D’une rive à l’autre – Hélène Legrais

Bonjour toi 😉

Je ne fais pas qu’écrire, je lis aussi 🙂.

Mai 1962. La fin de la guerre d’Algérie déverse sur les quais de Port-Vendres, sur la côte Vermeille catalane, des milliers de rapatriés. Ils ont tout perdu, ils sont en colère, désespérés, déracinés. Qu’en faire ? Où les loger ? Comment les intégrer dans un département qui connaît déjà de nombreuses difficultés ?

Au milieu de ce drame national, se noue un drame plus intime, celui qui déchire la famille Fuster. Émile, le vigneron, avait vu avec soulagement son ambitieux aîné, qui l’a écrasé pendant toute leur enfance, partir tenter sa chance au loin, sur « l’autre rive » de la Méditerranée. Robert a brillamment réussi à Oran mais voilà que le vent de l’Histoire le ramène avec les siens, les mains vides, au mas familial qu’il a laissé à son cadet devant notaire. L’affrontement est inévitable. En écho à celles qui tiraillent Port-Vendres, les tensions entre les deux frères se multiplient.

Mais tout espoir ne semble pas perdu. Du haut de ses neufs ans, Olivier, le petit-fils de Robert, vit lui cette arrivée sur la terre de ses ancêtres comme une aventure et embrasse avec optimisme cette nouvelle vie en métropole. Et à travers ses yeux d’enfants, s’ouvre la possibilité d’un avenir apaisé.

J’aime la plume d’Hélène Legrais. Pourquoi ? Parce que sa plume t’attrape illico et tu entres dans son histoire. Tu es le spectateur muet de ce qui se passe et tu participes à tout.

Je suis allée au bar avec Émile à Port-Vendres. C’est l’année 1962. J’ai regardé avec lui les bateaux accoster et déverser les rapatriés d’Algérie. Je me suis demandé pourquoi il s’inquiétait. Quand il a suivi sa femme Mariette qui s’approchait des arrivants, j’ai compris qu’elle allait tout faire pour améliorer leur quotidien. Elle est adorable cette femme, elle se met en quatre pour aider ces malheureux qui ont tout perdu. Elle est d’une gentillesse exemplaire. Non pas qu’Émile ne l’est pas, mais il est plus bourru tout en restant tout aussi sympathique.

Et puis, il réalise que son frère aîné Robert va rentrer. Celui avec qui il ne s’est jamais entendu, qui ne voulait rien avoir à faire avec les terres et les vignes de Port-Vendres. J’ai vite compris que lui visait beaucoup plus haut que son cadet et désirait gagner beaucoup d’argent. Ce qu’il a réussi à faire à Oran, sauf qu’il débarque de l’autre côté de la Méditerranée en ayant tout perdu. Avec lui arrivent sa femme Jeanne, sa belle-fille enceinte et son petit-fils Olivier.

Mariette et sa belle-sœur s’entendent immédiatement, mais Robert traite toujours Émile comme lorsqu’il est parti. Sauf que celui-ci, est devenu adulte, et ne s’en laisse plus compter et au grand plaisir de Mariette qui craignait qu’il se sente rabaissé, accepte de recevoir son frère chez lui… dans les annexes où logent d’ordinaire les vendangeurs. C’est à prendre ou à laisser. J’ai souri et me suis dit bien fait pour lui, et ça va lui rabattre son caquet !

Si les deux hommes ne peuvent se supporter, Olivier, lui, le petit-neveu d’Émile est heureux comme un poisson dans l’eau et vit cette chance de courir dans les vignes avec Émile avec toute la fougue de ses neuf ans.

J’ai adoré ce roman raconté par Hélène Legrais avec beaucoup de diplomatie, de tact et d’amour, à l’image de Mariette, sur fond de la fin de la guerre d’Algérie, avec tout ce que ça comporte comme difficultés pour les rapatriés à s’intégrer, pour les communes à tenter de leur faire de la place en créant des endroits pour qu’ils puissent s’installer, pour les habitants accepter ces pieds-noirs avec leur accent qui les fait rire…

Ce livre est un coup de cœur, je le recommande vivement et je remercie Hélène Legrais de m’avoir fait confiance encore une fois en m’envoyant son dernier opus.

À très vite…