Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

Tu peux trouver les épisodes précédents ici.

Il faisait un soleil magnifique quand Mélusine et moi ouvrâmes le food truck. Nous n’avions même pas eu le temps de déplier quelques chaises, que les clients arrivaient en papotant les uns avec les autres, en riant, en nous saluant avec joie et bonne humeur. Heureusement qu’Archibald avait fait le plein de pains parce qu’à voir la file de Basques qui s’avançaient vers nous, nous allions avoir du travail.

— Alors, ça approche le mariage ?

Cette question, je crois qu’il ne se passait pas un jour sans que je l’entende. Ils étaient curieux et voulaient tout savoir, mais je ne leur répondais pas. Ils ne m’en tenaient pas rigueur et je pense même qu’ils seraient déçus si j’en disais trop.

Je commençais à préparer les sandwichs alors que Mélusine prenait les commandes. Un autre sujet que mon mariage semblait les enthousiasmer. La grande bâtisse était vendue.

— De laquelle parlez-vous ? m’intéressais-je.

Plusieurs se tournèrent et montrèrent du doigt une belle maison de type on ne peut plus basque, aux volets rouges, qui terminaient la rue. Un parc la protégeait des curieux, mais aujourd’hui un ballet de camions s’agitait devant ses grilles.

— Elle a été vendue et les propriétaires sont arrivés. Ils doivent avoir des sous parce qu’elle a été bien rénovée.

— Elle en avait bien besoin.

— On ne les connait pas.

— Ils ne doivent pas être d’ici.

— Ils ne sont pas encore montrés.

— Peut-être qu’ils viendront se servir chez vous ?

— Tu parles, ils ne sont pas du même monde.

Mélusine et moi écoutions en souriant et en préparant rapidement leur commande. Je voyais mon stock de pains filer à vue d’œil. Soudain, le silence s’installa.

Surprise, je levais les yeux. Mélusine me donna un coup de coude. Nos clients habituels se poussèrent pour faire de la place. Un couple d’une cinquantaine d’années approchait, la mine avenante. Lui, en jeans chemisette, chapeau de cow-boy vissé sur ses cheveux bouclés noirs grisonnant, elle, en robe à bretelles, cheveux longs détachés légèrement striés de blanc. D’emblée, je les trouvais sympathiques. Ils saluèrent les habitants et effectivement, ils étaient les nouveaux propriétaires de la maison qui les faisait tant parler. Ils avaient vu qu’il y avait un food truck sur la place, pourquoi ne pas faire connaissance ?

Les Basques, méfiants, répondirent à leur bonjour du bout des lèvres et n’engagèrent pas la conversation. C’est Mélusine qui présenta nos produits.

— Vous venez toutes les semaines ? m’interrogea la dame.

— Heureusement, remarqua une cliente en riant. Comment ferions-nous sans le pain ?

— Il n’y a pas de boulanger ici ? demanda l’homme en enlevant son chapeau.

Je le regardais et il me fit penser immédiatement à Archibald. Ils avaient les mêmes yeux qui se plissaient. Surprenant !

— Il faudra que vous alliez au village voisin, le nouveau qui…

— Il n’est plus aussi nouveau que ça, ça fait bien deux ans qu’il est là maintenant, l’interrompit un habitué en tapant dans ses mains.

— C’est vrai que le temps passe vite.

— Qu’a-t-il donc de spécial ce boulanger ? demanda l’inconnue.

— Vous n’avez qu’à interroger la p’tite dame, répondit le Basque en me désignant. Ils vont se marier. C’est sa fiancée.

— Félicitations ! le couple me regarda en souriant et je ne pus m’empêcher de rougir.

— C’est sa meilleure amie, là, elle s’appelle Mélusine. Une vraie fée pour coudre. D’ailleurs, c’est elle qui lui fait sa robe de noces.

Qui a dit que les Basques n’étaient pas bavards ? À croire que les inconnus leur avaient jeté un sort, on ne pouvait plus les arrêter. Je les interrompis en demandant ce qu’ils voulaient goûter.

— Je vous fais confiance, donnez-nous ce que vous prendriez si vous étiez à notre place.

Je ris. Si Archibald était là, il répondrait qu’ils n’étaient pas sortis de l’auberge, vu que j’aimais tout ce qu’il faisait. D’ailleurs, mon portable vibrait, c’était lui. Je mis le haut-parleur pour mieux l’écouter.

— Je vais passer te faire un coucou, je dois aller chercher de la farine au moulin. Tu n’as besoin de rien ?

Ravie je regardais les personnes encore devant le food truck qui avaient compris et qui se filaient des coups de coude d’un air entendu, je remarquais aussi que le couple s’était assis et ne semblait pas pressé de rentrer chez eux.

Mélusine me fit signe qu’Archibald pouvait apporter son pain aux noix, il était parti le premier et si les nouveaux voulaient le goûter.

Dans dix minutes, il serait là et comme une gamine, j’étais heureuse. La matinée était passée vite. En l’attendant, je m’approchais des inconnus.

— Vous êtes de la région ?

— Pas du tout, répondit l’homme.

— Pourquoi ce choix alors ? demanda un habitant, surpris.

Il sourit.

— Je sais que vous appréhendez un peu les étrangers, mais… nous avons de la famille ici, et ma femme et moi avions envie de nous en rapprocher.

La camionnette d’Archibald arrivait, il klaxonna et les habitants le saluèrent en riant.

— Le voilà notre boulanger, vous voyez, ce n’est pas loin. Vous pourrez presque y aller en vélo.

Il s’approcha du food truck et déposa ses pains, salua Mélusine qui tendit sa joue, et vint vers moi. Je me décalais pour l’embrasser quand il se figea.

— Papa maman ? Mais qu’est-ce que vous fichez là ?

— Bonjour mon garçon ! Heureux de te revoir, dit son père en se levant.

Pas étonnant que je lui trouvais une ressemblance !

© Isabelle-Marie d’Angèle (juin 2024).

Je te mets ci-dessous la maison choisie pour mes inconnus (enfin pas si inconnu que ça finalement 😉).

La maison des inconnus
À très vite…