Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

C’est ici que tu peux trouver les épisodes précédents et je te partage ce que j’ai prévu pour la robe de mariée de Marie-Sophie ainsi que sa coiffure. Idem pour la tenue de Mélusine.

— C’est une très mauvaise idée !

Mélusine fronçait les sourcils et faisait non de la tête en soupirant. J’avais pensé que je pouvais essayer ma robe dans la maison des parents d’Archibald, il n’en saurait rien.

— Tu parles ! grogna-t-elle. Parce que tu imagines que personne ne te verra rentrer avec ton paquet sous le bras ? Nous ne sommes plus qu’à quelques jours de votre mariage, le village vous surveille, toi et Archi, ils sont à l’affût de la moindre information pour la galvauder à qui mieux mieux et tu vas débarquer chez les nouveaux propriétaires de la grande bâtisse sans que personne ne le remarque ? Laisse-moi rire !

Elle croisa les bras.

— Je refuse que tu te mettes dans un tel bourbier. Archibald ne te le pardonnera pas. Avoue que c’est idiot ! Le jeu en vaut-il la chandelle ?

Je soupirais.

— Je n’ai plus mes parents Mélusine et ils vont terriblement me manquer ce jour-là, alors…

— Mais ils ne sont pas tes parents, MarieSophe ! Tu ne les connais pas, tu ne sais pas ce qui s’est vraiment passé, je t’en prie, ne gâche pas tout !

— Charles dit qu’ils voulaient revoir leur fils.

— Ils en auront mis du temps, remarqua-t-elle.

Ce n’était pas faux et je repensais à Candice m’interrogeant du regard chaque fois que j’allais m’installer sur la place avec le food truck. Mélusine ne m’accompagnait pas toujours et je ne lui racontais pas tout. Archibald ne me questionnait jamais et je n’osais plus amener le sujet sur le tapis.

J’eus alors l’idée d’emmener ma robe avec moi et peut-être que l’occasion se présenterait. Je pourrais livrer chez eux un pain ou autre chose.

Je n’en parlais plus. Ce matin-là, sur la place, il y avait les habitués et comme d’ordinaire, je ne vis pas le temps passer. Je m’aperçus alors que les parents d’Archibald n’étaient pas venus. Peut-être étaient-ils souffrants ? Je n’osais pas poser la question. J’eus l’idée d’aller chez eux une fois que j’aurai tout remballé. Avec un peu de chance, les habitants seraient occupés à préparer le déjeuner et ils ne se rendraient compte de rien. Et puis après tout, j’avais le droit d’aller livrer des clients.

Je sonnais donc à la grille. Je fus étonnée de voir arriver Candice en personne. Même si je fus rassurée, je ne pus m’empêcher de me poser des questions.

— Bonjour Marie-Sophie ! Je ne suis pas venue parce que je voulais vous faire la surprise et que j’avais peur de vous la dévoiler, mais puisque vous êtes là…

Elle m’invita à entrer. Je ne vis pas la camionnette d’Archibald arriver sur la place. Je n’avais pas entendu mon téléphone biper, il m’avertissait qu’il faisait une livraison au village.

Je n’avais pas fait trois pas dans leur salon que la sonnette tintait. Candice regarda par la porte-fenêtre.

— Vous aviez prévenu Archibald de votre visite ?

Mon cœur s’emballa. Elle sortit, moi juste derrière elle. Je compris immédiatement au regard d’Archibald qu’il était furieux. Il tendit la main vers moi. Je ne savais plus quoi faire et j’allais le suivre pour ne pas envenimer la situation, mais son père qui avait dû nous apercevoir nous rejoignit à grandes enjambées. Il attaqua d’emblée.

— Archibald, ça suffit ces bêtises ! Ta mère n’en dort plus et je ne suis pas loin de vivre la même chose. C’est complètement stupide ces fâcheries, tu ne m’as jamais laissé t’expliquer.

— Tu as raison et j’aurais dû en parler à Marie-Sophie depuis longtemps. J’ai eu tort, mais puisqu’elle est venue chez vous, j’aurais dû m’en douter d’ailleurs, elle est bien trop gentille. Vous avez dû lui demander d’assister à notre mariage.

Avant que je dise un mot, il enchaina :

— Mes parents sont riches ! Ils ont gagné au loto. Je reconnais que mon père a bien su gérer son argent et qu’il l’a fait fructifier ce qui le met à l’abri pour le reste de sa vie. Seulement, cet argent, il l’a volé et…

— Mais non ! ce ticket n’est pas celui qui était dans ton tiroir, j’avais bel et bien joué, mais tu n’as jamais voulu me croire. Tu n’as même pas cherché à comprendre où était passé ce billet. Tu n’étais pas le seul apprenti, rappelle-toi et pas le seul non plus à ouvrir ce tiroir.

Mon amoureux fronça les sourcils, mais il ne répondit pas. Son père continua.

— Figure-toi que j’ai mené mon enquête, c’est cet abruti de Mathéo qui avait ramassé le ticket. Jaloux de toi comme il était, tu penses bien qu’il n’a jamais rien dit, il était bien trop content de te voir fâché avec tes parents, toi qui réussissais tout et qui avais une famille.

— Tu mens, pourquoi ne m’as-tu rien dit ?

C’est Candice qui intervint :

— Une vraie tête de pioche, ton père, tu l’avais vexé. Il n’a pas voulu faire le premier pas, il répétait à qui mieux mieux que c’était à toi de t’excuser. Il n’a jamais accepté d’être traité de voleur.

— Personne n’a rien su ?

— Non, tu penses bien qu’il n’allait pas se vanter de cette histoire.

— Et Mathéo ? Il ne pouvait pas venir me voir et me parler ?

— Comme ton père l’a dit, il était bien trop content et puis… il est mort dans un accident de voiture, tu ne pourras pas vérifier ce qu’on te raconte.

— Comme c’est facile !

Je m’approchais d’Archibald et glissai ma main dans la sienne. Nous allions partir quand Victorien ajouta :

— N’empêche que si je n’avais pas gagné tout cet argent, tu n’aurais jamais pu t’installer ici.

Je sentis Archibald se raidir. Il se tourna vers son père.

— Que veux-tu dire ?

— Comment crois-tu que tu aies aussi facilement obtenu ton prêt pour pouvoir faire tous les travaux ? Tu sais très bien que la vente de ta boulangerie ne couvrait pas tous les frais, et tu ne t’es pas posé de questions ? Tu as sincèrement pensé que le banquier qui ne te connaissait pas te faisait confiance parce que tu étais un bon artisan ?

Le sourire affiché de Victorien ne me plut pas. Le père et le fils s’affrontèrent du regard, ce fut Victorien qui baissa les siens en premier.

Archibald tourna les talons et sans un mot m’entraina avec lui. La grille se referma sans un bruit. Archi me serrait si fort la main que je sentais toute sa détresse. Ce n’est qu’à l’abri du food truck, qu’il s’effondra. Je ne l’avais jamais vu pleurer.

© Isabelle-Marie d’Angèle — septembre 2024).

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Je n’avais pas compris et je ne comprenais toujours pas. Archibald ne m’avait jamais parlé de ses parents. Mélusine était aussi surprise que moi. J’avais beau essayé de me rappeler s’il y avait fait allusion quand nous étions plus jeunes, et force est de constater que c’était le silence radio.

Je m’étais d’ailleurs demandé pourquoi les miens ne l’appréciaient pas, peut-être qu’eux les connaissaient.

Toujours est-il que depuis qu’Archibald savait qu’ils étaient dans la région et qu’ils s’y étaient installés, il était d’une humeur massacrante et refusait le dialogue avec nous.

La semaine dernière quand il les avait reconnus sur la place du village, je ne l’avais jamais vu aussi pâle. Les habitants curieux étaient ravis d’avoir un tel scoop, mais Archibald les avait tous laissés sur leur faim en remontant dans sa camionnette, sans même un regard pour eux.

Mélusine et moi étions restées médusées, ce n’était pas du tout dans le caractère d’Archibald de se comporter ainsi, il devait s’être passé quelque chose de rudement grave pour qu’il ne veuille pas parler à ses parents.

Je ne savais plus comment faire avec eux, ils allaient quand même devenir mes beaux-parents et je ne pouvais pas les ignorer, mais la maman d’Archibald m’avait souri et m’avait souhaité tout le bonheur du monde. De toute façon, comme avait remarqué son père, ils n’étaient pas loin, si l’envie me prenait de faire plus ample connaissance avec eux, leur porte m’était grande ouverte. Je reconnaissais en eux, le caractère si chaleureux de mon amoureux.

Comme d’ordinaire, les habitants s’étaient dispersés, les parents d’Archibald étaient repartis vers leur bâtisse. Et puis, une cliente avait dit :

— Ils doivent être sacrément riches pour avoir acheté cette baraque, l’ancien propriétaire il en voulait de l’argent, il n’a pas dû baisser son prix.

Une autre avait surenchéri :

— C’est peut-être pour ça qu’il a pu faire sa boulangerie, il fait le fier, mais en fait c’est grâce à eux.

Elles avaient parlé assez fort pour que nous entendions, mais tout comme moi Mélusine fit la sourde oreille et nous avions continué à ranger.

Sur le chemin du retour, Mélusine avait remarqué :

— C’est vrai que nous ne nous étions jamais posé la question d’où venait l’argent.

Elle avait raison.

— Il n’y a pas de honte à être riche après tout ! dit-elle en me regardant.

Je tournais la tête vers elle. Mélusine n’avait pas de famille, abandonnée dès la naissance, elle avait été placée en foyer. À sa majorité, elle avait trouvé des petits boulots pour gagner sa vie et comme elle avait des doigts de fée, elle avait vite ouvert une mercerie en empruntant. Nous nous étions rencontrées par hasard, dans un bar, j’étais avec Archibald, et nous regardions un match de foot. Il y avait une ambiance de dingues. Elle était à fond et à chaque but marqué, elle se déchainait. Nous étions à la même table et tout naturellement quand Archibald m’avait offert à boire, il lui avait demandé ce qu’elle voulait. Nous avons vite compris qu’elle ne soutenait pas une équipe en particulier, juste elle applaudissait à un but et ça nous avait fait rire.

Cela faisait une semaine et c’était le silence radio du côté d’Archibald. J’avais vite réalisé qu’il était inutile de poser des questions.

J’avais donc interrogé pépé Charles, peut-être avait-il entendu quelque chose. Je compris immédiatement à sa manière de se gratter la tête qu’il savait. J’aurais dû m’en douter, il était très ami avec Clovis, celui qui tenait le bar du village où nous habitions avant. C’était là que j’avais appris à jouer au tarot avec ses potes, Jojo, Pierrot et Lulu. S’il y avait bien un endroit où les langues se déliaient, c’était chez lui ! Pourquoi n’y avais-je pas pensé plus tôt.

— Je lui ai toujours dit à Archibald que ce n’était pas bien de rester fâché. Surtout que ce n’était pas une catastrophe de gagner au loto.

À voir ma surprise, Charles comprit que je n’étais au courant de rien. Il tenta une marche arrière.

— Ouais enfin, c’était ce qu’il se disait. Peut-être que c’était pas vrai.

— Tu veux dire que ses parents ont gagné au loto ? Une grosse somme ?

— Le pactole oui !

Jamais, je ne m’en serais doutée. Rien chez Archibald ne le laissait présager.

— Ils avaient joué chez Clovis alors tu penses bien qu’il était au courant. Il y a eu la presse et tout et tout, mais il n’a jamais dévoilé leur nom. Personne n’en a rien su. Sauf moi ! Nous étions tellement amis avec Clovis. D’ailleurs, tu savais qu’il m’envoie régulièrement des SMS ?

Charles avait tout quitté pour me suivre et abandonné ses amis. Je l’aimais comme un grand-père.

— Seulement… ce n’était pas eux qui avaient joué. Figure-toi qu’Archibald a trouvé le billet par terre dans sa boulangerie. Il ne savait pas comment faire pour savoir à qui il appartenait. Il ne pouvait pas mettre une annonce ni l’afficher dans sa vitrine. Quand le pactole a été gagné, il a été content, ce n’était pas son billet inconnu. Il n’a pas compris tout de suite, vu que le nom n’avait pas été dévoilé et il pouvait donc détruire le ticket. Sauf qu’il ne l’a jamais retrouvé. Il l’avait rangé dans un tiroir dans son laboratoire. Lorsqu’il a réalisé que c’était eux qui avaient touché la cagnotte, il ne leur a plus parlé. Il les a accusés de vol et il ne voulait pas être le fils de voleurs.

— Tu parles de la boulangerie du village où nous habitions ?

— Non, c’était celle où il était en apprentissage. Je ne sais pas si vous vous connaissiez déjà. Moi oui, parce qu’il venait chez Clovis livrer le pain.

— Et du coup, ce billet de loto ?

Pépé Charles haussa les épaules.

— Qu’est-ce que tu veux que je te dise, ses parents ont nié l’avoir volé et lui ne les a jamais crus. Il a coupé les ponts. Sa mère m’a raconté une histoire abracadabrante et…

— Parce que tu les connaissais bien ? l’interrompais-je.

Charles soupira.

— Mais oui, ça me fendait le cœur. Elle me suppliait d’intervenir, son père faisait sa tête de pioche, son fils ne voulait plus le voir, qu’il aille au diable et chacun est resté campé sur ses positions et ça dure depuis des années. Je ne savais pas qu’ils viendraient habiter par ici.

— Si tu voyais la maison, ils doivent avoir sacrément de l’argent.

— Son père a bien su s’occuper de ça apparemment. L’argent ne lui est pas monté à la tête.

— Il a dû aider Archibald pour s’installer ici et…

— Certainement pas, me coupa pépé Charles. Il n’en aurait jamais voulu. Archibald s’est toujours débrouillé seul.

Depuis, je ne savais plus comment aborder le sujet avec Archibald. Mélusine me conseillait de laisser faire le temps, ce à quoi je répliquais qu’il en avait laissé passer du temps.

Alors aujourd’hui, quand j’ai vu débarquer ses parents dans la boulangerie, je n’ai pu m’empêcher de jeter un coup d’œil dans le laboratoire.

— Ne vous inquiétez pas, il est parti, me rassura aussitôt sa mère. Je me présente, je suis Candice et voilà mon mari Victorien. C’est à vous que nous voulions. Nous aimerions assister à votre mariage, pensez-vous que ce sera possible ?

© Isabelle-Marie d’Angèle (juin 2024).

Il faudra être patient, la suite… tu ne la découvriras qu’en septembre 😂.

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Tu peux trouver les épisodes précédents ici.

Il faisait un soleil magnifique quand Mélusine et moi ouvrâmes le food truck. Nous n’avions même pas eu le temps de déplier quelques chaises, que les clients arrivaient en papotant les uns avec les autres, en riant, en nous saluant avec joie et bonne humeur. Heureusement qu’Archibald avait fait le plein de pains parce qu’à voir la file de Basques qui s’avançaient vers nous, nous allions avoir du travail.

— Alors, ça approche le mariage ?

Cette question, je crois qu’il ne se passait pas un jour sans que je l’entende. Ils étaient curieux et voulaient tout savoir, mais je ne leur répondais pas. Ils ne m’en tenaient pas rigueur et je pense même qu’ils seraient déçus si j’en disais trop.

Je commençais à préparer les sandwichs alors que Mélusine prenait les commandes. Un autre sujet que mon mariage semblait les enthousiasmer. La grande bâtisse était vendue.

— De laquelle parlez-vous ? m’intéressais-je.

Plusieurs se tournèrent et montrèrent du doigt une belle maison de type on ne peut plus basque, aux volets rouges, qui terminaient la rue. Un parc la protégeait des curieux, mais aujourd’hui un ballet de camions s’agitait devant ses grilles.

— Elle a été vendue et les propriétaires sont arrivés. Ils doivent avoir des sous parce qu’elle a été bien rénovée.

— Elle en avait bien besoin.

— On ne les connait pas.

— Ils ne doivent pas être d’ici.

— Ils ne sont pas encore montrés.

— Peut-être qu’ils viendront se servir chez vous ?

— Tu parles, ils ne sont pas du même monde.

Mélusine et moi écoutions en souriant et en préparant rapidement leur commande. Je voyais mon stock de pains filer à vue d’œil. Soudain, le silence s’installa.

Surprise, je levais les yeux. Mélusine me donna un coup de coude. Nos clients habituels se poussèrent pour faire de la place. Un couple d’une cinquantaine d’années approchait, la mine avenante. Lui, en jeans chemisette, chapeau de cow-boy vissé sur ses cheveux bouclés noirs grisonnant, elle, en robe à bretelles, cheveux longs détachés légèrement striés de blanc. D’emblée, je les trouvais sympathiques. Ils saluèrent les habitants et effectivement, ils étaient les nouveaux propriétaires de la maison qui les faisait tant parler. Ils avaient vu qu’il y avait un food truck sur la place, pourquoi ne pas faire connaissance ?

Les Basques, méfiants, répondirent à leur bonjour du bout des lèvres et n’engagèrent pas la conversation. C’est Mélusine qui présenta nos produits.

— Vous venez toutes les semaines ? m’interrogea la dame.

— Heureusement, remarqua une cliente en riant. Comment ferions-nous sans le pain ?

— Il n’y a pas de boulanger ici ? demanda l’homme en enlevant son chapeau.

Je le regardais et il me fit penser immédiatement à Archibald. Ils avaient les mêmes yeux qui se plissaient. Surprenant !

— Il faudra que vous alliez au village voisin, le nouveau qui…

— Il n’est plus aussi nouveau que ça, ça fait bien deux ans qu’il est là maintenant, l’interrompit un habitué en tapant dans ses mains.

— C’est vrai que le temps passe vite.

— Qu’a-t-il donc de spécial ce boulanger ? demanda l’inconnue.

— Vous n’avez qu’à interroger la p’tite dame, répondit le Basque en me désignant. Ils vont se marier. C’est sa fiancée.

— Félicitations ! le couple me regarda en souriant et je ne pus m’empêcher de rougir.

— C’est sa meilleure amie, là, elle s’appelle Mélusine. Une vraie fée pour coudre. D’ailleurs, c’est elle qui lui fait sa robe de noces.

Qui a dit que les Basques n’étaient pas bavards ? À croire que les inconnus leur avaient jeté un sort, on ne pouvait plus les arrêter. Je les interrompis en demandant ce qu’ils voulaient goûter.

— Je vous fais confiance, donnez-nous ce que vous prendriez si vous étiez à notre place.

Je ris. Si Archibald était là, il répondrait qu’ils n’étaient pas sortis de l’auberge, vu que j’aimais tout ce qu’il faisait. D’ailleurs, mon portable vibrait, c’était lui. Je mis le haut-parleur pour mieux l’écouter.

— Je vais passer te faire un coucou, je dois aller chercher de la farine au moulin. Tu n’as besoin de rien ?

Ravie je regardais les personnes encore devant le food truck qui avaient compris et qui se filaient des coups de coude d’un air entendu, je remarquais aussi que le couple s’était assis et ne semblait pas pressé de rentrer chez eux.

Mélusine me fit signe qu’Archibald pouvait apporter son pain aux noix, il était parti le premier et si les nouveaux voulaient le goûter.

Dans dix minutes, il serait là et comme une gamine, j’étais heureuse. La matinée était passée vite. En l’attendant, je m’approchais des inconnus.

— Vous êtes de la région ?

— Pas du tout, répondit l’homme.

— Pourquoi ce choix alors ? demanda un habitant, surpris.

Il sourit.

— Je sais que vous appréhendez un peu les étrangers, mais… nous avons de la famille ici, et ma femme et moi avions envie de nous en rapprocher.

La camionnette d’Archibald arrivait, il klaxonna et les habitants le saluèrent en riant.

— Le voilà notre boulanger, vous voyez, ce n’est pas loin. Vous pourrez presque y aller en vélo.

Il s’approcha du food truck et déposa ses pains, salua Mélusine qui tendit sa joue, et vint vers moi. Je me décalais pour l’embrasser quand il se figea.

— Papa maman ? Mais qu’est-ce que vous fichez là ?

— Bonjour mon garçon ! Heureux de te revoir, dit son père en se levant.

Pas étonnant que je lui trouvais une ressemblance !

© Isabelle-Marie d’Angèle (juin 2024).

Je te mets ci-dessous la maison choisie pour mes inconnus (enfin pas si inconnu que ça finalement 😉).

La maison des inconnus
À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

J’ai adoré écrire ce chapitre 💗

Mélusine est en plein Boum comme elle dit. Ensevelie sous un monceau de tulle, elle travaille sur ma robe de mariée.

Quelque chose de simple, dans un ton d’écru qui irait à ma teinte de rousse. Mélusine m’a emmenée dans les boutiques de tissus et j’ai trouvé mon bonheur. Elle m’a ensuite proposé des modèles et nous nous sommes mises d’accord. Je voulais une tenue sobre qui me correspondait. Oui, mais Mélusine ne l’entendait pas tout à fait de cette oreille.

— Ferme les yeux !

Elle avait déboulé dans la cuisine et m’avait entrainé dans son atelier. Je n’avais plus eu le droit d’y mettre les pieds depuis plusieurs semaines, mais aujourd’hui, elle ne tenait plus en place, ma robe devait être prête et elle allait me la faire découvrir. Mon amie était fière, elle avait des étoiles plein les yeux, et attendait de voir ma réaction.

Alors, elle monta tout un scénario. Tout d’abord, elle me banda les yeux et me prit la main. Il y avait quelques marches pour parvenir à son antre. Elle me guida en riant.

— Promis, tu me dis si tu aimes, pas de blabla avec moi, s’il y a des choses qui te déplaisent, dis-le. Nous avons encore le temps pour rectifier le tir.

Elle avait réussi à me donner le trac. Elle était tellement heureuse. C’était sa première robe de mariée et qu’elle soit pour moi la rendait doublement fière. Archibald n’avait plus le droit d’aller à l’étage, il était banni. Il ne devait pas découvrir ma tenue, ça portait malheur, répétait-elle à longueur de journée. Il devait appeler quand il rentrait pour ne pas apercevoir des bouts de tissus ou des catalogues qui pouvaient le mettre sur la voie. Du coup, il arrivait tard et comme il partait tô, je ne le voyais qu’à la boulangerie, d’autant plus qu’il dormait dans sa chambre le plus souvent pour ne pas me réveiller lorsqu’il se levait.

Lui aussi avait ses secrets. Le dessert de notre repas, je n’avais pas le droit de poser des questions. C’était son domaine. Tout comme, je ne savais pas comment était son costume. Mélusine si, la chipie ! Elle m’avait expliqué qu’elle devait tout connaitre pour ne pas faire d’impair avec ma tenue, la couleur de sa chemise ne doit pas faire tache avec celle de ta robe, insistait-elle. Il était allé le choisir avec Saverio et sa femme, c’était ce que j’avais cru comprendre. D’ailleurs, Saverio me faisait des clins d’œil en m’assurant qu’il était à tomber, que j’allais être encore plus amoureuse. Comme si cela était possible !

— Tu es prête ?

Elle me défit lentement le bandeau.

— Tu peux regarder.

Je dus m’habituer à la luminosité avant d’apercevoir sur un mannequin, ma robe. Aussitôt, j’eus les larmes aux yeux. Elle était magnifique et Mélusine qui me connaissait bien avait respecté à la lettre mes vœux.

Je n’osais pas la toucher, tellement elle semblait aérienne. Le bustier en dentelle était d’une rare beauté, je n’aurais jamais pensé porter ça un jour.

— Tu essayes ?

Je quittais mon jeans et mon tee-shirt et Mélusine m’aida à la passer. Le tissu glissa sur moi et je me sentis aussitôt différente. Quand je me regardais dans le grand miroir, je ne me reconnus pas. Mélusine qui se tenait derrière moi vérifiait le tombé. La robe s’étalait à mes pieds sans être trop longue.

— Alors ?

Je ne pus retenir mes larmes de bonheur et la prit dans mes bras.

— Tu es une fée Mélusine, elle est magnifique cette robe.

— Sérieusement, elle te plait ? Je ne pense pas qu’il y ait de retouches. Tu te sens bien ? Elle ne te serre pas ? Tu es à l’aise dedans ?

Elle tournait autour de moi, des épingles dans la bouche, alors qu’elle n’en avait pas besoin.

— Tiens, je t’ai apporté tes chaussures. Mets-les, que je vois si la robe n’est pas trop longue.

— Et si elle est trop courte ? demandais-je malicieusement.

— Impossible, j’ai tout calculé.

J’ouvrais la boite et enfilais les sandales de la même couleur que la robe, elles avaient un petit talon et étaient découvertes.

— J’ai trouvé le vernis qui conviendra.

Je ne pus m’empêcher de tournoyer comme une gamine. Mélusine éclata de rire et tapa des mains.

— Que je suis contente ! tu vas être la plus belle des mariées !

Elle sortit un nouveau catalogue et me dit :

— J’ai pensé aussi à la coiffure que tu porteras. Comme tu es fan des nattes, regarde ce que j’ai dégoté. Si u veux, je peux trouver des petites fleurs pour te les piquer dedans.

Je découvrais une tresse torsadée sur le côté. J’avais les cheveux assez longs pour la faire, j’aimais ce côté romantique.

— Justement, je suis certaine qu’ils adoreront voir ça et je parie qu’ils garderont le secret. De plus, Archibald aime tes cheveux nattés, depuis le temps qu’il les connait, ajouta-t-elle en riant.

— Ce n’est pas pareil que mes deux nattes de chaque côté quand même, répondis-je le cœur en fête.

— Regarde, j’ai fait aussi le petit costume d’Enzo. Et…

Je n’avais pas remarqué un autre mannequin dans le fond de la pièce.

— Dis-moi ce que tu en penses.

Elle dévoila sa robe.

— Mais comment as-tu eu le temps de faire ça ?

Je m’approchais de sa tenue.

— Passe-la, je verrais comment ça rend toutes les deux.

— Elle n’est pas tout à fait terminée. Tu aimes la couleur ?

Sa robe longue était rose poudrée. Mélusine portait très bien les bustiers. Elle allait être magnifique elle aussi.

Nous entendîmes en même temps du bruit en bas puis une cavalcade dans l’escalier. Enzo déboula dans l’atelier. Bouche ouverte, yeux écarquillés, il réussit à dire :

— T’es trop belle marraine.

Puis, il ajouta en crachant par terre :

— Promis, je ne dirai rien à Parrain.

© Isabelle-Marie d’Angèle (juin 2024).

Je me suis bien amusée à trouver les robes de mariée qui pourrait correspondre à Marie-Sophie ainsi que sa coiffure et ses chaussures.

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Ici tu trouveras tous les épisodes 😉

Marie-Sophie

Pourquoi était-ce toujours chez moi que les âmes blessées débarquaient ? J’allais partir quand François avait frappé à ma porte. Surprise, je l’accueillis avec le sourire.

— Si tu cherches Mélusine, elle n’est pas là.

— C’est à toi que je désirais parler.

Je regardais l’heure. C’était le jour de ma tournée et le temps que je rejoigne le Foodtruck, que je le remplisse des pains frais, j’allais être en retard.

— Tu es pressée ? Je t’embête ?

François était un type qui ne voulait jamais déranger et qui était toujours très discret. Il me fit de la peine, je l’invitai à entrer.

— Je préviens Archibald que je ne serai pas à l’heure et je suis à toi.

Heureusement qu’il était compréhensif Archi et que, par chance, Maddi était déjà arrivée. Elle allait commencer le chargement.

— Je te donne dix minutes et tu m’emmèneras, ça ira plus vite en voiture.

Il acquiesça et accepta le mug de café tout chaud. Il ne prit pas le temps de s’asseoir.

— Est-ce que Mélusine a rencontré quelqu’un ?

Stupéfaite par l’attaque, je rougis et bégayais un lamentable :

— Qu’est-ce que tu racontes ? En voilà une idée.

Je n’ai jamais su mentir et à la manière dont je me détournais rapidement, il comprit immédiatement.

— Je m’en doutais. Tu le connais ?

Ce n’était pas à moi de lui apprendre la vérité, je tentai de gagner du temps.

— Elle t’a dit quelque chose ?

— Donc c’est vrai, elle a quelqu’un.

Il posa sa tasse.

— Attends… elle t’aime François, ça, je le sais.

— Mais…

J’hésitais, puis je me jetais à l’eau et tant pis, si Mélusine m’engueulait. Elle n’avait qu’à lui parler.

— Tu connais le polyamour ?

Il murmura un ouais en soupirant.

— D’accord, j’ai compris. Elle en aime un autre tout comme moi.

Je respirai mieux. Il était un peu au courant.

— Je sentais bien qu’elle voulait m’avouer quelque chose. Tu es adepte de ça, toi ?

Je compris aussitôt tout le dédain dans le mot ça.

— Pas du tout. J’ai déjà du mal à rendre heureux un homme alors deux… je n’imagine même pas.

Je tentai de rire, mais sa réponse me cloua sur place.

— Pourquoi ne suis-je pas tombé amoureux de toi ? C’est vrai, tu es belle, tu es libre, tu es…

— Stop ! je ne suis pas libre, je vais me marier.

Il rit.

— C’était une boutade Marie-Sophie. Mais il n’empêche que tout aurait été plus simple.

— Ma vie amoureuse n’est pas non plus de tout repos, regarde ce qu’il s’est passé avec Morgan.

Le silence s’installa, mais je ne pouvais pas m’attarder plus longtemps.

— Tu m’emmènes ?

Je l’entrainai dehors. À peine assis au volant, il reprit :

— Que dois-je faire pour la garder ? Accepter de la partager ? Ce n’est pas du tout comme ça que j’envisageais ma vie avec elle.

Je ne sus quoi lui répondre. À sa place, je ne pourrais pas non plus partager Archibald. Lorsque nous arrivâmes à la boulangerie, Mélusine en sortait. Elle nous aperçut descendre tous les deux de la voiture. Elle s’avança vers nous tout sourire. Je pris les devants.

— François a débarqué à la maison pensant te trouver, comme je n’étais pas en avance, il m’a amené jusqu’ici.

Je me tournais vers lui et dis :

— Tu as de la chance, Mélusine va pouvoir repartir avec toi.

Je les abandonnais aussitôt, mais j’entendis Mélusine répondre :

— Je peux te présenter quelqu’un ?

Je jetais un coup d’œil en arrière et j’aperçus le toubib accompagné.

Je ne voulus pas en savoir davantage, j’entrais dans la boulangerie. Elle n’allait quand même pas les mettre face à face !

Curieuse comme je l’étais, je ne pus m’empêcher de les espionner par la vitre du laboratoire. Je vis les deux hommes se serrer la main et la jeune femme embrasser François.

— Qu’est-ce que tu regardes ?

Archibald passa son bras autour de mes épaules. Je me blottis contre lui. L’amour avec lui était beaucoup plus simple, mais je n’étais pas au bout de mes surprises.

— Elle va faire les présentations, elle n’a trouvé que ce stratagème pour expliquer à François ce qu’est le Polyamour.

— Tu étais au courant ? l’interrogeais-je surprise ?

— Elle vient de m’en parler et j’ai du coup rencontré Bastian et Cassandre sa compagne.

Je soupirais.

— Tu vas t’ennuyer avec moi finalement, je n’ai pas la fantaisie qu’à Mélusine.

Il éclata de rire.

— Le polyamour tu appelles ça de la fantaisie ? Alors, tu vois, je préfère ta fantaisie à toi. Te partager, ce n’est pas pour moi, j’en ai bien trop souffert quand tu étais avec Morgan.

Il retourna aussitôt à ses fours regrettant presque de s’être livré. Maddi nous rejoignit coupant court à la conversation.

C’est alors que j’aperçus Gabriel. Il salua Mélusine, serra la main de François et Bastian et sidérée, je le vis embrasser Cassandre. Je réalisais qu’ils devaient tous se connaitre, Mélusine ne m’avait-elle pas dit que Cassandre était au service des urgences ?

François était le seul dont le sourire n’atteignait pas ses yeux. J’eus mal pour lui.

Gabriel

Finalement la visite de la maison s’était bien passée. J’ai découvert que Cassandre était amusante et ne se prenait pas la tête. J’ai vite compris que je lui plaisais et qu’elle n’était pas contre que j’aille chez elle pour terminer l’après-midi. Je comptais retourner à l’hôpital, je me suis laissé tenter.

C’était sympa chez elle, mais je réalisais rapidement qu’elle ne vivait pas seule à regarder les photos d’elle en couple. Je connaissais son mec, c’était un gynéco. Nous nous étions déjà rencontrés. Elle me mit tout de suite à l’aise alors qu’elle me demandait ce que je désirais boire. Elle m’apprit qu’elle et Bastian son compagnon s’aimaient, mais chacun était libre de voir ailleurs. Elle m’expliqua ce qu’était le polyamour. Ma foi, pourquoi pas ! Celle qui occupait mes pensées n’en avait rien à faire alors pourquoi refuser ce que cette femme m’offrait.

Elle me tendit un verre de jus de fruits, je ne voulais pas boire, parce qu’on pouvait toujours m’appeler. C’était ça les urgences et j’en étais le chef.

C’était beau chez elle, tout blanc, du canapé aux murs en passant par les rideaux. Je n’ai pu m’empêcher de lui faire remarquer que ça ressemblait un peu à l’hôpital. Elle rit et s’assit sur un fauteuil en repliant ses jambes sous elle. Elle dégageait un charme fou et j’avoue qu’il n’en fallait pas plus pour que je me laisse séduire, ce qu’elle comprit très vite. Bastian étant de garde, nous étions seuls.

Je ne me sentis pas à l’aise quand je la retrouvais avec son compagnon face à la boulangerie. De plus, Mélusine était avec eux. Je captais un mouvement derrière la vitre de la boutique, Marie-Sophie sans doute. Je compris rapidement que Mélusine et Bastian avaient une histoire. Elle ne manquait pas d’air la mère de mon fils, parce que François, lui, ne semblait pas être dans le même délire. Je sentis la colère gronder en moi quand je repensais comment elle m’avait eu pour qu’elle tombe enceinte.

— Alors vieux, ça va ?

Bastian me regardait en souriant. Il était au courant.

— Ne sois pas gêné, Cassandre m’a parlé de toi dès que je suis rentré. Finalement, entre toubibs, ce n’est pas vraiment de la trahison.

Je n’en crus pas mes oreilles, Cassandre aurait tout raconté ? D’ici qu’il me demande comment je la trouvais et qu’il fasse des comparaisons ! le polyamour, décidément, très peu pour moi. Je croisais le regard de François. Ce n’était pas son truc non plus apparemment ! Nous voilà bien, nous pourrions créer un club !

J’entendis le bruit d’un moteur qui démarrait. Je me retournai et vis Marie-Sophie qui partait avec son Foodtruck. Mélusine lui fit signe quand elle passa devant nous. Bastian murmurera à sa compagne :

— C’est la copine du boulanger, elle me fait craquer à chaque fois, mais je crois te l’avoir déjà dit.

Cassandre sourit, mais je n’entendis pas sa réponse. Allons bon, Bastian, un coureur de jupons au service gynéco, ah bravo ! J’étais dégoûté.

© Isabelle-Marie d’Angèle (avril 2024).

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Quel imbécile ! Pour le coup, j’avais tout fichu en l’air. Qu’avais-je donc dans la tête ?

Quand je suis arrivé à l’hôpital, j’étais d’une humeur massacrante. Chef de service des urgences, je devais récupérer rapidement. Mon équipe était bien suffisamment sur les dents, pas question d’en rajouter.

Je filai me changer dans les vestiaires et passai à mon bureau. La nuit avait été mouvementée comme d’habitude avec son lot d’accidents, de bagarres et d’urgences médicales.

J’allumai mon ordinateur et jetai un œil au post-it collé sur le clavier. Je soupirai.

Stupide ! Je l’avais été de bout en bout. J’avais repéré depuis quelques jours une jolie maison que je comptais acheter. Elle avait trois chambres. Enzo aurait eu la sienne et j’avais imaginé que Marie-Sophie nous rejoindrait.

Un coup discret à ma porte me fit lever les yeux, Cassandre l’infirmière en chef passa la tête.

— Il me semblait bien vous avoir vu arriver, docteur. Vous n’étiez pas de repos aujourd’hui ?

Elle me souriait et si je n’étais pas aussi amoureux de Marie-Sophie, j’aurais pu me laisser séduire pas cette jolie femme au regard bleu océan.

— Je n’ai pas encore trouvé de chez moi, j’avoue que le gîte où j’habite me déprime un peu. Je vais en profiter pour trier mes mails, mais n’hésitez pas à me biper si vous êtes en sous-effectif.

— Nous n’étions pas habitués à ça avec l’ancien chef, remarqua ma collègue.

Nous entendîmes en même temps une débandade dans les couloirs, signe qu’une ambulance arrivait et qu’il y devait y avoir eu un accident. Plusieurs sirènes retentirent. Je me levai et la suivant en courant, je lui dis :

— Je crois que j’ai bien fait finalement de venir, vous allez avoir besoin de moi.

J’avais passé ma blouse. Les infirmières se précipitaient, elles prirent quand même le temps de me saluer alors que Cassandre commençait à compter le nombre de lits qu’il y avait pour accueillir les patients.

Incroyable, j’avais une journée de libre. Pas de Foodtruck ni de boulangerie. Maddie était en place et Archibald souhaitait qu’elle fasse plus d’heures afin que je puisse faire autre chose, comme m’occuper de notre mariage par exemple.

Du coup, je lui avais proposé de voir avec lui sa comptabilité, mais il avait refusé en disant qu’il avait un professionnel qui faisait ça très bien. Je lui avais rappelé que je m’y connais un peu et qu’il pourrait ainsi faire des économies. Archibald avait été catégorique. Il n’avait pas de problème de trésorerie et il préférait faire travailler les personnes qui en avaient fait leur métier.

J’étais donc libre comme l’air. Pourquoi ai-je eu envie d’aller retrouver Gabriel pour avoir une explication avec lui ?

Mélusine était occupée ailleurs et Enzo était l’école. Je pris la voiture et la direction de l’hôpital.

C’était le bazar là-bas. Je m’en rendis vite compte en découvrant le balai des ambulances et des brancards.

De plus, le parking était plein. Je me garai dans une petite rue adjacente et sans réfléchir, composai le numéro de Gabriel.

Je sentis mon portable vibrer alors que je soufflais un peu. Un grave accident avait eu lieu dans la périphérie et c’était vers notre service que les pompiers et ambulanciers s’étaient dirigés. Heureusement, je ne comptais pas de décès et tout était sous contrôle.

Lorsque je découvris qui m’appelait, mon premier réflexe fut de lui parler. Mais une infirmière me tendait des papiers à signer et le répondeur s’enclencha.

Je rejoignis mon bureau tout en l’écoutant. Marie-Sophie était sur le parking. Pour ne pas changer d’avis, je textotai aussitôt que j’étais très occupé et que je n’avais pas de temps à lui consacrer et je rangeai mon portable. Je croisai Cassandre qui se dirigeait vers la machine à café.

— Je vous en offre un, même s’il n’est pas terrible ? J’ai cinq minutes.

J’acceptai sans hésiter et alors que j’attendais que le liquide emplisse le gobelet, je m’entendis lui demander si elle voulait venir avec moi visiter la maison que j’avais repérée.

— Où est-elle située ? m’interrogea-t-elle intéressée.

Je n’avais pas retenu l’adresse.

— S’il n’y a pas d’imprévu, je termine à 14 heures, je suis libre cet après-midi.

J’acquiesçai, jetai le verre en plastique dans la poubelle et repartis vers mon bureau. Je regrettai déjà ma demande complètement loufoque.

J’aurais dû me douter que Gabriel était occupé. J’allais repartir quand j’aperçus Mélusine qui sortait de l’établissement. Surprise et en même temps inquiète, je descendis de la voiture.

— Qu’est-ce que tu fais là Marie-Sophie, tu n’étais pas off aujourd’hui ?

Elle fronça les sourcils et me toisa :

— Ne me dis pas que tu étais venu voir Gabriel ?

— Et toi que fais-tu ici ? Tu es malade ?

À remarquer son sourire, ça ne devait pas être grave. J’avisai aussitôt le service dont elle sortait.

— Non, Marie-Sophie, je ne suis pas enceinte.

Elle n’ajouta rien de plus.

— Où es-tu garée ?

Elle fit un geste vague pour me désigner sa voiture. Je la connaissais bien. Elle me cachait quelque chose.

— OK, je vais tout te raconter, mais tu promets de ne pas me juger ?

Je me revis quand nous étions plus jeunes et je faillis dire croix de bois croix de fer, si je mens je vais en enfer. Je promis sans rien ajouter.

— J’ai rencontré quelqu’un.

Je tombais des nues. Je la croyais amoureuse de François. Je ne pipai mot. Elle s’installa à côté de moi dans la voiture.

— Il travaille ici dans le service maternité, il est gynéco.

Décidément, encore un toubib !

— Il s’appelle Bastian Ezkarai. Regarde.

Je ne pouvais plus l’arrêter. Elle me montra sa photo sur Instagram. Apparemment, il était fan des réseaux sociaux. Je l’avais déjà rencontré, il venait souvent acheter son pain à la boulangerie, mais… il n’était pas seul.

— Tu le vois depuis longtemps ?

— Quelques semaines maintenant. Sa femme aime mes créations.

Elle baissa les yeux. Je murmurai :

— Mélusine… il n’est pas libre.

— Je sais.

Je soupirai. Dans quel guêpier s’était-elle fourrée. Dans peu de temps, tout allait se propager dans le village.

— Il faut que je t’avoue un truc, MarieSophe.

Elle se tortillait les doigts, signe de sa part qu’elle ne savait pas comment me le dire. Je posai la main sur son épaule. Nous étions amies depuis longtemps, elle pouvait me faire confiance.

— Je ne suis pas comme toi, je ne peux pas être la femme d’un seul homme, je peux en aimer plusieurs à la fois. Tu connais le Polyamour ?

Je n’étais pas née de la dernière pluie et je n’étais même pas étonnée. Je savais depuis des années que Mélusine papillonnait. Combien de fois avec Archibald, nous l’avions traitée de cœur d’artichaut. Elle en avait laissé sur le bas-côté des transis d’amour pour elle. Comment avais-je pu imaginer qu’elle se caserait enfin avec François ? Le mariage, la vie à deux, ce n’était pas pour elle. Elle était fidèle à sa manière.

— Bastian et sa femme sont un couple très libre. Il me l’a clairement dit quand nous avons commencé à nous voir. Elle fait la même chose de son côté. Elle est infirmière en chef au service des urgences.

— Et François ?

— C’est là le problème. Il n’est pas du tout adepte du Polyamour. Je n’ai pas encore réussi à lui parler. Je ne veux pas le perdre parce que je l’aime aussi, mais je ne peux pas lui donner l’exclusivité.

Quel drôle de mot quand on parle d’amour !

© Isabelle-Marie d’Angèle (avril 2024)

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Les épisodes précédents sont ici

Je ne faisais pas la tête à Archibald, depuis le temps que je le connaissais, je crois que nous n’étions jamais restés fâchés. Oui, mais voilà, ça c’était avant. Lorsque nous étions amis, ce n’était pas du tout la même chose.

L’histoire avec Gabriel m’avait perturbée et comme me le répétait Mélusine, ça ne devrait pas. Archibald s’était expliqué, c’était au moment où je l’avais presque supplié de ne rien dire de nous deux. Il n’avait pas pris au sérieux Gabriel et l’avait incité à aller tenter sa chance sans réfléchir et il avait complètement oublié de m’en parler.

Comme le remarquait Mélusine à sa façon et elle ne mâchait pas ses mots :

— Gabriel est un con !

Puis elle en rajoutait :

— Il fallait vraiment qu’il soit aveugle pour ne pas comprendre que vous étiez amoureux, et ce depuis longtemps.

Ce à quoi je répondais :

— Toi aussi tu le croyais ?

— Mais évidemment Marie-Sophe. Archibald était malheureux comme la pierre quand tu étais avec Morgan, mais jamais il ne serait intervenu. Il t’aimait trop pour ça. Tu vois, il n’est pas comme Gabriel. C’est vraiment lorsque Morgan est revenu et qu’il a compris que vous n’aviez plus de sentiments l’un pour l’autre qu’il a accepté de te regarder différemment. Il se l’interdisait avant.

— Pourquoi je ne me suis rendu compte de rien ?

— Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question Marie-Sophe, toi seule es capable d’y répondre.

— Justement, peut-être que je ne suis pas assez amoureuse de lui !

Mélusine se mit en colère.

— Tu m’agaces et tu exagères. Quand vas-tu grandir ? Tu ne vas pas tout foutre en l’air pour une guéguerre entre mecs ?

Elle sortit en claquant la porte. Elle avait raison, j’en faisais tout un plat alors qu’il n’y avait pas matière d’en faire. Comme toujours dans cette situation, je cherchai pépé Charles.

Je regardai l’heure, il restait un peu de temps avant de partir faire ma tournée avec le food truck. J’y allais seule aujourd’hui, Mélusine avait du travail de couture et elle devait aussi s’occuper de ma robe. Elle avait des idées à me soumettre. Nous n’avions pas encore fixé de date.

Charles était attablé devant les informations matinales. Dès qu’il m’aperçut, il éteignit l’écran.

— Tu viens prendre un café avec moi ma petiote ? J’en ai du tout chaud.

Il ne me laissa pas répondre et me servit. J’avais toujours une tasse pour moi, il l’avait trouvée dans un vide-grenier avec mon prénom écrit dessus. Il ne pouvait pas passer à côté ne cessait-il de me répéter.

— Alors ce mariage, c’est pour quand ?

Je grommelai, les yeux sur mon café, que nous n’avions pas fixé de date.

— Ne tardez pas trop quand même, je ne suis plus tout jeune. On ne sait jamais ce que la vie nous réserve. J’ai dépassé la barre des 80 ne l’oublie pas.

Il m’attrapa le menton et le releva.

— Ne me raconte pas que tu es tourneboulée par ce qui s’est passé à la boulangerie ? Gabriel a entendu parler du pays, crois-moi ! Il n’était pas content. Ce n’est pas le premier qui est amoureux et que ce n’est pas payé en retour. Il s’en trouvera une autre, la belle affaire ! Il m’a même dit qu’il allait repartir, ce à quoi je lui ai répondu qu’aux urgences, il manquait du monde et que ce n’était vraiment pas le moment de tout plaquer pour une histoire de… rien du tout !

— Gabriel veut quitter son poste ? À cause de moi ? Alors qu’il vient d’arriver ?

— Ah ! ne va pas te mettre la rate au court-bouillon. J’aurai mieux fait de me taire. Bref, tua vais besoin de quelque chose ?

J’étais en colère, je ne savais plus où j’en étais, j’avais peur de perdre Archibald enfin surtout son amitié alors que nous étions beaucoup plus que ça aujourd’hui. Une fois de plus, j’avais envie de partir loin. Pépé Charles dut le comprendre parce qu’il posa sa main sur la mienne.

— La fuite n’a jamais rien apporté, tu emportes tout avec toi et quand tu reviens les problèmes sont toujours là. Fais face ma petiote, sonde ton cœur, écoute-toi et tu verras que tout ira bien.

Il se leva et ralluma la télé. La discussion était terminée. Il me fit un clin d’œil et ajouta :

— Tu ne devais pas faire ta tournée aujourd’hui ? Tu vas finir par être en retard et tes clients vont t’attendre.

J’avalais mon café. Il avait un goût amer.

Sur le chemin qui me menait à la boulangerie, j’aperçus Archibald qui venait à ma rencontre. Les battements de mon cœur s’accélérèrent et je compris enfin qu’il était l’homme de ma vie. Comment avais-je pu en douter ? Je n’avais jamais ressenti ça auparavant. Je le trouvai beau. Il avait le cœur sur la main et je savourai enfin la chance de l’avoir près de moi. Dès qu’il me vit, il sourit. J’imaginai sa fossette à droite qui me faisait craquer puis ses yeux plissés pour mieux me regarder. Je le connaissais par cœur, ça m’en donnait le vertige parfois. Saurait-il encore me surprendre ?

— Te voilà, je me demandais si tu ne t’étais pas rendormie. Je t’ai tout préparé, le food truck est prêt. Si tu veux, je peux même t’accompagner dans ta tournée, Maddie est là et c’est elle qui l’a proposé. Il parait que les clients qui ne peuvent se déplacer se plaignent de ne jamais me voir.

Il rit en disant ces mots puis il déposa un léger baiser sur mes lèvres. J’adorai son parfum de pain cuit qui le quittait rarement.

© Isabelle-Marie d’Angèle (mars 2024).

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Tous les épisodes précédents sont ici 😉

Lorsque je repensais à la colère de Gabriel ce jour de janvier où il avait déboulé chez nous, j’en étais encore toute chamboulée. Tout d’abord, je n’avais pas compris comment il avait pu être au courant, le secret semblait être bien gardé. C’était sans compter sans Enzo qui avait la langue bien pendue et discutait souvent avec son père et racontait tout ce qui se passait à la maison.

Heureusement que Pépé Charles entendant les éclats de voix depuis chez lui était venu aux nouvelles. C’était lui qui avait calmé Gabriel en grondant comme un lion. Il lui avait intimé de se taire même s’il ne comprenait pas un traitre mot de ce qu’il disait. Notre vieil ami n’était au courant de rien et il ne savait pas de quel mariage Gabriel parlait. Quand il réalisa que c’était du nôtre, il comprit rapidement la situation et avait entrainé Gabriel chez lui. Celui-ci n’avait pas osé refuser, on ne refusait rien à un vieux monsieur pas vrai ? Charles m’avait fait un clin d’œil, mais j’avais compris qu’il avait été déçu de ne pas avoir été mis dans la confidence. D’ailleurs, une fois Gabriel parti, il était revenu dans ma cuisine et m’en avait fait la remarque.

— Tu ne me fais plus confiance ma petiote ? Je sais pourtant tenir ma langue.

Il s’était assis à ma table et m’avait invité à venir le rejoindre.

— Alors comme ça tu vas enfin te marier avec Archibald ? Je suis bien content. C’est qu’il t’aime depuis longtemps ce garçon.

Il se tut et reprit :

— Gabriel aussi et ce depuis qu’il habitait en face de chez toi. Pour une femme qui s’imagine que personne ne la remarque, tu as deux hommes qui ont le cœur qui bat pour toi.

Je m’assis à côté de lui et soupirai.

— Je croyais que c’était oublié tout ça. En plus, il a quand même eu un fils avec ma meilleure amie.

Il bougonna.

— Ouais… et toi tu as été amoureuse de Morgan et tu as même attendu un petit de lui.

Je repense à ce qui aurait pu être si je n’avais pas fait de fausse couche et si Morgan n’avait pas eu cet accident.

— Je sais ce que tu te dis, reprit Charles. Archibald ne t’aurait jamais avoué ses sentiments.

Il posa sa main sur la mienne.

Et tout s’enchaina, Saverio qui frappait à fenêtre en criant que je devais venir rapidement, il y avait un problème à la boulangerie.

Nous nous levâmes en vitesse, j’ouvrai la porte à la volée et tout en montant dans la voiture de Saverio, j’écoutais, horrifiée ce qu’il me racontait et là, la colère me submergea.

À peine arrivée sur la place, j’je sautai au bas du véhicule alors que Saverio n’était pas encore arrêté, je faillis m’étaler puis j’entrai en courant dans la boutique. Ce que je découvris dépassait l’entendement.

Gabriel, furieux tenait Archibald par le col de son tablier et répétait qu’il n’avait pas le droit de m’épouser. Le calme d’Archi me stupéfia. Il ne répondait pas et se laissait faire, mais dès qu’il m’aperçut, il voulut faire un geste et Gabriel pensant qu’il allait le frapper, lui envoya son poing dans la figure. Archibald s’écroula.

— Tu es complètement fou !

Je le bousculai pour m’occuper d’Archibald, qui sonné, peinait à se remettre debout. Il avait la lèvre fendue et saignait.

Dégrisé et son âme de médecin reprenant le dessus, il s’approcha et voulut regarder la plaie. Archibald détourna la tête et repoussa la main tendue.

Les clients présents dans la boulangerie discutaient entre eux, stupéfaits devant la scène à laquelle ils venaient d’assister. Ce n’était pas tous les jours qu’il y avait une bagarre dans le village. Les Basques ont le sang chaud certes, mais ils ne comprenaient pas ce qui avait provoqué la colère de cet homme qui était le père d’Enzo, filleul du boulanger. Une crise de jalousie ?

Archibald, royal, sourit à la cantonade.

— Rien de grave, vous n’avez pas aimé mon pain ? Je vous en offre un autre si vous le souhaitez. Vous avez le sang chaud ici !

Je ne reconnus pas sa voix. Ses yeux restaient froids, mais jamais il n’aurait avoué devant ses clients qu’il connaissait très bien Gabriel et que celui-ci était amoureux de moi. Il passa derrière le comptoir, refusa que je me penche sur sa plaie, et s’excusa pour le dérangement. Il annonça qu’il allait se laver les mains. Les Basques regardaient de travers Gabriel. Une femme s’avança vers lui et l’interrogea :

— Je vous reconnais, vous travaillez au service des urgences non ? Pour un médecin, je ne vous félicite pas !

Gabriel voulut s’en aller, mais les hommes présents dans la boulangerie firent bloc pour l’empêcher de sortir.

— Laissez-le passer !

Archibald était de retour et comme si de rien n’était, il demanda :

— À qui le tour ?

Les clients s’écartèrent, Gabriel sortit. Je voulus le suivre.

— N’y pense même pas, Marie-Sophie.

La voix d’Archibald resonna comme un coup de tonnerre. S’il y avait bien une chose dont j’avais horreur était qu’on me dise ce que je devais faire et Archibald le savait. Nous nous affrontâmes du regard. Saverio qui était face à moi, me retint par l’épaule et me murmura de laisser tomber. Je ne voulus pas me donner en spectacle, je passais dans l’arrière-boutique. Malheureusement pour moi, Gabriel avait eu la même idée. Il attendait devant la porte qui était ouverte. Personne ne pouvait le voir, mais il ne fallait pas qu’Archibald vienne.

J’étais furieuse, je l’entrainais à l’extérieur.

— Tu as complètement perdu la tête ? Tu as réfléchi à ta réputation ? Et Enzo ? C’est un petit village, il va vite être au courant, que vas-tu lui raconter pour expliquer que tu as frappé son parrain ?

— Je n’ai aucune excuse sauf d’être amoureux de toi. Quand je pense que j’en ai parlé à Archibald et que je lui ai même demandé si tu avais quelqu’un et qu’il m’a dit de tenter ma chance.

J’hallucinais. Gabriel comprit que je ne le croyais pas, il enfonça le clou, un sourire au coin des lèvres.

— Tu n’étais pas au courant ? Demande-le-lui, tu verras bien.

— Qu’est-ce qu’elle doit me demander ? Qu’est-ce que tu fiches encore ici ?

Nous n’avions pas entendu Archibald arriver. Sans réfléchir, j’attaquai bille en tête.

— Il parait que tu lui avais donné le feu vert pour tenter sa chance avec moi. C’est vrai ?

Gabriel affichait un sourire narquois et sûr de lui, il croisa les bras et dit :

— Alors ?

Le ridicule de la situation me sauta aux yeux. J’avais face à moi deux coqs en colère et l’idée que la poule c’était moi faillit me faire éclater de rire, mais au lieu de ça, j’aperçus Enzo qui déboulait dans la petite rue. Il pleurait et se jeta dans les bras de son parrain.

— C’est vrai que mon père t’a frappé ? C’est grave ? T’as mal ?

Il n’avait même pas remarqué que Gabriel était là. Les nouvelles allaient décidément très vite, à croire que comme il ne se passait pas grand-chose dans le village, une bagarre dans la boulangerie, c’était croustillant.

© Isabelle-Marie d’Angle (février 2024).

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉.

Il est temps de retrouver mon héroïne pour l’année 2024. Si tu es un peu perdue, c’est ici que tu retrouveras le dernier épisode.

Une année de plus au compteur et quelle fin d’année !

Dès que Mélusine avait été mise dans la confidence qu’Archibald m’avait demandée en mariage, elle s’était immédiatement imaginée me faire elle-même ma robe. Je n’en étais pas encore là et j’avais eu toutes les peines du monde à lui expliquer qu’elle avait le temps. Mon amie est ainsi faite qu’elle avait compris, mais elle m’avait fait promettre de commencer à regarder des modèles. J’avais accepté en riant. Je désirais profiter de cette période avec Archibald et ne pas précipiter les choses, non pas que je n’étais pas sûre de moi, mais je ne souhaitais pas me lancer dans les préparatifs d’un grand mariage. Je n’avais plus de famille et Archibald avait éludé la question.

Je lui avais fait promettre également de ne pas en parler avec Enzo. Archibald et moi ne voulions pas que tout le village soit au courant en un rien de temps. Nous seuls déciderions de la date à laquelle nous divulguerons l’information.

Ce qui n’avait pas empêché Archibald de m’offrir la veille de Noël, une bague qu’il me passa cérémonieusement à l’annulaire de la main gauche. Je reconnus immédiatement le bijou et à voir le clin d’œil échangé entre mes deux amis, je compris le jeu auquel ils s’étaient adonnés. Enzo s’en était mêlé, mais il avait cru tout simplement à un cadeau du père Noël.

Nous avions bien travaillé également pendant les fêtes. Archibald était désormais bien accepté dans le village et le food truck, même les jours où il faisait très froid, avait bien fonctionné. Vu les températures très fraiches, j’avais apporté du café pour ceux qui souhaitaient se réchauffer. Les habitants qui préféraient le thé et avaient envie de rester discuter avaient fait chauffer l’eau chez eux et ramenaient leur bouilloire. L’ambiance était sympathique. Mélusine avait décoré le véhicule, un père Noël dansait régulièrement et grâce à une enceinte qui diffusait des chants de Noël, nous étions vraiment en fête.

Bonnet rouge et blanc sur la tête, elle et moi ressemblions à des lutins comme l’avaient remarqué gentiment nos clients. Elle nous avait confectionné des vestes rouges et vertes et j’avoue que nous avions du succès.

Enzo quant à lui était resté à la boulangerie. Affublé également d’un chapeau avec un long pompon qui lui battait le dos, d’une veste et pantalon de couleur identique aux nôtres, il était fier d’être derrière le comptoir avec son parrain et Maddie, la jeune femme à mi-temps qui nous aidait. Elle aussi avait eu droit à son bonnet rouge.

Pépé Charles allait bien, il vivait seul dans la maison au bout du jardin, mais Célestine qui avait préféré rester avec Morgan, venait lui rendre visite régulièrement. Ils avaient passé le réveillon de Noël avec nous. C’était Morgan qui avait cuisiné le chapon. Gabriel était de garde, il n’avait pas pu se joindre à nous. Ayant pris ses fonctions en tant que chef des urgences récemment, il avait été obligé d’être présent, d’autant plus qu’étant célibataire, il n’était pas prioritaire pour poser des congés. Pour fêter la nouvelle année, nous étions chez Saverio et je crois qu’il y avait également presque tout le village. Pas besoin de musique, les Basques savaient chanter et j’avoue avoir été très émue par leurs voix. C’est Archibald qui avait été très surpris quand le maire était venu le féliciter pour sa boulangerie, ses pains et son attachement à sa commune.

Me voici donc aujourd’hui devant la fenêtre. Il faisait froid, le ciel était gris. Le mug de café avait bien du mal à me réchauffer. Enzo avait intégré la maternelle. Grâce à François, il avait pu le faire en janvier. Mélusine ne voulait pas, mais son fils en avait envie, surtout que la fille de François y était depuis septembre et Enzo s’ennuyait sans sa copine de jeu. Gabriel qui avait également son mot à dire était d’accord, il arguait même qu’il aurait pu y rentrer dès trois ans, il en avait quatre, ce qui avait fait rugir Mélusine. Ces deux-là, il ne fallait pas grand-chose pour qu’ils se jettent des piques.

J’étais seule, Mélusine avait des clientes à rencontrer en revenant de l’école. Surprise, je vis Gabriel surgir dans le jardin. Il n’avait pas l’air content. Aussitôt, je pensai à un accident. J’ouvris la porte et me précipitai vers lui. L’un de mes proches était aux urgences et Gabriel venait en personne me prévenir, ça devait être grave.

Gabriel me saisit la main et plongea son regard dans le mien :

— Dis-moi que c’est une blague !

Je ne comprenais pas. Je m’étais trompée, personne n’allait mal et du coup, je souris, soulagée.

— C’est ça fous-toi de moi ! Tu ne vas pas épouser Archibald ? Vous êtes amis, ça ne marchera jamais.

Surprise par son ton et son air courroucé, je faillis éclater de rire.

© Isabelle-Marie d’Angèle (janvier 2024).

À très vite…

Journal de Marie-Sophie et Archibald

Bonjour toi 😉

Marie-Sophie

Nous préparons les décorations de Noël. J’avais soumis quelques idées à Archibald pour la boulangerie. Il était d’accord ce qui ne m’étonna guère, il nous faisait entièrement confiance à moi et à Mélusine. Mon amie était à fond dans la fabrication de guirlandes, de Père-Noël, de boules, et j’en passe.

Un soir, Archibald me trouva en train de chercher de nouvelles recettes de brioche pour les fêtes. J’étais tombée par hasard sur les coquilles du nord de la France.

— Tu n’as pas envie d’essayer ?

Il se gratta la tête et me sourit.

— Crois-tu vraiment que les Basques vont accepter ce genre de brioche ? Elles ne sont pas de la région et tu les connais, ils sont très attachés à leurs traditions.

— Tu ne fais pas de gâteau basque, ils ne te le reprochent pas.

— Je suis boulanger pas pâtissier.

Il se tut et le silence s’installa ce qui n’était pas dans ses habitudes. Il est vrai que depuis quelques jours, il semblait perturbé. Or, Archibald ne l’était jamais. Il traitait les problèmes un par un, l’un après l’autre sans se poser de questions. Je l’avais toujours admiré pour ça et envié. Aussi, de le sentir ainsi, m’inquiéta.

— Tu as un souci mon cœur ?

Je savais qu’il appréciait ce petit nom. Ses yeux plongèrent dans les miens.

— J’ai revu la femme de l’autre histoire.

Je ne compris pas immédiatement ce qu’il me racontait.

— La motarde ? Angèle Merlin ?

— Non, celle avec la gamine.

Il se leva, saisit sa tasse dans le placard. Il devait être sacrément perdu pour se faire une tisane, il n’en buvait jamais. Il prit un deuxième Mug et sans me consulter m’en prépara une également. Je ne savais pas quoi dire. C’est lui qui continua :

— Elle était seule.

— Et ?

— Rien ! Je suis incapable de me souvenir de ce qui est arrivé ensuite et ça m’agace. J’ai comme la mauvaise impression qu’on m’a effacé la mémoire de cet instant.

Je faillis éclater de rire, mais devant sa mine, je me tus.

— Est-ce qu’Enzo te parle encore de la gamine ?

C’est vrai qu’il n’y faisait plus allusion.

— Non, il a dû oublier.

— Enzo ? Oublier ?

Nous nous sourîmes.

— Tu es certain que tu n’as pas rêvé ?

Je le taquinai et il prit le parti de faire comme si. Il se pencha sur mes recettes de coquille.

— D’accord, je tente le coup, je vous fais goûter et je le propose ensuite dans la boulangerie. Je vais en parler à Saverio.

Il saisit ma main, la porta à ses lèvres.

— J’ai pensé à quelque chose Marie-Sophie. Tu travailles pratiquement à temps plein avec moi quand tu fais le food truck, je vais te déclarer.

Je ne voyais pas le rapport avec ce qu’il venait de me raconter, mais je ne fis aucune réflexion. Archibald savait gérer son entreprise bien mieux que moi.

— D’autant plus que tu es ma compagne… avant de devenir ma femme.

Il me regarda, il n’avait pas lâché ma main.

— Veux-tu m’épouser Marie-Sophie ?

Les larmes me montèrent aussitôt aux yeux. Il les essuya délicatement de ses doigts si doux.

— Je ne voulais pas te faire pleurer, murmura-t-il. Tu ne penses pas que c’est une bonne idée ? Je suis idiot ? J’aurais peut-être dû faire ça autrement ?

Je lui fermai la bouche d’un baiser. Je ne m’attendais pas du tout à cette demande. Pour moi, c’était tout simple, nous étions ensemble, le reste m’importait peu, mais ce n’était pas ce que désirait Archibald. Au moment où j’allais lui répondre, on frappa à la porte. En soupirant, Archibald alla ouvrir et se trouva nez à nez avec Gabriel.

Archibald

Il y avait longtemps que cette idée tournait dans ma tête et je souhaitais faire ça dans les règles. Noël approchait et je désirais que Marie-Sophie et moi officialisions notre couple pour cette fête. J’avais réussi à l’entrainer faire les boutiques et tomber par hasard sur une bijouterie. Je ne suis pas très doué pour les cachotteries, j’avais donc profité de l’aide à Mélusine. Elle nous y avait retrouvés toujours par hasard avec Enzo. Mon filleul était un chef pour déjouer toutes les situations qui pour moi semblaient compliquées. Curieux, il s’était penché sur les bagues et avait demandé à sa marraine laquelle elle aimait. Je n’aurais pas fait mieux. Mélusine m’avait fait un clin d’œil et je connaissais ainsi les goûts de ma chérie. Ce qui est bien avec elle, c’est qu’elle n’a pas posé de questions. Je devais avouer que Mélusine en avait rajouté des tonnes en montrant différents bijoux, donnant son avis, juste pour rigoler comme elle disait. Notre complicité étant ce qu’elle était, Marie-Sophie n’y avait vu que du feu.

C’était pour ça que ce soir, je lui posais la question qui me taraudait depuis des jours, en fait, depuis que nous étions ensemble. Je voulais régulariser la situation et la protéger en même temps. Je gagnais bien ma vie, elle travaillait pour moi, normal qu’elle touche un salaire, d’autant plus que j’avais de l’argent de côté, Marie-Sophie n’était pas au courant et de toute façon, ce genre de choses lui passait au-dessus de la tête.

Je ne pensai pas qu’elle allait pleurer et j’attendais sa réponse avec appréhension, car avec elle, je devais m’attendre à tout, quand on avait frappé à la porte et que je me trouvai face à Gabriel. Lui avait vraiment le don d’arriver toujours au mauvais moment. Tout sourire, il me serra la main et comme Marie-Sophie s’approchait, il l’embrassa et la serra un peu trop fort à mon goût contre lui.

Enzo qui avait reconnu la voix de son père déboula alors dans la cuisine telle une tornade et se jeta contre lui, puis Mélusine se joignit à nous.

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je proposai une tournée de tisane, café ou chocolat. Gabriel éclata de rire :

— Tu n’as pas quelque chose de plus fort ?

— À quoi boirions-nous ? demanda Mélusine.

— À ma mutation définitive. Je reste à l’hôpital, j’ai accepté le poste vacant. Chef de service aux urgences.

Enzo qui ne comprenait pas tout se pendit à son cou :

— Tu vas rester ici pour toujours ? Je vais te voir souvent ? Tous les jours ?

Gabriel serra son fils dans ses bras ;

— Oui et je vais donc devoir me trouver une maison. Pas question que je reste locataire. Si vous avez des contacts, pensez à moi.

— Félicitations !

Marie-Sophie était ravie. Elle l’embrassa sur les deux joues. Mélusine fit de même. Gabriel me regarda et dit en riant :

— Pas d’alcool, je rigolai bien sûr. Un café si tu as.

Marie-Sophie s’empressa et tout en le préparant, elle me murmura à l’oreille :

— À ta question de tout à l’heure… c’est oui !

© Isabelle-Marie d’Angèle.

À très vite…