Va et Vient 12

Bonjour toi 😉

Me revoilà avec ce nouvel exercice auquel j’avais participé le mois dernier sur le thème Invalides que tu peux retrouver ici ou ici . Celui-ci sera publié dans la rubrique Défis-Challenges que tu trouveras dans le menu déroulant de l’Accueil.

Dans la lignée des célèbres Vases communicants, le jeu littéraire intitulé Va-et-vient consiste en un échange entre deux auteurs qui écrivent un texte, illustré ou non, sur le blog de l’autre. Il paraît tous les premiers vendredis du mois. Le thème de ce numéro 12 est Complicités

Ce mois-ci, j’ai le plaisir d’accueillir ici, mon complice d’un jour 😁Jérôme Decoux (carnets paresseux), qui publie ma contribution Complice pour toujours sur son blog https://carnetsparesseux.wordpress.com/.

Voici donc son texte avec sa propre illustration qui soi-dit en passant, j’aime beaucoup 😊.

Là-haut, un grand soleil jaune dispense ombre et lumière sans même y penser. Trois nuages glissent mollement, faute de mieux à faire.

Autour, il y a les champs, brun, vert tendre, vert pale, jaune foin selon ce qu’il y pousse. Entre les champs, passent des chemins terreux. Et encore la forêt, sombre et épaisse et pleine de mystère et de champignons.

Au milieu, les quatre murs jaunes qui cernent la cour de la ferme. Là, chacun vit sa vie. Pataud dort, et rien ne le réveille que ses rêves. L’autre chien, celui qu’on appelle Olibrius, mais aussi tout simplement Le Chien et parfois Radar, non pas parce qu’il repère tout ce qui se passe mais à cause de ses incessants va-et-vient entre les quatre murs de la cour, comme un palindrome qui aurait la langue qui pend, l’autre chien , donc, fait justement un de ces va-et-vient qui lui valent son surnom.  

Quoi d’autre ?

Trois poules picorent la poussière. Les canards collent leur pattes palmiformes à la vase de la mare.  

Le dindon ? il lorgne les tournesols à travers le grillage du jardin.

Et puis quoi plus ? Les poussins ? Ils pioutent.

Et pourtant.

Egoïstes, indifférents, voraces, paresseux. Et pourquoi pas ? Qui leur demande d’être altruistes, généreux, bienveillants ou quoi que ce soit d’autre ? Pas la fermière, qui fait ses trucs de fermière, en coulant de temps en temps un drôle de regard vers l’eau de la fontaine.

Et pourtant. S’ils n’étaient pas là, qui d’autres songeraient, sans même vraiment y penser, à une forme lourde et haute qui sortirait de la forêt sombre et trotte à long galop chaloupé par les champs jusqu’aux murs de la ferme ? Chacun y ajoute sa pièce, son morceau du gros patchwork inconnu. Et comment autrement ? Poules, canards, poussins, et même les deux chiens, tout seuls, ils sont trop petits, chacun, pour fabriquer une apparition pareille. Et sans modèle : c’est pas la Saskatchewan, ici !

Bien malin qui pourrait dire qui fait quoi : Radar, qu’on dit aussi Olibrius, les larges bois biscornus qu’on croit qu’ils cognent contre la porte close du porche ? Alors la haute bosse peulue dont la seule ombre remplirait la cour, c’est Pataud qui l’imagine.

Les poules sans sans-cesser de picpiquer du bec à ras-du-sol, on parierait qu’elles en tiennent pour les sabots cornus qui lèvent la poussière jaune.  

Les canards ? eux, ce sera le long brâme enroué qui fait trembler les tuiles rouges en haut des murs jaunes ; pas si différent de leurs coinquements, à si peu de chose près.

Le dindon ? Même absenté devant la lente danse ondulante des géraniums anémiés derrière le grillage, il participe. Les jarrets durs comme des branches, les grands yeux si doux, le mufle large et un rien baveux… oui, ça pourrait bien être bien sa contribution.

Qu’est-ce qu’ils apportent, les poussins, pioutant à pioute-que-tu-piouteras ? Pas la peine de savoir quoi, suffit de pas croire que sans eux les autres y arriverait, à parfaire l’orignal qu’ils rêvent tous.

Et la fermière ? Elle laisse faire ? Pire – ou mieux – elle y prête la main, sans rien en montrer, à sa façon de fermière. Est-ce qu’elle n’est pas entre les mêmes quatre murs jaunes, bordés des mêmes champs vert pâle et tendre, sous le même ciel nu où glisse le soleil, la lune et trois nuages. Paresseuse ? ça, non, puisque fermière. Alors, égoïste, indifférente ? Peut-être bien. Pourquoi pas ? Mais aussi – surtout – , complice de ces complices à la poursuite leur rêve général.

© Jérôme Decoux

Tu trouveras les autres échanges sur les blogs respectifs de :

M.-C. Grimard (promenades en ailleurs) : https://mariechristinegrimard.wordpress.com/ avec Marlen Sauvage (les ateliers du déluge) : https://les-ateliers-du-deluge.com/

Dominique Autrou (la distance au personnage) : https://ladistanceaupersonnage.fr/ avec Dominique Hasselmann (métronomiques) : https://hadominique75.wordpress.com/

Nicolas Bleusher (l’atelier) : https://nicolasbleusher.wordpress.com/ avec Amélie Gressier (plume dans la main) : https://plumedanslamain.wordpress.com/

Pour le prochain Va et Vient qui portera le n°13 et sera publié le premier vendredi du mois de mai, deux propositions : l’invention d’un hasard ou la phrase de Kerouac J’étais assez saoul pour accepter n’importe quoi.

Bonne lecture et n’hésite pas à aller découvrir les autres textes.

Merci Jérôme d’être venu faire un tour chez moi 😉

À très vite…