Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Je n’avais pas compris et je ne comprenais toujours pas. Archibald ne m’avait jamais parlé de ses parents. Mélusine était aussi surprise que moi. J’avais beau essayé de me rappeler s’il y avait fait allusion quand nous étions plus jeunes, et force est de constater que c’était le silence radio.

Je m’étais d’ailleurs demandé pourquoi les miens ne l’appréciaient pas, peut-être qu’eux les connaissaient.

Toujours est-il que depuis qu’Archibald savait qu’ils étaient dans la région et qu’ils s’y étaient installés, il était d’une humeur massacrante et refusait le dialogue avec nous.

La semaine dernière quand il les avait reconnus sur la place du village, je ne l’avais jamais vu aussi pâle. Les habitants curieux étaient ravis d’avoir un tel scoop, mais Archibald les avait tous laissés sur leur faim en remontant dans sa camionnette, sans même un regard pour eux.

Mélusine et moi étions restées médusées, ce n’était pas du tout dans le caractère d’Archibald de se comporter ainsi, il devait s’être passé quelque chose de rudement grave pour qu’il ne veuille pas parler à ses parents.

Je ne savais plus comment faire avec eux, ils allaient quand même devenir mes beaux-parents et je ne pouvais pas les ignorer, mais la maman d’Archibald m’avait souri et m’avait souhaité tout le bonheur du monde. De toute façon, comme avait remarqué son père, ils n’étaient pas loin, si l’envie me prenait de faire plus ample connaissance avec eux, leur porte m’était grande ouverte. Je reconnaissais en eux, le caractère si chaleureux de mon amoureux.

Comme d’ordinaire, les habitants s’étaient dispersés, les parents d’Archibald étaient repartis vers leur bâtisse. Et puis, une cliente avait dit :

— Ils doivent être sacrément riches pour avoir acheté cette baraque, l’ancien propriétaire il en voulait de l’argent, il n’a pas dû baisser son prix.

Une autre avait surenchéri :

— C’est peut-être pour ça qu’il a pu faire sa boulangerie, il fait le fier, mais en fait c’est grâce à eux.

Elles avaient parlé assez fort pour que nous entendions, mais tout comme moi Mélusine fit la sourde oreille et nous avions continué à ranger.

Sur le chemin du retour, Mélusine avait remarqué :

— C’est vrai que nous ne nous étions jamais posé la question d’où venait l’argent.

Elle avait raison.

— Il n’y a pas de honte à être riche après tout ! dit-elle en me regardant.

Je tournais la tête vers elle. Mélusine n’avait pas de famille, abandonnée dès la naissance, elle avait été placée en foyer. À sa majorité, elle avait trouvé des petits boulots pour gagner sa vie et comme elle avait des doigts de fée, elle avait vite ouvert une mercerie en empruntant. Nous nous étions rencontrées par hasard, dans un bar, j’étais avec Archibald, et nous regardions un match de foot. Il y avait une ambiance de dingues. Elle était à fond et à chaque but marqué, elle se déchainait. Nous étions à la même table et tout naturellement quand Archibald m’avait offert à boire, il lui avait demandé ce qu’elle voulait. Nous avons vite compris qu’elle ne soutenait pas une équipe en particulier, juste elle applaudissait à un but et ça nous avait fait rire.

Cela faisait une semaine et c’était le silence radio du côté d’Archibald. J’avais vite réalisé qu’il était inutile de poser des questions.

J’avais donc interrogé pépé Charles, peut-être avait-il entendu quelque chose. Je compris immédiatement à sa manière de se gratter la tête qu’il savait. J’aurais dû m’en douter, il était très ami avec Clovis, celui qui tenait le bar du village où nous habitions avant. C’était là que j’avais appris à jouer au tarot avec ses potes, Jojo, Pierrot et Lulu. S’il y avait bien un endroit où les langues se déliaient, c’était chez lui ! Pourquoi n’y avais-je pas pensé plus tôt.

— Je lui ai toujours dit à Archibald que ce n’était pas bien de rester fâché. Surtout que ce n’était pas une catastrophe de gagner au loto.

À voir ma surprise, Charles comprit que je n’étais au courant de rien. Il tenta une marche arrière.

— Ouais enfin, c’était ce qu’il se disait. Peut-être que c’était pas vrai.

— Tu veux dire que ses parents ont gagné au loto ? Une grosse somme ?

— Le pactole oui !

Jamais, je ne m’en serais doutée. Rien chez Archibald ne le laissait présager.

— Ils avaient joué chez Clovis alors tu penses bien qu’il était au courant. Il y a eu la presse et tout et tout, mais il n’a jamais dévoilé leur nom. Personne n’en a rien su. Sauf moi ! Nous étions tellement amis avec Clovis. D’ailleurs, tu savais qu’il m’envoie régulièrement des SMS ?

Charles avait tout quitté pour me suivre et abandonné ses amis. Je l’aimais comme un grand-père.

— Seulement… ce n’était pas eux qui avaient joué. Figure-toi qu’Archibald a trouvé le billet par terre dans sa boulangerie. Il ne savait pas comment faire pour savoir à qui il appartenait. Il ne pouvait pas mettre une annonce ni l’afficher dans sa vitrine. Quand le pactole a été gagné, il a été content, ce n’était pas son billet inconnu. Il n’a pas compris tout de suite, vu que le nom n’avait pas été dévoilé et il pouvait donc détruire le ticket. Sauf qu’il ne l’a jamais retrouvé. Il l’avait rangé dans un tiroir dans son laboratoire. Lorsqu’il a réalisé que c’était eux qui avaient touché la cagnotte, il ne leur a plus parlé. Il les a accusés de vol et il ne voulait pas être le fils de voleurs.

— Tu parles de la boulangerie du village où nous habitions ?

— Non, c’était celle où il était en apprentissage. Je ne sais pas si vous vous connaissiez déjà. Moi oui, parce qu’il venait chez Clovis livrer le pain.

— Et du coup, ce billet de loto ?

Pépé Charles haussa les épaules.

— Qu’est-ce que tu veux que je te dise, ses parents ont nié l’avoir volé et lui ne les a jamais crus. Il a coupé les ponts. Sa mère m’a raconté une histoire abracadabrante et…

— Parce que tu les connaissais bien ? l’interrompais-je.

Charles soupira.

— Mais oui, ça me fendait le cœur. Elle me suppliait d’intervenir, son père faisait sa tête de pioche, son fils ne voulait plus le voir, qu’il aille au diable et chacun est resté campé sur ses positions et ça dure depuis des années. Je ne savais pas qu’ils viendraient habiter par ici.

— Si tu voyais la maison, ils doivent avoir sacrément de l’argent.

— Son père a bien su s’occuper de ça apparemment. L’argent ne lui est pas monté à la tête.

— Il a dû aider Archibald pour s’installer ici et…

— Certainement pas, me coupa pépé Charles. Il n’en aurait jamais voulu. Archibald s’est toujours débrouillé seul.

Depuis, je ne savais plus comment aborder le sujet avec Archibald. Mélusine me conseillait de laisser faire le temps, ce à quoi je répliquais qu’il en avait laissé passer du temps.

Alors aujourd’hui, quand j’ai vu débarquer ses parents dans la boulangerie, je n’ai pu m’empêcher de jeter un coup d’œil dans le laboratoire.

— Ne vous inquiétez pas, il est parti, me rassura aussitôt sa mère. Je me présente, je suis Candice et voilà mon mari Victorien. C’est à vous que nous voulions. Nous aimerions assister à votre mariage, pensez-vous que ce sera possible ?

© Isabelle-Marie d’Angèle (juin 2024).

Il faudra être patient, la suite… tu ne la découvriras qu’en septembre 😂.

À très vite…