Journal de Marie-Sophie

Bonjour toi 😉

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Je ne faisais pas la tête à Archibald, depuis le temps que je le connaissais, je crois que nous n’étions jamais restés fâchés. Oui, mais voilà, ça c’était avant. Lorsque nous étions amis, ce n’était pas du tout la même chose.

L’histoire avec Gabriel m’avait perturbée et comme me le répétait Mélusine, ça ne devrait pas. Archibald s’était expliqué, c’était au moment où je l’avais presque supplié de ne rien dire de nous deux. Il n’avait pas pris au sérieux Gabriel et l’avait incité à aller tenter sa chance sans réfléchir et il avait complètement oublié de m’en parler.

Comme le remarquait Mélusine à sa façon et elle ne mâchait pas ses mots :

— Gabriel est un con !

Puis elle en rajoutait :

— Il fallait vraiment qu’il soit aveugle pour ne pas comprendre que vous étiez amoureux, et ce depuis longtemps.

Ce à quoi je répondais :

— Toi aussi tu le croyais ?

— Mais évidemment Marie-Sophe. Archibald était malheureux comme la pierre quand tu étais avec Morgan, mais jamais il ne serait intervenu. Il t’aimait trop pour ça. Tu vois, il n’est pas comme Gabriel. C’est vraiment lorsque Morgan est revenu et qu’il a compris que vous n’aviez plus de sentiments l’un pour l’autre qu’il a accepté de te regarder différemment. Il se l’interdisait avant.

— Pourquoi je ne me suis rendu compte de rien ?

— Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question Marie-Sophe, toi seule es capable d’y répondre.

— Justement, peut-être que je ne suis pas assez amoureuse de lui !

Mélusine se mit en colère.

— Tu m’agaces et tu exagères. Quand vas-tu grandir ? Tu ne vas pas tout foutre en l’air pour une guéguerre entre mecs ?

Elle sortit en claquant la porte. Elle avait raison, j’en faisais tout un plat alors qu’il n’y avait pas matière d’en faire. Comme toujours dans cette situation, je cherchai pépé Charles.

Je regardai l’heure, il restait un peu de temps avant de partir faire ma tournée avec le food truck. J’y allais seule aujourd’hui, Mélusine avait du travail de couture et elle devait aussi s’occuper de ma robe. Elle avait des idées à me soumettre. Nous n’avions pas encore fixé de date.

Charles était attablé devant les informations matinales. Dès qu’il m’aperçut, il éteignit l’écran.

— Tu viens prendre un café avec moi ma petiote ? J’en ai du tout chaud.

Il ne me laissa pas répondre et me servit. J’avais toujours une tasse pour moi, il l’avait trouvée dans un vide-grenier avec mon prénom écrit dessus. Il ne pouvait pas passer à côté ne cessait-il de me répéter.

— Alors ce mariage, c’est pour quand ?

Je grommelai, les yeux sur mon café, que nous n’avions pas fixé de date.

— Ne tardez pas trop quand même, je ne suis plus tout jeune. On ne sait jamais ce que la vie nous réserve. J’ai dépassé la barre des 80 ne l’oublie pas.

Il m’attrapa le menton et le releva.

— Ne me raconte pas que tu es tourneboulée par ce qui s’est passé à la boulangerie ? Gabriel a entendu parler du pays, crois-moi ! Il n’était pas content. Ce n’est pas le premier qui est amoureux et que ce n’est pas payé en retour. Il s’en trouvera une autre, la belle affaire ! Il m’a même dit qu’il allait repartir, ce à quoi je lui ai répondu qu’aux urgences, il manquait du monde et que ce n’était vraiment pas le moment de tout plaquer pour une histoire de… rien du tout !

— Gabriel veut quitter son poste ? À cause de moi ? Alors qu’il vient d’arriver ?

— Ah ! ne va pas te mettre la rate au court-bouillon. J’aurai mieux fait de me taire. Bref, tua vais besoin de quelque chose ?

J’étais en colère, je ne savais plus où j’en étais, j’avais peur de perdre Archibald enfin surtout son amitié alors que nous étions beaucoup plus que ça aujourd’hui. Une fois de plus, j’avais envie de partir loin. Pépé Charles dut le comprendre parce qu’il posa sa main sur la mienne.

— La fuite n’a jamais rien apporté, tu emportes tout avec toi et quand tu reviens les problèmes sont toujours là. Fais face ma petiote, sonde ton cœur, écoute-toi et tu verras que tout ira bien.

Il se leva et ralluma la télé. La discussion était terminée. Il me fit un clin d’œil et ajouta :

— Tu ne devais pas faire ta tournée aujourd’hui ? Tu vas finir par être en retard et tes clients vont t’attendre.

J’avalais mon café. Il avait un goût amer.

Sur le chemin qui me menait à la boulangerie, j’aperçus Archibald qui venait à ma rencontre. Les battements de mon cœur s’accélérèrent et je compris enfin qu’il était l’homme de ma vie. Comment avais-je pu en douter ? Je n’avais jamais ressenti ça auparavant. Je le trouvai beau. Il avait le cœur sur la main et je savourai enfin la chance de l’avoir près de moi. Dès qu’il me vit, il sourit. J’imaginai sa fossette à droite qui me faisait craquer puis ses yeux plissés pour mieux me regarder. Je le connaissais par cœur, ça m’en donnait le vertige parfois. Saurait-il encore me surprendre ?

— Te voilà, je me demandais si tu ne t’étais pas rendormie. Je t’ai tout préparé, le food truck est prêt. Si tu veux, je peux même t’accompagner dans ta tournée, Maddie est là et c’est elle qui l’a proposé. Il parait que les clients qui ne peuvent se déplacer se plaignent de ne jamais me voir.

Il rit en disant ces mots puis il déposa un léger baiser sur mes lèvres. J’adorai son parfum de pain cuit qui le quittait rarement.

© Isabelle-Marie d’Angèle (mars 2024).

À très vite…