Chapitre 3
Allongée sur son lit, Cléo regardait le plafond. Elle n’avait pas du tout envie de quitter sa maison et de se lancer dans un projet aussi fou. Elle avait peur des caméras, de ce qu’on pourrait raconter sur elle. Elle était certaine que ses parents, s’ils apprenaient la nouvelle, seraient ravis. Depuis le temps que son père la tannait pour qu’elle prenne son envol. Lorsqu’elle avait trouvé ce poste à l’hôtel qui venait d’ouvrir, elle avait remercié le ciel de ne pas devoir partir. Elle était casanière Cléo, elle n’avait pas l’âme vagabonde. Les souvenirs revenaient à la surface. Elle soupira. Cette mauvaise copine qui lui avait fait tant de mal, elle ne pouvait pas l’oublier. Alors, se remettre au-devant de la scène, elle ne s’en sentait pas le courage. Elle avait quinze ans, comme disait son père, c’était du passé tout ça ! Pourtant, la blessure ne s’était jamais refermée.
Ses parents ne devaient pas apprendre que le réalisateur était en ville. Comment l’éviter le lendemain quand elle prendrait son poste ?
Arsène regardait par la fenêtre un verre à la main.
— Que penses-tu de cette fille ? Tu te rends compte qu’elle ne s’est pas présentée elle-même ? Je connais son prénom grâce à ce garçon d’étage. Cléo ? c’est original !
Claudio rejoignit son ami.
— J’ai eu une idée ! Si j’écrivais sur elle ? Je ne suis pas certain que ce soit son père le problème. Si c’était elle qui n’avait pas envie tout simplement ?
— Tu rigoles ? N’importe quelle femme à sa place aurait signé immédiatement.
— Pas son genre, crois-moi ! Tu devrais appeler ta fille. Comme directrice de casting, je suis sûr qu’elle penserait la même chose. Elle a le physique, mais pas le caractère.
— Je dois donc abandonner ?
— Ce n’est pas ce que je dis et ce n’est pas à moi de te donner des ordres, suis ton instinct.
— C’est toi qui l’as repérée. Moi, finalement, je suis d’accord avec toi, mais si c’est pour m’attirer des problèmes, j’hésite. Je ne fais pas dans le social, si elle ne veut pas, tant pis.
Surpris, Claudio fixa son ami dans les yeux.
— Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Ce n’est pas dans tes habitudes de changer d’avis aussi vite ?
— Je dois réfléchir. Je la regarderais travailler… de loin, sans qu’elle nous voie.
— Pas facile ! elle est à la réception, je te rappelle.
— On se débrouillera. Cherche un peu si elle a un profil Instagram. Je l’enverrai à Brune. Ma fille saura me dire si je fais fausse route. Depuis que Marjorie l’a prise sous son aile, elle fait des progrès à une vitesse grand V. Claudio posa son verre puis saisit son téléphone.
— J’irais bien piquer une tête dans la piscine. Pas toi ?
— Pourquoi pas ? Alors tu as trouvé ?
— Hey, attends ! je note le code du Wifi. Il n’y a pas le feu, si ?
— Depuis le temps que je cherche…
— Tu n’es plus à un jour près ! remarqua son ami.
— Le temps c’est de l’argent, tu le sais bien.
— Pas à moi Arsène, je te connais trop bien.
Une fois connecté, Claudio fit défiler les images.
— Tu as bien dit qu’elle s’appelait Cléo Rose ?
— Peut-être a-t-elle un surnom ?
Devant le silence de son ami, il s’approcha.
— Regarde et écoute !
Une vidéo se mit en route après les pubs habituelles.
La voix de Cléo emplit toute la suite. Les deux hommes se turent religieusement. Elle chantait l’hymne à l’amour d’Édith Piaf.
— Elle date de quand cette vidéo ?
— Dix ans !
— Et depuis ?
— Rien !
— Son compte Instagram ?
— Rien ! pas de Facebook, ni Tweeter, rien ! Le nom de sa famille est connu, comme elle nous l’a raconté. Mais rien sur elle. J’ai eu de la chance de découvrir cette pépite. Elle a été likée un nombre incalculable de fois, regarde ! Elle est toujours d’actualité et les commentaires sont bons. Je te l’avais dit qu’il y avait un truc pas clair chez cette fille.
— J’appelle Brune, ensuite je te rejoins à la piscine. Mais je te préviens Claudio, si je subodore une embrouille, je cherche quelqu’un d’autre.
Le scénariste acquiesça et ouvrit son sac de voyage pour prendre son maillot.
Cléo, surprise de découvrir le numéro de son chef s’afficher sur son écran, sentit son cœur s’emballer. Elle décrocha les mains moites. L’appel ne dura que quelques secondes. Il voulait la voir immédiatement. Il savait qu’elle habitait à côté, il en profitait. Elle quitta sa tenue de plage pour un pantalon blanc avec un tee-shirt assorti à son bandanas vert qu’elle garda. Il était l’heure de diner, ses parents allaient se mettre à table quand elle passa devant eux. Son père hocha la tête.
— Je fais vite leur promit-elle, ne m’attendez pas.
— Oui, monsieur, j’ai abandonné mon poste quelques minutes. Le client avait perdu ses clés et…
— Vous ne devez jamais quitter la réception, mademoiselle Rose. Savez-vous ce qu’il s’est passé pendant que vous étiez à l’extérieur ?
— Non, monsieur !
Cléo sentait le rouge farder ses joues et la sueur froide couler le long de son dos.
— Quelqu’un est monté dans les étages après avoir subtilisé la clé d’une chambre d’un de nos clients. Il a pu entrer, fouiller, et s’emparer des bijoux de valeur.
— Je suis désolée. Mais…
Cléo n’osa pas dénoncer Noé qui aurait dû être son poste. Elle se mordit la langue jusqu’au sang pour ne rien dire. Il arrivait justement.
— Je vous prie de m’excuser monsieur. Mademoiselle Rose est venue parce que… J’ai dû aller aux toilettes, une envie…
Le chef de la réception l’interrompit.
— Vous savez, vous aussi, que vous ne devez pas quitter l’entrée. Je vais devoir prendre des sanctions. Vous, il désigna le portier, je veux bien passer sur votre négligence parce que vous faites partie de la maison depuis longtemps. Mais vous, mademoiselle Rose, vous avez intégré notre équipe grâce au relations de votre père dans la ville, mais je ne peux tolérer une telle erreur de votre part. Je vous demanderais donc de poser trois semaines de congés. Vous reviendrez pendant la pleine saison. Je veillerai personnellement à ce que vos plannings correspondent avec les miens. Je vous aurais à l’œil. Une autre bêtise de ce genre et c’est la porte. Vous pouvez disposer et profitez bien de vos vacances. Vous aurez besoin de toutes vos forces quand vous réintégrerez votre place.
Cléo pesta et ses deux émeraudes fusillèrent Noé. Il la regarda et s’excusa platement, il tourna les talons rapidement, bien content de s’en être sorti à bon compte. La saison estivale était particulièrement lourde à gérer et même s’il plaignait sa collègue, il ne se retourna pas. Elle le suivit, mais devant l’attitude de son chef qui la surveillait, elle stoppa nette sa course ! Elle quitta l’hôtel, furieuse, et heurta son ami Martin.
— Cléo ? Qu’est-ce que tu fais ici ?
Elle lui raconta tout.
— Mais c’est génial ! Tu vas pouvoir aller tourner ton bout d’essai !
Elle haussa les épaules.
— Tu peux toujours rêver.
Arsène Maestro rejoignit Claudio qui l’attendait au bar. Il avait tout entendu, immobile sur la dernière marche des escaliers qui menaient à sa chambre. Un sourire s’épanouit sur ses lèvres.
À suivre…
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