Marie-Sophie face au miroir

Bonjour toi 😏.

Revoilà enfin Marie-Sophie, je suis certaine qu’elle t’a manqué 😉. La voici face à son miroir et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas indulgente avec elle.

La visite chez Saverio m’a sérieusement ébranlée. Morgan parle donc de moi et de plus, il est certain que je suis faite pour lui.

Je me plante devant le miroir et me regarde sans complaisance. Qu’est-ce qu’il peut bien trouver de bien chez moi ?

J’ai les cheveux roux en pagaille. Je devrais aller chez le coiffeur et dompter cette tignasse qui ne ressemble à rien, mais je n’en ai pas envie. Je les aime bien comme ça.

Mes yeux verts sont… verts et encore pas tout à fait, de l’orange s’y emmêle. Ils ne sont pas en amande, ils sont… normaux. Quelques ridules apparaissent quand je souris.

Mon visage est parsemé de taches de rousseur. Maman me disait que j’avais regardé le soleil à travers une passoire. Qu’est-ce qu’elle m’agaçait quand elle me serinait ça. Aujourd’hui, j’aimerais bien l’entendre me le glisser à l’oreille.

Je continue mon inspection, sans complaisance. Une poitrine généreuse, un ventre pas très plat, c’est le moins que l’on puisse dire. Normal, je déteste les abdos. Dès que je commence, ça me donne envie de vomir. En fait, je ne suis pas fan du sport en général. J’ai bien tenté la salle, mais rien que de voir toutes ces minettes en tenue sexy qui se pavanent devant moi, ça me rend malade.

Mes jambes ! Ah, elles me portent, mais c’est bien tout ce qu’elles savent faire. Elles ne bronzent pas, merci la peau des rouquines. Donc, adieu les jolies gambettes fuselées, hâlées, qui font rêver les hommes l’été.

— Qu’est-ce que tu fais ?

Mélusine est appuyée contre le chambranle de la porte et me regarde, l’œil narquois. J’entends Enzo qui galope dans le couloir. Il passe en coup de vent devant ma chambre. Mélusine le rattrape et lui répète de faire attention dans l’escalier. Ce garnement finira par se casser quelque chose à force de sauter les marches deux par deux.

Je soupire. Qu’est-ce qu’un homme va bien pouvoir trouver de beau chez moi. Rien qu’à l’idée de penser aux mains de Morgan sur mon ventre, j’ai honte.

Une larme s’échappe et coule sur ma joue. Je l’essuie rageusement. Depuis cette fichue dépression et les médicaments qui vont avec, je ne reconnais plus ce corps. Pourtant, c’est le mien, mais il m’a trahie et je lui en veux à mort.

— MarieSophe ?

À nouveau, Mélusine est postée dans l’encadrement de ma porte.

— Je voulais te demander si tu étais prête pour…

Elle ne finit pas sa phrase et s’approche de moi. Elle passe un bras autour de mes épaules.

— Tu me racontes ?

— Il n’y a rien à dire.

Elle soulève son tee-shirt et me désigne le bourrelet qui est apparu et n’a pas disparu après la naissance de son fils.

— Ce n’est pas pareil. Tu ne veux pas d’homme dans ta vie.

— C’est ce que tu crois et ça t’arrange de le croire.

Immédiatement, je pense au papa d’Héloïse, mais elle ne me laisse pas parler.

— Alors, Morgan et toi ?

— Il n’y a pas de Morgan et moi. Il m’a volé un baiser point.

— Et ?

— Il paraît que je suis la femme qu’il attendait, c’est Saverio qui me l’a dit.

Je lui raconte.

— Et ?

Elle m’agace à me pousser dans mes retranchements.

— On va retrouver Enzo ? Je n’ai rien à ajouter.

Elle me tire par la main.

— Quand vas-tu te décider à le laisser entrer dans ta vie ?

Je ne peux retenir les larmes qui coulent sur mon visage. On dirait un torrent dont les digues ont sauté. Je hoquète.

— Il s’imagine que je suis belle, mais… quand… il… va… me voir… Il… Oh, j’ai trop honte.

Je m’écroule sur le lit. Patiente, Mélusine me caresse les cheveux et attend que je me calme.

— As-tu essayé de lui parler ?

— De moi ? Tu es folle ou quoi ?

— Mais non, tu es bête !

Elle rit.

— Commence par lui tenir la main, le regarder. Fais en sorte que vous soyez tous les deux. Arrange-toi pour le frôler, le toucher. L’as-tu au moins respiré ? Connais-tu le parfum de sa peau ?

Elle me parle chinois, là. Jamais, je n’oserai faire ça.

Elle s’énerve.

— MarieSophe, tu n’as plus quinze ans. Lâche prise quand tu es avec lui. Ce soir, profites-en pour aller le voir chez lui. Je suis certaine qu’il aura bien un truc à cuisiner pour vous deux.

Enzo déboule alors dans la chambre.

— Tu viens ? Et toi marraine ?

Je lui ébouriffe les cheveux alors que sa mère répond à ma place.

— Marie-Sophie a autre chose à faire pour l’instant.

Mais elle se tourne vers moi et m’interroge :

— C’est toujours OK pour ta participation avec les enfants ?

Je fais oui de la tête. Elle prend la main de son fils et ils m’abandonnent.

Je fais une grimace à mon miroir. Dans Mary Poppins, le visage qui lui fait face lui rend. Ici, il ne se passe rien.

Je descends dans la cuisine et jette un œil par la fenêtre. Personne dans le jardin, mais je sens un parfum de confiture qui vient de chez Morgan.

Sans réfléchir davantage, je pars le rejoindre. Je l’aperçois alors qu’il touille consciencieusement les fruits. Il est torse nu, un torchon blanc ceint autour de la taille. Je l’observe. Ses cheveux trop longs bouclent sur son front, il chasse, agacé, une guêpe qui tourne près de lui. Il est bronzé et je ressens une attirance que je n’avais jamais perçue auparavant. Mélusine avait raison. Si je prenais le temps de le regarder… Il lève les yeux et m’aperçoit. Il me sourit. Je ne m’étais jamais aperçue que son sourire était aussi sexy, oui c’est le mot. Je me rends compte que c’est à moi qu’il adresse ce sourire et à moi seule. Il a une manière de me contempler qui me fait rougir.

Je m’approche. C’est de la confiture de fraises qui mijote. Le parfum me parvient et je ferme les yeux de plaisir.

— Elle est presque cuite. Tu voudras la goûter ?

Il attrape une petite assiette qu’il avait mise au frais, y verse une cuillerée de fruits et trace un trait au milieu. Les deux lignes ne se rejoignent pas.

— Parfait ! J’éteins tout.

Il est fier de lui. Je le vois à sa manière de se frotter les mains. Morgan est heureux avec rien. C’est ce qui fait son charme. J’aimerais bien lui ressembler.

Les pots sont alignés sur la table de jardin protégée d’une toile cirée.

— Tu veux m’aider ?

Il m’invite à le rejoindre.

— Goûte celle que j’ai faite hier.

Il enlève le couvercle, prend une petite cuillère et l’approche de ma bouche. Je la savoure cette confiture, surtout quand il passe un doigt sur mes lèvres pour effacer le surplus qui a coulé. J’attrape sa main. Nos yeux se rencontrent. J’oublie le miroir.

À très vite…