La pomme d’Héloïse

Bonjour toi 😉

Comme c’est le jour des enfants, je retrouve avec plaisir Héloïse qui a une version de Blanche-Neige a te raconter.

Alors que Stefano bricolait avec son père, Héloïse était restée dans la cuisine avec sa maman. Les deux coudes sur la table, elle fixait une belle pomme rouge qui la narguait dans le compotier.

— Elle ressemble à la pomme de Blanche-Neige, murmura la petite fille.

Charlie qui préparait un gâteau demanda :

— Tu as faim ?

— Pas du tout, répondit Héloïse. Tu crois que la pomme était d’accord pour empoisonner Blanche-Neige ?

— Je ne pense pas qu’elle ait eu son mot à dire. Donne-la-moi, je vais la couper en morceaux et la glisser dans ma pâte.

— Mais non, tu vas lui faire mal.

Charlie sourit.

— Tu ne dis pas la même chose quand tu croques dedans à pleines dents.

Héloïse souffla.

— Oui, mais là, c’est pas pareil. Dis maman, imagine que la pomme dans le conte, ait refusé d’être empoisonnée, qu’est-ce qui ce serait passé ? La princesse ne se serait pas endormie et la sorcière n’aurait pas été contente.

— Certainement qu’elle aurait été en colère, peut-être que le sort de Blanche-Neige aurait été pire.

— Pire comment ? Elle aurait été morte vraiment ? Les nains auraient été très malheureux alors !

— Et le prince aussi, ajouta Charlie en faisant un clin d’œil à sa fille.

— Tu sais quoi, je vais écrire une histoire où la pomme raconte ce qui s’est vraiment passé. En fait, la sorcière voulait tuer Blanche-Neige, mais elle n’a pas réussi. Stefano m’a lu une version où un morceau de pomme était resté coincé dans sa bouche. Je suis sûre que la pomme l’avait fait exprès.

— Quelle serait donc ta version, je t’écoute ma puce.

Héloïse se sentit remplie de fierté, surtout quand Charlie abandonna son gâteau et vint s’assoir près d’elle.

— Alors voilà : quand la méchante sorcière commença sa recette pour fabriquer sa pomme, elle était dans une cave froide et laide. Elle mit à chauffer des potions dans un grand chaudron. Seulement, lorsque la pomme prit sa forme, elle devint aussi vivante, parce que la sorcière s’était trompée dans ses mélanges. Tu sais, elle était un peu vieille et elle n’y voyait plus très bien quand elle lisait son gros livre de magie.

Charlie sourit et encouragea sa petite fille à continuer. Elle était toujours ébahie et stupéfaite par l’imagination d’Héloïse.

— La pomme se trouvait bien jolie, toute rouge et brillante, mais elle ne se sentait pas bien. Elle avait mal au ventre, tu sais un peu comme moi quand j’ai mangé trop de bonbons, elle comprit que sa peau n’était pas normale et qu’à l’intérieur d’elle, il y avait quelque chose de méchant. Bien sûr, elle n’avait pas d’yeux, mais sa peau brillait tellement fort parce que la sorcière la frottait pour qu’elle soit belle, que son reflet s’imprima sur sa peau. Elle aperçut les gros yeux de la vieille femme et elle eut tellement peur qu’elle décida de lui faire une farce pour la punir. C’était une pomme chipie !

Charlie eut du mal à garder son sérieux, mais elle respecta Héloïse et la laissa continuer sans l’interrompre.

— Tu te souviens que la sorcière avait mis plusieurs pommes dans un panier. Celle qui devait être empoisonnée était au-dessus. Sauf qu’elle échangea sa place avec une autre et quand Blanche-Neige la choisit et qu’elle l’approcha de sa bouche, elle lut sur la peau de faire semblant de mourir. Comme Blanche-Neige était très intelligente, elle joua la comédie sans poser de questions. C’est pour ça qu’elle met sa main à son front et qu’elle dit qu’elle ne se sent pas bien. Quand la sorcière est partie, Blanche-Neige se relève et ramasse la pomme tombée au sol. Elle la remercie. C’est alors que la pomme se change en prince charmant.

Charlie applaudit, mais elle fut vite remise à sa place, l’histoire n’était pas finie.

— Attends, et la méchante alors ? Figure-toi qu’elle aussi avait faim et comme elle avait un panier rempli de pommes, elle choisit évidemment celle qui était empoisonnée. Elle mourut dans d’atroces souffrances.

Charlie éclata de rire.

— Tu en as du vocabulaire dis-donc ! Atroces souffrances, rien que ça !

— Mathurin le dit tout le temps quand il parle de sa belle-mère qui a d’atroces souffrances dans ses jambes. Comme elle se plaint tout le temps qu’il dit, elle doit avoir sacrément mal !

Charlie se leva pour terminer son gâteau, cachant un sourire. Effectivement, la belle-mère du voisin était réputée pour être hypocondriaque et elle répétait à tout va que personne ne comprenait ses atroces souffrances, Héloïse avait bien compris le terme et l’avait placé exactement où il fallait dans son histoire.

— Du coup, on prend quelle pomme pour la couper dans ton gâteau ? demanda Héloïse, la moche toute ridée là ?

Elles rirent toutes les deux, complices.

© Isabelle-Marie d’Angèle (juin 2023)

À très vite…