Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Marie-Sophie continue de tenir son journal et elle va de surprise en déconvenue. Comment sa meilleure amie a-t-elle pu faire ça ? Mais qu’a-t-elle donc fait ?

Noël est passé ! L’année est terminée, enfin !

Je regarde par la fenêtre, il fait gris. Je me sens patraque.

J’entends la machine à coudre de Mélusine. Elle est déjà au boulot. Elle a eu de nombreuses commandes, elle est ravie.

Enzo dort encore.

Le premier levé est toujours Archibald. Il a rejoint sa boulangerie et je ne vais pas tarder à aller le retrouver. Finalement, tenir sa boutique me plait bien.

Morgan est parti au marché.

L’année s’est terminée avec la découverte que le papa d’Enzo était Gabriel. C’est Archibald qui m’a expliqué. Notre amie voulait un enfant, je m’étais enfuie au Pays basque, nous ne pouvions pas en discuter ensemble. C’est vraiment par hasard qu’elle en avait parlé à Gabriel, un jour qu’il était venu lui demander où je me trouvais. Archibald était présent. Gabriel avait proposé l’adoption, Mélusine avait refusé. C’était trop long. Elle voulait avoir un bébé tout de suite, seulement, elle n’avait pas d’homme. Archi m’avait raconté qu’en riant, il s’était mis sur les rangs, mais quand il avait réalisé qu’elle serait d’accord, il s’était mis en colère et était parti en claquant la porte. L’envie d’avoir un enfant tournait en boucle dans la tête de Mélusine, elle n’avait que Gabriel sous la main. C’est là où je ne comprends pas comment il a pu accepter de coucher avec elle, oui, parce qu’ils avaient couché ensemble, une seule fois. Lorsque Archibald l’avait appris, il avait déboulé furieux chez Gabriel. Heureusement que Charles était là, il lui aurait cassé la gueule tellement il était fou de rage. Gabriel a toujours affirmé qu’il n’avait pas accepté la demande de Mélusine. Alors ?

Mélusine avait donc avoué qu’elle avait drogué Gabriel. Pour un toubib, bravo, il s’était fait avoir comme un bleu.

Gabriel venait d’apprendre en même temps que moi qu’Enzo était son fils. Pour le bien de notre filleul et pour qu’il passe de bonnes fêtes de Noël, nous n’avons rien dit. Mais en début d’année, nous avons fait promettre à Mélusine de lui dire qui était son père. C’est chose faite. Elle n’a pas reculé. Elle a convié Gabriel chez Saverio, Enzo l’accompagnait. Lorsqu’ils sont revenus, Enzo m’a dit qu’il avait un papa maintenant et qu’il allait le voir souvent parce qu’il travaillait à l’hôpital voisin. Je ne veux même pas connaître ce qu’a raconté mon amie. Tout est clair dans la tête d’Enzo, il est heureux. Quant à Gabriel, effectivement, il essaie de rattraper le temps perdu avec son fils. Mais lorsque Mélusine est présente, il ne croise jamais son regard. Je pense qu’il ne lui pardonnera pas de sitôt. De même, Archibald et moi avons du mal à accepter, mais Mélusine est notre amie depuis de nombreuses années, ça n’excuse rien, je sais bien.

Il est temps de me préparer pour partir à la boulangerie.

Je rencontre François en route. Héloïse est chez ses grands-parents. Il m’embrasse et demande des nouvelles de Mélusine. Ah si elle avait été plus patiente, elle aurait trouvé avec lui, un père formidable. Il craque complètement pour elle.

— J’ai appris pour Enzo.

Stupéfaite, je fais les yeux ronds.

— Je comprends ta surprise, mais il devait avoir envie d’en parler. Il s’est confié à Héloïse.

François hésite à m’interroger, je le vois à sa manière de mettre ses mains dans les poches puis de les enlever. Nous continuons notre chemin en silence et soudain il se décide et s’arrête.

— Ils sont ensemble ?

Je reste à sa hauteur et le contemple. Pour gagner du temps, je demande :

— Tu parles de Mélusine et Gabriel ?

Il hoche la tête et son regard s’évade au loin. Cet homme est amoureux et malheureux, car il sait que ses sentiments ne sont pas partagés.

— Je ne crois pas non !

— Pourquoi est-il revenu alors ?

Comment lui dire qu’à la base Gabriel revenait pour moi et qu’il venait d’apprendre qu’il était papa.

— Tu devrais en parler avec Mélusine. Pourquoi ne lui avoues-tu pas ce que tu ressens ?

— Je l’ai fait et je me suis pris un râteau. Elle m’a répondu qu’elle avait souhaité avoir un enfant toute seule et que sa vie de célibataire lui convenait tout à fait. Je ne comprends pas alors pourquoi cet homme est là. J’avais cru qu’elle avait eu recours à une insémination artificielle.

Nous sommes arrivés, nous entrons ensemble. Archibald me sourit. Je passe dans l’arrière-boutique pour me laver les mains et me changer. Archibald a décidé que je devais avoir une blouse au logo de sa boulangerie. Il sert François et retourne dans son laboratoire.

Avant de sortir, sa baguette à la main, François me demande :

— Je n’ai vraiment aucune chance ?

C’est à ce moment-là que je prends ma décision. Je ne peux pas laisser Mélusine s’en tirer comme ça, sans rien dire. Elle a beau être mon amie, elle a fait n’importe quoi. Elle s’est servie de Gabriel, c’est le moins qu’on puisse dire et quand je vois les yeux tristes de cocker de François, je pense que la vie est vraiment mal faite. Si elle avait rencontré cet homme plus tôt… elle n’a même pas imaginé que je pouvais être amoureuse de Gabriel. Je regarde s’éloigner François.

Furibarde, je retrouve Archibald.

— Tu te rends compte que Mélusine n’a pas pensé une seconde à moi ? Et si j’étais revenue du Pays basque avec la ferme intention de me laisser séduire par Gabriel ?

Mon ami hausse les épaules.

— Tu ne dis rien ?

— Que vas-tu faire ? Briser une amitié de plus de vingt ans ? C’est sa vie, son choix. Je ne cautionne pas du tout, mais ça la regarde.

— Et si Enzo pose des questions sur son père ? Si en grandissant il demande pourquoi il n’aime plus sa maman ? Si c’est à cause de lui ? Et Gabriel tu y as pensé ?

J’en attrapai la nausée. J’ai dû pâlir, Archibald me soutint et me fit assoir.

La cloche de l’entrée retentit, je me redressai et retournai derrière mon comptoir, affichant mon plus beau sourire. Si on m’avait dit à quel point je pouvais être si bonne comédienne, je ne l’aurais pas cru.

© Isabelle -Marie d’Angèle (janvier 2023)

A très vite…

Le foot et moi ou moi et le foot

Bonjour toi 😉

Je ne vais rien t’apprendre, il n’y a que du football à la télé. Exit, les feuilletons, les films et toutes les émissions habituelles, il n’y en a que pour le ballon rond.

– Ça n’arrive que tous les 4 ans, roumèguent fils et mari, je pense que tu vas pouvoir survivre pendant 1 mois.

Évidemment que je vais survivre. Tu vas me dire que je pourrais tout à fait aller regarder d’autres programmes sur des plateformes payantes dont les abonnements sont payés, soit par moi, soit par mon fils. C’est sans compter la flemme, comme on dit dans le Sud, pour aller me connecter, trouver le mot de passe, chercher une série, etc…

Donc, je regarde le foot, distraite par mon téléphone, mon jeu ou les messages. Et puis je commente et ça donne ça, s’entend bien sûr avec une préférence pour la France où je gère un peu quand même 😁. Je te balance en vrac mes réactions sur les différents matchs et ne me demande pas de qui il s’agissait, à part le nôtre, les autres bah… tu as compris !

– Je n’aime pas la tenue du goal (Hugo Lloris) violette, d’habitude il n’est pas en jaune ? Ah, mais c’est parce que les autres sont en jaune. (Tu remarqueras que je me fais les demandes et les réponses toute seule). N’empêche, le violet, c’est la couleur du deuil, ça va leur porter la poisse.

Réaction très vive

– Ah, mais tais-toi ! Et puis pourquoi ce serait la couleur du deuil ?

– Les chrysanthèmes à grosse tête sont souvent violet et je ne les aime pas. Il y en plein les cimetières, c’est pour ça que je les choisis plutôt orange ou rouge moi !

– On s’en fout !

Et paf but ! 1 à 1

– Tu ne pouvais pas te taire, c’est de ta faute, fulmine mon fils.

J’imagine les joueurs en colère non, mais qui a dit que le violet allait nous porter la poisse, réclamation : Je serais ravie qu’ils pensent à moi, mais quand même à ce moment clé du match, ils ont autre chose à penser qu’à cette phrase dite par moi 🤣. Je ris in petto en les imaginant à nouveau s’agglutiner autour de l’arbitre pour dire que ce n’est pas de leur faute s’ils ont pris un but. (je te jure quand mon imagination se met en branle, c’est la cata 🤐).

Je me tais et reprends mon jeu tout en surveillant le match.

– J’aime bien leurs chaussettes rouges. Tu as vu comme elles montent bien haut ?

Je ne peux pas me taire ? Je ris en découvrant les regards furibonds de monsieur et fils.

– Pour ce que j’en dis après tout ! D’accord je me tais.

– Hors-jeu ! crie monsieur.

– C’est quoi hors-jeu ! (moi, mais t’avais compris)

– Je te l’ai déjà expliqué, l’arbitre va demander la Visio.

J’entends les journalistes dire que c’est à l’arbitre de décider. Il faut évidemment que je m’en mêle 😉

– Bah s’il y a hors-jeu, l’arbitre va dire qu’il y a hors-jeu et voilà. Il n’y a pas grand-chose à décider.

– Oui bon, t’y comprends rien de toute façon.

But refusé.

– Ben voilà, c’est normal, dis-je en reprenant mon téléphone.

Regards appuyés et soupirs de mes hommes.

– Ben quoi c’est pas vrai ? Vous êtes pour qui à la fin ?

Je suis scotchée par la réponse :

– N’importe !

(Il ne s’agissait pas de la France, tu as deviné).

– Et tout ce pataquès pour ça, il y a hors-jeu, il y a hors-jeu ! répétais-je.

J’aurai mieux fait de me taire, je crois !

🤣🤣 🤣

– Mais quelqu’un pourrait-il m’expliquer ce que c’est quand même ? Parce que montrer qu’il y a juste une épaule qui était là dans la surface de réparation et qu’elle n’aurait pas dû y être, c’est un peu léger.

– Tu es irrécupérable maman !

🤣🤣 🤣

© Isabelle-marie d’Angèle (29 novembre 2022)

À très vite…

Lundi de bonne humeur

Bonjour toi 😉

Tu le sais maintenant que je n’aime pas le lundi 🙄 et va savoir pourquoi 😏. Donc, comme je n’aime pas le lundi, je vais bavarder avec toi et faire en sorte qu’il soit comme un autre jour.

Il pleut ! ça n’arrange pas mes affaires ☂🌧surtout quand je regarde par la fenêtre en face de moi. Que vais-je pouvoir raconter pour que cette ambiance tristounette change de bord 🤔.

Ouais, je répète c’est lundi et j’ai la patate 😏 bof !

Même pas vrai 😁 et en plus, c’est un peu comme si j’étais toujours en vacances 🤐 mais chut !

Heu … après tout pourquoi pas ! Je me vois bien te souhaiter un bon week-end, imagine un peu ta tête, tu vas penser illico, non mais elle a fumé la moquette ou quoi ! ou si tu es beaucoup plus diplomate excuse-moi mais tu vas bien ? 😁

C’est vrai ça ! au pire 🤣

Bref ! Nous sommes lundi, ça tu l’as compris ! mais nous sommes aussi surtout le 28 novembre et dans … attends je compte 29, 30 …2 jours, nous sommes le 1er décembre. Et qui dit 1er décembre, dit calendrier de l’Avent.

Et tu sais quoi ? Je t’en ai préparé un que je trouve super joli !… Si c’est vrai qu’il est beau ! Chaque jour du mois de décembre, tu pourras le découvrir ! Regarde, j’ai déjà les mugs 💖.

De plus, je vais pouvoir écouter les chansons de Noël que je pourrai te partager. D’ailleurs, pendant le mois de décembre, note bien que tu vas passer en mode Noël.

Alors, elle n’est pas belle la vie ? Il pleut, il fait pas chaud, c’est lundi, mais c’est bientôt décembre 💖.

Bon lundi et tu sais quoi ? J’ai la patate 💖🤣 tu vois que ça marche !

À très vite…

Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

S’il y a bien quelque chose que Marie-Sophie déteste, c’est bien la trahison et le mensonge 🙄.

Je ne voulais pas ouvrir les yeux. J’étais bien dans mon cocon. Je savais que dès que je bougerais, les questions fuseraient de toute part et je n’avais ni l’envie ni la force d’y répondre. Tout allait recommencer, la boule au ventre, la peur de sortir et de parler à mes amis. Je n’avais plus le courage. Pourquoi Saverio était-il passé par là ?

Parce que ce n’était pas ton heure ! Tu as encore tellement de choses à vivre.

Je ne pouvais plus retenir mes larmes. C’était la voix de maman que j’entendais. Je serrai les yeux, peut-être allais-je l’apercevoir ? Je la cherchais désespérément, mais la voix s’était tue et je ne vis personne. Mes paupières se relevèrent lentement. J’étais dans ma chambre. Tournée vers la fenêtre, je reconnus aussitôt l’érable pourpre dont les feuilles balayaient la vitre. Je compris aussi que j’étais seule, mais j’entendais des chuchotements en bas. Soudain, un léger bruit me fit tourner la tête vers la porte. Enzo me regardait. Il n’osait pas entrer. Il me fit un petit signe de la main, je lui fis aussitôt chut en mettant mon doigt sur mes lèvres puis l’invitais à me rejoindre. Il n’hésita pas et s’assit sur mon lit.

— Tu m’as fait peur marraine, tu sais bien que l’eau est froide en ce moment, tu allais tomber malade.

Il chuchotait. Mélusine avait certainement édulcoré la situation. Pour lui, j’avais juste eu envie de prendre un bain.

— Tu as raison, je suis un peu bête parfois.

Je parlais doucement. Il se blottit contre moi.

— Dis… heureusement que le chien de Saverio t’a vue, j’aurais été trop triste si…

Bravache, il essuya en douce une larme.

— Tu sais, Morgan depuis trois jours, il ne mange plus et ne dort plus.

Surprise, je l’interrogeai :

— Trois jours ? Ça fait si longtemps que je dors comme une marmotte ?

— Oui même que parrain et lui se relayaient à côté de toi pour te surveiller. Le médecin est passé, mais il a dit qu’il fallait te laisser te reposer. Ils n’ont pas voulu que tu ailles à l’hôpital. Gabriel était très inquiet et pas d’accord, mais ils disaient que c’était de sa faute tout ça. Morgan l’a même fichu à la porte et s’est mis en colère contre maman. C’est parrain qui a réussi à le calmer. Il est bien mon parrain, je suis allé dormir avec lui dans sa chambre quand il ne te surveillait pas. Maman était trop triste, je ne l’ai jamais vue comme ça. Quand t’es pas là marraine, rien n’est pareil. C’est ce que parrain n’arrêtait pas de répéter à Mélusine. Il s’est fâché aussi contre elle. J’ai voulu prendre sa défense, mais il m’a pris dans ses bras et m’a dit que c’était des histoires de grande personne. Du coup, Morgan m’a emmené et c’est François qui m’a gardé avec Héloïse.

Il se tut, Morgan venait d’entrer dans ma chambre. Lorsqu’il réalisa que j’étais réveillée, un sourire éclaira aussitôt son visage, mais il n’atteignit pas ses yeux. Il avait mauvaise mine, je ne l’avais jamais vu ainsi.

Je lui tendis les bras, il s’y blottit. Enzo toujours contre moi ne bougeait pas. Du coup, je les entourai tous les deux et les serrai contre moi.

— Je te demande pardon ! murmura Morgan à mon oreille.

Pourquoi s’excusait-il ? Ce serait plutôt à moi de le faire, mais je le sentis sangloter contre moi. Puis il se releva et saisit son portable.

— Je reviens, j’ai promis d’appeler Archibald dès que tu serais réveillée, Mélusine tient la boulangerie, il la préviendra et j’imagine qu’il va rappliquer aussitôt.

Il se tourna vers Enzo et lui demanda de rester avec moi.

— Tu veux boire quelque chose ? Manger un gâteau ?

Il avait dû recevoir des consignes et il prenait son rôle très au sérieux. Je repoussai la couette et découvris que j’étais en pyjama. Je ne me souvenais pas l’avoir enfilé.

Je posais délicatement les pieds par terre lorsque Morgan réapparut.

— Je vais t’aider.

Il attrapa ma main et je me levai. Un léger vertige me saisit, mais il ne dura pas. Je me blottis dans ses bras.

— J’ai prévenu aussi le médecin, enfin… Gabriel.

Il avait hésité sur le prénom, mais il me regarda dans les yeux.

— À moins que tu ne veuilles pas qu’il s’occupe de toi.

Je secouai la tête, rien n’avait d’importance. J’entendis une cavalcade dans l’escalier et Archibald déboula dans la chambre. Lui aussi avait mauvaise mine. Morgan se détacha de moi pour lui laisser la place.

— Tu m’as fait tellement peur MarieSophe !

Lui aussi essuya furtivement une larme.

— Pleure pas parrain, elle va bien marraine. Elle a fait un sacré gros dodo. Tu viens avec nous ?

Morgan me passa un pull par-dessus la tête pour que je ne prenne pas froid et tenue par lui d’un côté et par Archibald de l’autre, je descendis l’escalier.

Charles avait dû aussi être prévenu, il arrivait accompagné de Célestine. Aucun ne me posa de questions, mais je sentis que Pépé Charles avait eu du chagrin, ses yeux étaient rougis. Morgan mit en route la cafetière, Archibald avait amené du pain frais et une brioche. La vie semblait reprendre son cours.

Et Gabriel entra à son tour, il me regarda et je compris en un éclair. Ces yeux-là, je venais de les croiser il y a quelques minutes, c’était ceux d’Enzo. Comment mon amie avait-elle pu me cacher ça ? Je n’arrivais pas à réfléchir et calculer quand elle avait couché avec Gabriel, alors qu’elle savait que j’en pinçais pour lui. Enzo était-il au courant ? Et Archi ? C’est ce qui expliquerait peut-être sa colère contre Mélusine.

Perdue dans mes pensées, je n’avais pas dû entendre la question que me posait Gabriel, car il se pencha vers moi et déjà il me prenait mon pouls.

— Comment te sens-tu ? Te souviens-tu quelle année nous sommes ? Comment t’appelles-tu ?

Ah si j’avais pu tout oublier…

— Je m’appelle Marie-Sophie et toi tu t’appelles Gabriel.

Je me tournai vers Morgan.

— Lui c’est mon amour et lui, je désignai Archibald, mon meilleur ami, et puis, là c’est Charles et Célestine.

Rassuré Gabriel me lâcha. Qu’est-ce que j’avais mal ! Y avait-il un remède pour calmer ce sentiment de trahison que je ressentais ? Les questions tournaient en boucle et les souvenirs affluèrent. C’est quand j’étais revenue du Pays basque que j’avais découvert qu’elle était enceinte. Elle avait donc profité de mon absence. Je me rappelais aussi que lors de mon déménagement, les lèvres de Gabriel s’étaient égarées sur les miennes. Je n’avais alors pas fait encore mon choix à ce moment-là. Apparemment, pour lui et Mélusine c’était consommé. Et puis les paroles de Mélusine s’imprimèrent dans mon esprit, elle ne voulait pas d’homme. Elle répétait qu’elle avait fait son bébé toute seule.

Morgan s’approcha de moi.

— Cesse de te poser des questions, tu auras les réponses rapidement. Mélusine a promis.

Comme toujours, il avait compris, mais moi je me demandais s’il était au courant et depuis combien de temps. Même à lui, je ne pouvais pas faire confiance ? J’avais horreur d’être tenue à l’écart sous le prétexte qu’il faille me protéger. Et qu’avait-elle promis Mélusine ? Me dire la vérité ou encore m’édulcorer l’histoire ? Tout ça tourne dans ma tête et l’envie de repartir me coucher, m’endormir et ne plus me réveiller revint me titiller.

— Viens avec moi !

Archibald m’attira vers lui et sans demander l’avis de qui que ce soit, il m’entraîna à l’extérieur. Il me fit grimper dans son Foodtruck et démarra. Je savais que lui ne me trahirait pas, jamais.

© Isabelle-Marie d’Angèle (22 novembre 2022).

À très vite…

Il était des fois

Bonjour toi 😉

Petit Paul comme tous les soirs demanda une histoire avant de s’endormir. C’est papa qui dut s’y coller aujourd’hui. Il saisit un illustré dans l’étagère.

— Non pas une histoire dans un livre. Invente.

Papa soupira. Il n’avait pas beaucoup d’imagination et surtout pas trop envie de se creuser la tête. De plus, une émission à la télévision l’intéressait et elle allait commencer. Il demanda plein d’espoir :

— Tu veux que j’appelle maman ?

Il était déjà debout, mais Petit Paul le rattrapa par la main.

— Non, toi !

Résigné, papa se lança. Quand Petit Paul avait une idée derrière la tête, inutile de tenter de le faire penser à autre chose.

— Il était une fois…

— Pourquoi une fois ? Tu ne peux pas changer, c’est toujours pareil que ça commence.

Le garçon bien assis dans son lit regarda plein d’espoir son père. Il avait tellement confiance en lui que celui-ci regretta d’avoir pu préférer le grand écran à son bonhomme de cinq ans. Il allait vraiment devoir faire un effort, car ce soir l’imagination lui faisait cruellement défaut.

— Alors ? insista le gamin.

— Il était… deux fois ?

— C’est nul papa. Commence par il était des fois que j’aimerais… avoir un chien. Tu vois, je t’aide.

— Ah d’accord, c’était donc ça ! Il était des fois un petit garçon qui n’arrêtait pas de répéter qu’il voulait un chien.

Papa sourit pensant que finalement le sujet de l’histoire était trouvé.

— Des fois que son papa changerait d’avis, continua Petit Paul plein d’espoir.

— Des fois que le petit garçon commençait sérieusement à énerver son papa.

— Des fois que le papa n’aurait pas bien entendu.

— Des fois que le petit garçon n’aurait pas compris que ce n’était pas possible.

— Des fois que le papa voudrait que le petit garçon ne soit pas malheureux, insista Petit Paul les larmes aux yeux.

— Des fois que le petit garçon jouerait bien la comédie avec ses yeux tout tristes.

— Mais je pleure vraiment…

— Des fois qu’il faudrait peut-être s’endormir.

— Des fois que tu ne m’aimes plus.

— Des fois que tu dis n’importe quoi.

— Non c’est pas vrai, sinon tu me l’achèterais le chien.

La patience de Papa avait quand même des limites.

— Petit Paul, ça suffit, tu te couches des fois que je me fâcherais pour de bon et que tu n’aurais jamais de toutou.

Le gamin releva la tête :

— T’as dit quoi ?

— Tu dors maintenant.

Papa l’embrassa et éteignit la lumière.

— Tu changeras peut-être d’avis hein papa, murmura Petit Paul, des fois que je serais vraiment sage et que je n’en parlerais plus jamais ? Et puis, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, même que c’est toi qui le dis.

© Isabelle-Marie d’Angèle (novembre 2022)

À très vite…

L’allée du château

Bonjour toi 😉

Je t’emmène avec moi en compagnie de MaLou, Millie, Lou et Pilou.

MaLou a décidé d’embarquer Millie (9 ans), Pilou (8 ans) et Lou (4 ans) dans une promenade qu’elles n’ont jamais faite et aussitôt, elle est assaillie de questions auxquelles elle n’a pas le temps de répondre.

— C’est où ?

— C’est quoi ?

— C’est loin ?

— Il faut mettre les bottes ?

Dans tous les cas, elles sont déjà en train d’enlever les chaussons pour enfiler les baskets. Avec le scratch, Lou y arrive du premier coup, même si parfois, elle demande de l’aide en implorant :

— Tu serres bien le cratch !

Il fait encore beau, pas besoin de manteau et les voilà parties.

MaLou explique qu’elles vont aller sur l’allée du château. Les réactions sont différentes.

Millie s’empresse de rêvasser.

— Ce serait trop bien que tu habites là-bas (au château). Tu imagines ? Maman me laisserait au bout de l’allée et tu viendrais me chercher. PaLou aurait préparé une brioche et on pourrait goûter dans ton château. Ce serait trop bien.

Pilou n’a pas du tout la même attitude. Armée d’un bout de bois qui a office d’être un couteau magique, elle coupe à tour de bras tout ce qu’elle trouve sur son passage : fleurs sauvages, mauvaises herbes. Elle galope loin devant, on dirait un cabri, parle toute seule et s’invente des histoires. Elle ramasse tout ce qui l’intéresse, branchage, feuilles, qu’elle aimerait bien que je garde à la maison. Elle remplit ses poches de trésors. Elle revient de temps en temps vers moi pour me montrer comment son arme merveilleuse fonctionne.

— T’as vu MaLou comme il marche bien.

Je répète à tout va qu’elle pourrait rester avec nous, mais mes mots se perdent le long de l’allée, elle est déjà repartie.

— C’est encore loin ?

Lou la plus petite prend son temps et traine un peu la patte.

— J’ai mal aux jambes.

— Si tu veux, j’appelle PaLou. Il viendra te rechercher en voiture.

C’est immédiat, tout va bien et elle reprend sa route. Ô grand jamais, elle ne louperait l’allée du château. Heureusement pour moi, car je suis certaine que PaLou n’aurait pas sorti la voiture pour faire 1 km et encore je ne suis pas sûre qu’il y soit ce kilomètre.

La voilà enfin cette allée avec le château tout au bout. Il n’a rien de celui de la Belle au Bois dormant. Il est en travaux, il accueille l’été un food truck et la population du village pour regarder le cinéma en plein air, mais il a l’avantage d’avoir effectivement un très long chemin qui fait rêver et Millie ne s’en prive pas.

Sa main dans la mienne, elle imagine. Les chiens par-ci, les chevaux par-là, la grille qui s’ouvre à notre approche, moi, qui l’attend en haut du perron. Il ne manque que la calèche qui s’arrête devant moi (la voiture a disparu, finalement c’est mieux d’arriver comme ça).

Lou est devant nous et marche tranquillement, les mains dans les poches, le nez au vent. Parfois, elle se penche pour ramasser une fleur, un brin d’herbe, une chose qu’elle a trouvée belle et qu’elle m’offre avec son grand sourire charmeur.

— Tu le mettras dans l’eau à ta maison.

Pilou galope dans tous les sens, coupant par-ci, fauchant par-là avec son arme magique. Elle est la première à arriver devant la grille fermée avec des panneaux qui nous signalent qu’il y a des caméras et qu’il ne faut pas s’approcher.

Lou se colle aux barreaux et regarde la cour. Elle ne sait pas lire, elle s’en moque de ce qui est écrit. Pilou, la grande aventurière aurait bien envie d’entrer. Bien sûr que non, faisons demi-tour.

Elles sont ravies de la promenade. De hauts arbres se balancent au gré du vent et j’avoue que moi aussi, mon imagination s’envole et je suis prise en flagrant délit par Millie qui saisit ma main et demande :

— À quoi tu penses ? Tu vas écrire une histoire ?

— Quelle idée ! gloussais-je. Allez on repart les filles.

Et Pilou nous devance encore, Lou trainasse et s’arrête. Elle s’accroupit et contemple une fleur enfin à ce qui lui ressemble. Elle la regarde avec attention puis se relève. Millie tient toujours ma main.

© Isabelle-Marie d’Angèle (novembre 2022).

À très vite…