yeux, Cassandre l’infirmière en chef passa la tête.

— Il me semblait bien vous avoir vu arriver, docteur. Vous n’étiez pas de repos aujourd’hui ?

Elle me souriait et si je n’étais pas aussi amoureux de Marie-Sophie, j’aurais pu me laisser séduire pas cette jolie femme au regard bleu océan.

— Je n’ai pas encore trouvé de chez moi, j’avoue que le gîte où j’habite me déprime un peu. Je vais en profiter pour trier mes mails, mais n’hésitez pas à me biper si vous êtes en sous-effectif.

— Nous n’étions pas habitués à ça avec l’ancien chef, remarqua ma collègue.

Nous entendîmes en même temps une débandade dans les couloirs, signe qu’une ambulance arrivait et qu’il y devait y avoir eu un accident. Plusieurs sirènes retentirent. Je me levai et la suivant en courant, je lui dis :

— Je crois que j’ai bien fait finalement de venir, vous allez avoir besoin de moi.

J’avais passé ma blouse. Les infirmières se précipitaient, elles prirent quand même le temps de me saluer alors que Cassandre commençait à compter le nombre de lits qu’il y avait pour accueillir les patients.

Incroyable, j’avais une journée de libre. Pas de Foodtruck ni de boulangerie. Maddie était en place et Archibald souhaitait qu’elle fasse plus d’heures afin que je puisse faire autre chose, comme m’occuper de notre mariage par exemple.

Du coup, je lui avais proposé de voir avec lui sa comptabilité, mais il avait refusé en disant qu’il avait un professionnel qui faisait ça très bien. Je lui avais rappelé que je m’y connais un peu et qu’il pourrait ainsi faire des économies. Archibald avait été catégorique. Il n’avait pas de problème de trésorerie et il préférait faire travailler les personnes qui en avaient fait leur métier.

J’étais donc libre comme l’air. Pourquoi ai-je eu envie d’aller retrouver Gabriel pour avoir une explication avec lui ?

Mélusine était occupée ailleurs et Enzo était l’école. Je pris la voiture et la direction de l’hôpital.

C’était le bazar là-bas. Je m’en rendis vite compte en découvrant le balai des ambulances et des brancards.

De plus, le parking était plein. Je me garai dans une petite rue adjacente et sans réfléchir, composai le numéro de Gabriel.

Je sentis mon portable vibrer alors que je soufflais un peu. Un grave accident avait eu lieu dans la périphérie et c’était vers notre service que les pompiers et ambulanciers s’étaient dirigés. Heureusement, je ne comptais pas de décès et tout était sous contrôle.

Lorsque je découvris qui m’appelait, mon premier réflexe fut de lui parler. Mais une infirmière me tendait des papiers à signer et le répondeur s’enclencha.

Je rejoignis mon bureau tout en l’écoutant. Marie-Sophie était sur le parking. Pour ne pas changer d’avis, je textotai aussitôt que j’étais très occupé et que je n’avais pas de temps à lui consacrer et je rangeai mon portable. Je croisai Cassandre qui se dirigeait vers la machine à café.

— Je vous en offre un, même s’il n’est pas terrible ? J’ai cinq minutes.

J’acceptai sans hésiter et alors que j’attendais que le liquide emplisse le gobelet, je m’entendis lui demander si elle voulait venir avec moi visiter la maison que j’avais repérée.

— Où est-elle située ? m’interrogea-t-elle intéressée.

Je n’avais pas retenu l’adresse.

— S’il n’y a pas d’imprévu, je termine à 14 heures, je suis libre cet après-midi.

J’acquiesçai, jetai le verre en plastique dans la poubelle et repartis vers mon bureau. Je regrettai déjà ma demande complètement loufoque.

J’aurais dû me douter que Gabriel était occupé. J’allais repartir quand j’aperçus Mélusine qui sortait de l’établissement. Surprise et en même temps inquiète, je descendis de la voiture.

— Qu’est-ce que tu fais là Marie-Sophie, tu n’étais pas off aujourd’hui ?

Elle fronça les sourcils et me toisa :

— Ne me dis pas que tu étais venu voir Gabriel ?

— Et toi que fais-tu ici ? Tu es malade ?

À remarquer son sourire, ça ne devait pas être grave. J’avisai aussitôt le service dont elle sortait.

— Non, Marie-Sophie, je ne suis pas enceinte.

Elle n’ajouta rien de plus.

— Où es-tu garée ?

Elle fit un geste vague pour me désigner sa voiture. Je la connaissais bien. Elle me cachait quelque chose.

— OK, je vais tout te raconter, mais tu promets de ne pas me juger ?

Je me revis quand nous étions plus jeunes et je faillis dire croix de bois croix de fer, si je mens je vais en enfer. Je promis sans rien ajouter.

— J’ai rencontré quelqu’un.

Je tombais des nues. Je la croyais amoureuse de François. Je ne pipai mot. Elle s’installa à côté de moi dans la voiture.

— Il travaille ici dans le service maternité, il est gynéco.

Décidément, encore un toubib !

— Il s’appelle Bastian Ezkarai. Regarde.

Je ne pouvais plus l’arrêter. Elle me montra sa photo sur Instagram. Apparemment, il était fan des réseaux sociaux. Je l’avais déjà rencontré, il venait souvent acheter son pain à la boulangerie, mais… il n’était pas seul.

— Tu le vois depuis longtemps ?

— Quelques semaines maintenant. Sa femme aime mes créations.

Elle baissa les yeux. Je murmurai :

— Mélusine… il n’est pas libre.

— Je sais.

Je soupirai. Dans quel guêpier s’était-elle fourrée. Dans peu de temps, tout allait se propager dans le village.

— Il faut que je t’avoue un truc, MarieSophe.

Elle se tortillait les doigts, signe de sa part qu’elle ne savait pas comment me le dire. Je posai la main sur son épaule. Nous étions amies depuis longtemps, elle pouvait me faire confiance.

— Je ne suis pas comme toi, je ne peux pas être la femme d’un seul homme, je peux en aimer plusieurs à la fois. Tu connais le Polyamour ?

Je n’étais pas née de la dernière pluie et je n’étais même pas étonnée. Je savais depuis des années que Mélusine papillonnait. Combien de fois avec Archibald, nous l’avions traitée de cœur d’artichaut. Elle en avait laissé sur le bas-côté des transis d’amour pour elle. Comment avais-je pu imaginer qu’elle se caserait enfin avec François ? Le mariage, la vie à deux, ce n’était pas pour elle. Elle était fidèle à sa manière.

— Bastian et sa femme sont un couple très libre. Il me l’a clairement dit quand nous avons commencé à nous voir. Elle fait la même chose de son côté. Elle est infirmière en chef au service des urgences.

— Et François ?

— C’est là le problème. Il n’est pas du tout adepte du Polyamour. Je n’ai pas encore réussi à lui parler. Je ne veux pas le perdre parce que je l’aime aussi, mais je ne peux pas lui donner l’exclusivité.

Quel drôle de mot quand on parle d’amour !

© Isabelle-Marie d’Angèle (avril 2024)

À très vite…